Le sourire est un peu forcé sur le podium. Faiza Mokdar, cela se sent, est déçue. Pas étonnant quand on connaît la Parisienne, à la joie toujours très intérieure mais à la déception plus facilement lisible dans son langage corporel. Ce jeudi, elle termine tout de même avec une médaille de bronze planétaire dans sa nouvelle catégorie alors qu’ils étaient encore trois Français (sur quatre) à pouvoir monter sur un podium avant le bloc final ! Une journée moins prolifique qu’hier pour les jeunes Tricolores mais la dynamique reste toujours enclenchée à mi-parcours, dans une compétition qui s’apparente pour l’instant à des championnats d’Europe bis où la Russie prend la tête.

-Elle l’attendait depuis 2018 et sa cinquième place aux Monde juniors organisés aux Bahamas. Blessée en 2019, privée de cet évènement en 2020 à cause de la crise sanitaire, Faiza Mokdar, prodige du judo français, remporte donc sa première médaille mondiale juniors aujourd’hui. Du bronze autour du cou de la triple championne d’Europe (2018, 2019, 2020 en -52kg), montée de catégorie mi-juillet et déjà vice championne d’Europe il y a un mois au Luxembourg. Ce jeudi, sa seule défaite, elle ne l’a doit pas à Kerem Primo, la pépite israélienne effrayante de précocité qui l’avait battue deux fois cette saison, mais à la Russe Kseniia Galitaskaia. Un waza-ari minuscule, microscopique même sur un o-uchi-gari ken-ken où la Française a le malheur de voir le haut de son humerus touché le sol. Des waza-ari de plus en plus contraires à l’esprit de la discipline (celui donné à Chloé Devictor contre la Suissesse Binta N’Diaye est du même acabit) qui, on peut le craindre, vont se généraliser. Reste que Mokdar peut également s’en vouloir, avec une défaite assez similaire à celle concédée en finale de la compétition continentale : plus le combat avance (qui plus est avec un golden score qui dure) et plus la Parisienne a tendance à perdre un peu le fil après un début de combat parfait ou presque. Un axe de travail assurément pour celle qui sut se remobiliser remarquablement pour battre l’autre Russe de la catégorie, Natalia Elkina, sur une séquence au sol un peu décousue mais que Mokdar maîtrise pour finalement clouer son adversaire en yoko-shiho-gatame. Voilà donc Faiza Mokdar, avec, enfin !, cette médaille mondiale que son talent lui promettait tant.
Dans la même catégorie Martha Fawaz, également du PSG Judo, est victime du tirage au sort avec un huitième de finale face à l’Israélienne Kerem Primo. Un combat intense, équilibré, prenant mais où Primo arrive à trouver la faille sur un o-goshi au golden score.

-Mélodie Turpin (-63kg, Stade Bordelais Judo) et Joan-Banjamin Gaba (-73kg, JC Chilly Mazarin Morangis) terminent tous deux cinquième. Arrivés en demi-finale, facilement pour Turpin grâce à son sankaku-jime, aux forceps pour Gaba (6’32 de golden score pour son premier combat contre l’Ukrainien Rostyslav Berezhnyi), ils s’inclinent tous les deux pour aller en finale. Turpin subit le shime-waza de la Néerlandaise Joanne Van Lieshout alors que Gaba se voit infliger une sanction pour pression sur le coude lors d’un combat indécis et tendu contre le Turc Umalt Demirel. Défaite pour le Français sur hansokumake ? C’est ce que l’arbitre semble indiquer. Pourtant, le Français se présente face à l’Italien Luigi Centracchio pour le bronze. Un combat que le Tricolore va perdre sur… hansokumake, les superviseurs estimant que son sode-tsuri-komi-goshi à une main avait exercé une hyper-extension du coude de son adversaire transalpin.  La Bordelaise, elle, ne peut rien contre les terribles harai makikomi de la Hongroise Brigitta Varga, vice championne d’Europe le mois dernier.
Turpin clôt donc ses années juniors sur deux cinquièmes places, aux Europe et aux Monde. Gaba de son côté, très performant sur les tournois européens (vainqueur à Prague et Udine), sera un peu passé à côté des deux évènements majeurs avec une élimination dès le premier tour au Luxembourg et cette cinquième place lors d’un évènement avec un seul non-Européen dans les sept premiers. Deux judokas qu’on retrouvera à Paris les 16 et 17 octobre prochains.

-Ce jeudi a confirmé que ces championnats du monde sans le Japon et avec des pays asiatiques et sud-américains très loins de leurs concurrents européens apparaît de plus en plus clairement comme un nouveau championnat d’Europe. Sur les vingt-quatre classés du jour, un seul est non-européen (le Brésilien Falcao en -73kg) ! Les trois titres du jour reviennent de nouveau à des combattants de notre continent : en -73kg, le Roumain Adrian Sulca fait le doublé Europe/Monde ! Il est pour l’instant le seul à avoir réussi cet exploit. Vainqueur de deux Open européen (Prague en février, Zagreb début mai), Sulca aura su optimiser ses qualités tactiques et en ne-waza dans une catégorie au niveau clairement moins élevé qu’il y a peu. Pour exemple, en 2017, le champion du monde se nomme Hidayat Heydarov alors champion d’Europe et cinquième aux Monde seniors. En -57kg, Kseniia Galitaskaia offre un second titre mondial féminin à la Russie de Kamal Khan-Magomedov. En finale face à Kerem Primo, cette très grande gauchère esquive avec subtilité la tentative d’uchi-mata de l’Israélienne pour placer son uchi-mata qui lève au plafond Primo, tout de même vice championne du monde juniors alors qu’elle n’est que cadette deuxième année ! Une génération féminine russe très intéressante et consistante, entre Khubulova, Nugaeva (championne d’Europe mais qui passe à côté de cette compétition) Galitskaia et Elkina (les deux dernières sont juniors deuxième année). En -63kg, c’est la Néerlandaise Van Lieshout, en bronze au Luxembourg et championne d’Europe -23 ans en 2020 qui fait retentir le Wilhelmus Von Nassouwe à Olbia.

Ce soir, la Russie prend le leadership grâce à ses féminines (même si il y a un titre masculin avec Abrek Naguchev) devant l’Italie qui grapille une médaille de bronze, tout comme la France, toujours troisième.