Elle l’emporte contre IPU, l’université entraînée par Toshihiko Koga
Tokyo, samedi 25 juin.
8h. Station Kudanshita. Pantalons à pince, polo ou chemise blanche, oreilles en choux (« gyoza mimi » comme disent les Japonais), banane en bandoulière, regard dur pour certains, les étudiants suivent tranquillement, souvent par petits groupes, la sortie n°2 qui donnent sur les douves du palais impérial, tapissées de nénuphars géants et sur l’entrée du Nippon Budokan.
Là-même où Anton Geesink, lors des JO de 1964, terrassa Akio Kaminaga en finale des lourds devant des judokas japonais médusés.
Une salle qui accueille chaque année le Zen Nihon, et qui, selon certaines sources, sera fermé début 2017 (pour au moins un an), pour cause de réfection en vue de Tokyo 2020.
8H30. Arrivé dans la salle, les étudiants finissent de s’échauffer sur les six surfaces de combat. Et une première surprise : des judogis bleus sur le tatami du Budokan !
Une rupture symbolique forte, dans le pays gardien du patrimoine culturel et historique.
Une décision prise il y a peu par Noboyuki Sato, président de la fédération universitaire japonaise qu’il justifie, dès le début de la compétition, devant un café, sans la moindre gêne : « Il ne faut pas être dans la nostalgie. Cela fait 20 ans que les judogis bleus sont utilisés au niveau international. J’ai pensé qu’il était bon que le Japon « avance » vers ce qui se fait au niveau mondial. D’ailleurs, je pense que nous devrions aussi nous harmoniser au niveau des règles d’arbitrage avec ce qui se fait sur le circuit international. […] Ces judogis seront dorénavant obligatoires pour trois compétitions : celle-ci, le championnat par équipes et par catégorie de poids (fin septembre à Amagasaki) et lors du championnat individuel ».
Un choix qui a soulevé des protestations. Non explicites (nous sommes au Japon) mais bien réelles. Il se dit même que cette décision a créé des tensions avec l’AJJF (la fédération de judo japonaise).
Peut-être pour calmer le jeu, un questionnaire a été distribué aux Kantoku (entraineur en chef) de chaque université, aux capitaines et aux arbitres pour savoir ce qu’il pensait de cette mini-révolution vestimentaire (mais encore une fois très symbolique), à laquelle s’est ajoutée l’interdiction, pour les filles de porter leur fameuse ceinture noire à liseraie blanc.
Heureusement certaines règles sont encore bien présentes : seuls les avantages donnent la victoire. Les shidos ne font pas la différence. Exemple : 3 shidos d’un côté, 1 shido de l’autre = hikiwake.
Une règle qui favorise la tactique et l’obtention de match nul.
9H. Le protocole commence. Tous les judokas sont conviés sur les tatamis avec les capitaines des équipes vainqueurs l’année dernière : Tsukuba pour les garçons (équipe de 7 combattants), Yamanashi Gakuin (équipe de 5) et Kanoya (équipe de 3) pour les filles.
L’hymne japonaise retentit puis vient le discours de Nobuyuki Sato et du capitaine de Tsukuba.
9H30. Début de la compétition. Le samedi c’est la journée des filles même si a quand même lieu le 1er tour du tableau garçons.
Les équipes favorites du jour ? Yamanashi Gakuin, double tenant du titre avec comme fer de lance la -57kg Christa Deguchi. IPU (International Pacific University), l’université coachée par sa majesté Koga et un homme de l’ombre mais reconnu dans le milieu pour ses compétences en ne-waza, Yanno Sensei; Teikyo, entraînée par Sayaka Anai (la soeur de Takamasa), double finaliste malheureux en 20014 et 2016; Tsukuba, Tokai et Kokushikan d’Anzu Yamamoto font figure d’outsiders.
12h30. Dans le 1er demi-tableau Yamanashi fait le ménage avec facilité. Favorite à sa succession, l’université de Papa Nishida (le père de Yuka, la -52kg récemment retraitée et devenue coach adjointe de l’université de Shukutoku) ne laisse aucun espoir à leurs adversaires.
Dans l’autre tableau, IPU a bien l’intention de laver l’échec de l’année dernière avec une demi-finale contre Teikyo qui se profile.
16h30. La finale du jour opposera donc Yamanashi à IPU.
Deux finalistes qui l’emportèrent en demi sur le même score étriqué : 1 victoire à 0 !
Yamanashi dut son salut à la victoire décisive de Deguchi alors qu’IPU s’imposait dans le dernier combat sur un hansokmake pour quatre shidos contre la combattant de Teikyo, usée par le rythme de la combattante lourde au bras droit d’acier de l’université d’Okayama.
Lors de cette finale, le 1er combat se solde par un match nul.
Dans le 2è combat, Deguchi place un morote inversé raté mais très bien suivi au sol pour immobilisation. 1-0 Yamanashi. Le 3è combat voit IPU revenir à égalité avec un joli contre de sa combattante parfaitement suivi au col.
Le 4è combat est marqué par le sublime uchi-mata de la judokate de Yamanashi compté waza-ari.
Vient donc le dernier combat. Une victoire par ippon et c’est IPU qui retrouve le goût de la victoire.
Le scénario est étouffant puisque la combattante d’IPU prend les initiatives avec un bras droit très fort. Si la combattante de Yamanashi essaye de s’en tirer comme elle peut, les pénalités montent, inexorablement !
À 40 secondes de la fin, cette dernière a 3 pénalités contre elle. Sur leurs chaises, Koga et Yano enjoignent leur judokate à enfoncer le clou et à faire craquer son adversaire. Ce qu’elle pense faire (tout comme une partie du public) sur une action de traction qui fait tomber à genou la combattante de Yamanashi. Fin du combat et délivrance pour IPU ? Pas du tout ? Shido contre la fille d’IPU pour avoir plié son adversaire ! Koga reste interloqué. Les secondes s’égrènent jusqu’au gong final (voir vidéo dessous)
Yamanashi fait donc le triplé !
Et Koga reste KO Debout, le regard parfois perdu, parfois noir de furie.
Demain les garçons et la suprématie retrouvée de Tokai !