Après une année 2022 exceptionnelle, on était curieux de voir cette équipe de France pour sa première grande échéance internationale. Direction le Portugal et la banlieue de Lisbonne pour les championnats continentaux. Un événement aux 404 combattants pour quarante pays représentés, toujours sans les jeunes Russes.

Une compétition en forme de très bon cru pour les jeunes pousses Tricolores puisque l’équipe de France termine à la deuxième place du classement derrière l’intouchable Azerbaidjan. Neuf médailles – six féminines – dont deux titres qui vont à Alyssia Poulange (SO2J Saint Ouen) en -52kg et Léonie Minkada-Caquineau (Dojos de l’Agglomération du Niortais 79) en +70kg. Une surprise ? Pas vraiment.
D’abord, parce que ces jeunes judokas étaient déjà internationales l’année dernière : Poulange, peut-être la combattante la plus complète de cette génération, fut médaillée de bronze en -48kg en 2022 lors de ces mêmes championnats et finira septième des championnats du monde.
Minkada-Caquineau sera, elle, victorieuse de la coupe d’Europe de Strasbourg. Des habituées des compétitions internationales qui ont accumulé une expérience utile et précieuse.

Alyssia Poulange.
Crédit photo : Gabi Juan/EJU

Ensuite, parce que leur niveau intrinsèque est élevé pour leur catégorie d’âge. La preuve ? Alyssia Poulange est vice championne de France juniors 2023 et médaillée de bronze sur la coupe d’Europe de Paris, la plus forte de la saison à ce jour.
Léonie Minkada-Caquineau ? Seulement cadette deuxième année est elle aussi médaillée à Paris, en bronze chez les +78kg. Absente des championnats de France juniors – elle avait été préservée avant la coupe d’Europe de Croatie une semaine après -, elle montait sur la première marche du tournoi d’Aix-en-Provence – une référence – en décembre dernier.
Enfin, elles appartiennent à une catégorie où la concurrence – un duel pour être exact – joue à pleine son rôle de « booster ». En -52kg, Poulange, n°1 incontestable est challengée fortement par l’Orthézienne Alicia Marques, médaillée de bronze aux championnats de France juniors 2023. Deux judokas de qualité, toujours dans leur club formateur, qui – comme nous l’écrivions en avril – nous avait offert la plus belle finale des championnats de France cadets, avec une époustouflante séquence en ne-waza de Poulange.
En +70kg, Minkada-Caquineau était elle en position de numéro 2, devancée par Celia Cancan. Licenciée au Judo 83 Toulon, cette combattante du pôle espoir de Nice (à Marseille la saison prochaine) est championne de France cadette, junior en titre et en or lors de la coupe européenne de Paris début mai !

Léonie Minkada-Caquineau.
Crédit photo : Gabi Juan/EJU

Deux catégories qui furent logiquement et pertinemment doublées pour cet événement portugais. Un choix payant puisqu’il y a quatre médailles au bout : l’or de Poulange et de Minkada-Caquineau donc mais aussi l’argent de Cancan et le bronze de Marques.
Samedi, les deux +70kg se recontraient pour la sixième fois en finale cette saison après le tournoi label Excellence de Clermont-Ferrand, les coupes d’Europe d’Italie, de Croatie et de Pologne et le championnat nationale cadet. Un combat plutôt équilibré (même si Minkada-Caquineau menait deux shidos à un) jusqu’au hansokumake donné à la Varoise pour « diving ». Une sanction qui ne laisse pas de faire lever les yeux au ciel les amateurs mais qui au vu de la jurisprudence appliquée sur le circuit international apparaissait comme logique.
En -52kg, c’est en quart de finale que Poulange prenait le dessus sur Marques aux shidos, avant de faire parler sa science du ne-waza pour immobiliser la Néerlandaise Ciska Adema en finale. Quatre judokas qui feront partie des meilleures chances de médaille lors des championnats du monde fin août en Croatie.
Deux titres, une médaille d’argent mais aussi six médailles de bronze. Un chiffre qui permet à la France de devancer la Turquie puisque c’est sur cette variable que les Français font la différence, l’équipe turque n’en ayant au final que trois.
Trois sont encore féminines grâce à Marques mais aussi Ielena Nicolas (AJBD 21-25) en -57kg et Anais Nebout-Gonsard (Stade Clermontois Judo) en -70kg. Les trois autres reviennent à Maxence Adriano (Groupe Senlisien Judo) en -60kg, Désir Zoba Casi (Bold Academy) en -73kg et Mathéo Akiana Mongo (Sainte Geneviève Sports Judo) en +90kg. Le premier est vice champion de France alors que les deux derniers furent, eux, sacrés début avril au Dojo de Paris.
Un total global qui permet à l’équipe de France d’occuper la tête du classement féminin alors que les masculins sont au dixième rang. Peut-être plus significatif encore : neuf des dix Françaises sont classées à Odivelas. Une belle performance collective des filles d’Automne Pavia et Christophe Mandin.

