Elle n’a eu comme seul signe extérieur de joie qu’un court serrage de poing. Toujours très en contrôle, Faiza Mokdar s’offre – tout de même ! – un historique triplé européen ce mercredi à Porec (Croatie). Une première journée que la France démarre fort, avec aussi la médaille d’argent d’Ophélie Vellozzi et de bronze pour le lutin malin de l’ACBB, Romain Valadier-Picard. La Russie est finalement au rendez-vous – alors qu’on la pensait écartée suite à un cas positif dans son équipe – mais aussi la Serbie qui maximise ses atouts avec deux titres en -48kg et -57kg.

Mokdar très au-dessus, Vellozzi et Valadier-Picard convaincants

Faiza Mokdar, triple reine d’Europe
Crédit photo : Union Européenne de Judo

« Elle n’a pas donné l’impression d’être à 100 %. Mais elle a une telle marge que… ». Réagissant à chaud à la prestation de sa protégée au PSG Judo, Nicolas Mossion résume en peu de mots l’impression dégagée par Faiza Mokdar ce jour. Tête de série n°1 ce matin, la triple championne de France 2018 n’a pas écrasée de tout son talent la catégorie des -52kg. La faute notamment à une blessure au genou contractée il y a quelques semaines. Sans appréhension mais tout de même strappée toute la journée, la Parisienne, si elle a loupé quelques séquences au kumikata et clairement en manque de rythme, a néanmoins su toujours trouver la solution. Sans s’affoler, profitant judicieusement des opportunités créées grâce à son juji-gatame ou – et c’est nouveau – à un hiza-guruma soit direct, soit en préparation d’attaque comme en finale, où elle ajuste la Hollandaise Van Krevel avant de lancer un superbe morote-seoi-nage. Un combat où elle est rapidement menée deux shidos à rien. Mais une situation qui paradoxalement n’avait rien d’alarmant tant on sentait Mokdar capable de trouver la faille, ce qu’elle fit finalement très rapidement. Une journée sereine, sérieuse et donc pleinement réussie pour celle qui compte désormais trois couronnes européennes. Une remarquable performance que seule Carine Varlez avait réussi à faire dans l’histoire du judo hexagonal (de 1992 à 1994 en -72kg). Un exploit que la double championne de France juniors pourra même rendre encore plus grand puisqu’elle n’est que junior 3e année. Dans cette catégorie d’âge, les records sont détenus par la Belge Ulla Werbrouck et le Géorgien Beka Gviniashvili (trois titres, une médaille de bronze). Un beau challenge à se fixer pour 2021.

Ophélie Vellozzi, l’argent après une journée réussie.
Crédit photo : Union Européenne de Judo

Le titre, Ophélie Vellozzi l’a touché du doigt. Intraitable toute la journée, la -57kg parisienne n’aura buté aujourd’hui que contre l’expérimentée Serbe Marica Perisic. Habituée au très haut niveau senior, celle-ci a su toujours devancer la Française dans l’attaque. Rien de très tranchant certes, mais suffisant pour faire monter les pénalités pour non-combativité jusqu’au hansokumake. Reste que la prestation de la championne de France juniors 2020 prouve l’incontestable dynamique de progression dont cette dernière fait preuve depuis sa 3e place aux championnats de France seniors 2019. Plus impactante (un gros travail musculaire a été fait depuis le confinement de mars), plus patiente (on l’a vu contre la Russe Elkina en demi-finale), Vellozzi clôt de belle manière ses années juniors avec cette médaille d’argent continentale.
L’or, l’argent puis le bronze pour « l’ACBB Boy » Romain Valadier-Picard. Sélectionné en -60kg alors qu’il fut champion de France juniors en -55kg en mars, on se demandait si l’impact physique de la catégorie supérieure n’allait tout de même pas être trop préjudiciable à ce judoka bourré de talent et déjà très rôdé aux joutes internationales. Et bien pas du tout ! Un étonnement qui n’en devenait plus lorsqu’on apprenait que le garçon avait pris plusieurs kilos de muscle depuis son titre à Villebon pour être actuellement à 59kg. Une prise de masse qui n’avait aucune conséquence sur le judo du petit diablotin du club des Hauts-de-Seine : des ippon-seoi-nage à gauche parfait et un juji-gatame toujours aussi chirurgical, comme celui placé au Russe Parchiev pour le bronze, lors d’un combat où le Français aura été le seul à attaquer durant les 4’30 de combat. Junior 1re année, voilà Romain Valadier-Picard déjà médaillé européen avec pourtant un changement de catégorie d’âge de poids. C’est fort !