L’autre enseignement de ces championnats tient dans l’impressionnante démonstration azerbaidjanaise. Six titres pour le pays d’Enur Mammadli, vice président de la fédération et champion olympique des -73kg en 2008 à Pékin. Cinq sont masculins, un féminin dans des catégories là aussi sans surprise quand on connaît le judo azerbaidjanais : dans les catégories légères (-48kg, -50kg, -55kg, -60kg, -66kg) et la catégorie des « lourds ». En effet, l’année dernière ce pays d’Asie centrale avait par exemple remporté l’or en -55kg et -60kg  – avec Nugzari Imranov, vainqueur à Paris chez les juniors – et l’argent en -48kg avec une autre athlète que la championne d’Europe de vendredi, Vusala Hajiyeva. Une capacité à former peu à peu et régulièrement des féminines de très bon niveau qui s’inscrit dans une démarche plus globale initiée suite au fiasco des Jeux olympiques de Tokyo. Retour en arrière.
Dix-neuvième nation à la fin des JO (une seule médaille – en bronze – pour Iryna Kindzerska en +78kg et seulement deux judokas classés avec la cinquième place de Rustam Orujov en -73kg). Un échec qui entraîne un chamboulement à la tête du sportif : le judo azerbaidjanais fait appel à deux étrangers : le Néerlandais Mark Van Der Ham est engagé comme directeur de la performance. Réputé, il fut l’entraîneur d’Annicka Van Emden – médaillée de bronze olympique à Rio en 2016 -, de Roy Meyer ou, surtout, du Belge Mathias Casse. Autre arrivée, celle de l’Allemand Richard Trautmann, double médaillé olympique en 1992 et 1996, responsable de l’équipe masculine allemande de 2016 à 2021 et coach du médaillé d’argent olympique Edouard Trippel.
Selon nos sources, est mis à disposition du judo azerbaidjanais un budget très important qui permet à la direction sportive de mettre une initiative centrale : envoyer très souvent et en masse les meilleurs jeunes judokas du pays avec l’équipe nationale sur des coupes d’Europe et même d’organiser un événement à destination de cette population, comme ce fut le cas les 6 et 7 mai derniers, avec une compétition à Goygol.
Si Van Der Ham a quitté il y a peu le staff azerbaidjanais, la stratégie mise en place depuis l’automne 2021 confirme, avec ce résultat inédit pour le judo aerbaidjanais, porter ses fruits après la deuxième place obtenue l’année dernière sur cette compétition derrière… la France.

Des championnats où la Turquie, toujours bien présente chez les jeunes, complète le podium avec deux titres féminins en -63kg et -70kg, une médaille d’argent en +90kg avec un garçon dont le nom n’est pas inconnu aux connaisseurs : Ibrahim Tataroglu. Fils de Selim (né soviétique, en Tchétchénie très précisément), celui-ci fut quadruple médaillé mondial (1995, 1999 en +100kg et toutes catégories et 2001),  et quadruple champion d’Europe. Son fils, à la taille et à la stature impressionnante, est déjà médaillé chez les seniors (le bronze au Grand Chelem d’Antalya). Un garçon pressé dont on pourrait bien ré-entendre parler très vite.