Le ne-waza infernal des frères Naguchev, la Serbie engrange

Deux surprises ce matin : un décalage d’horaires de dernière minute (tirage au sort finalement ce matin à 11h, début de la compétition à 14h) dû sans doute aux retards pris dans l’analyse des nombreux tests effectués hier et, surtout, la présence des combattants Russes dans les tableaux ! Joint au téléphone, Stéphane Traineau, directeur des Équipes de France, donnait quelques précisions : « les infos que nous avons eus étaient assez floues. De ce que l’on nous a dit, un judoka russe contrôlé positif a été écarté. Les autres ont été retestés et étaient négatifs. Ils ont donc été acceptés pour la compétition. »
Une situation étonnante quand on la compare au fait que toute l’équipe italienne a été empêchée de participer au Grand Chelem de Budapest pour trois cas positifs (dont le champion olympique Fabio Basile). Quoi qu’il en soit, les judokas russes du jour n’ont pas laissé grand-chose à leurs adversaires puisqu’ils s’adjugent les deux titres masculins du jour, en -60kg et -66kg et une médaille de bronze. Dans la première catégorie, c’est Khetag Basaev qui s’impose face à l’Ukrainien Veredyba en finale sur un sode-tsuri-komi-goshi.

Demi-finale fraticide entre Kazbek et Abrek Naguchev.
Crédit photo : Union Européenne de Judo

Dans la seconde, c’est Kazbek Naguchev qui devient champion d’Europe. Un titre que beaucoup lui promettaient tant le garçon est prometteur (sa trajectoire ressemble beaucoup à celle de Mikhail Igolnikov). Un sacre qui arrive finalement pour son ultime compétition chez les juniors  avec une arme fatale : le ne-waza. C’est simple : ce dernier aura gagné tous ses combats au sol avec un travail quasi-systématique mais sans approximations ! Contrôle du haut du corps en kata-gatame avant un dégagement de jambe tout en déplacement circulaire. Un schéma tactique explicite auquel tous les adversaires s’attendaient… sans pour autant pouvoir y échapper. Y compris d’ailleurs son propre frère, Abrek (junior 1re année et lui aussi étiqueté comme futur crack) lors de leur demi-finale ! Un combat extraordinaire à deux égards : voir deux frères s’affronter est très rare, mais nous offrir en plus un passage en ne-waza époustouflant, ça l’est encore plus.
Doublé russe chez les masculins donc et doublé serbe chez les féminines. En -48kg, Andrea Stojadinov, médaillée de bronze il y a une semaine à Budapest (elle est déjà 23e mondiale) s’impose en toute logique. Double médaillée mondiale juniors (2018 et 2019), elle remporte son premier titre continental juniors pour sa dernière compétition dans cette catégorie d’âge. En -57kg, Marica Perisic, elle aussi tête de série n°1 ce mercredi, offre le second titre à son pays. Des combattantes rompues au très haut niveau seniors et dont l’expérience s’est fait clairement sentir aujourd’hui. Ce soir, la France pointe à la troisième place au classement des médailles.

Retrouvez les résultats de la première journée ci-dessous :
https://lespritdujudo.com/porec-croatie-championnats-europe-juniors-2020/