Ce qui nous a plu / Ce qui ne nous a pas plu ce mardi 25 aout

Rishod Sobirov en bronze en -66 kg, ça nous a bien plu… / Emmanuel Charlot – L’Esprit du Judo

CE QUI NOUS A PLU   

1- Le retour de Sobirov

Rappelez-vous. Rishod Sobirov était l’impeccable champion des années 2010-2012, deux titres mondiaux et une médaille olympique, surtout, une aura formidable et un judo proche du génie dans ses meilleurs moments. C’était en -60 kg, et il a fallu faire le deuil de cette catégorie où il était roi. Depuis, le guerrier ouzbek traînait sa misère sur les tapis sans briller, presque pathétique parfois dans son incapacité à gérer les longs bras des plus grands, la puissance des plus costauds. Deux ans, c’est un long exil loin de l’excellence… On croisait Rishod Sobirov et il nous faisait un peu l’effet d’un acteur hollywoodien déchu, qui n’y croit plus lui-même. Et puis on l’a revu en 2014. Septième des championnats du monde, le retour d’un début de crédibilité. Ce 25 août à Astana, il démontre enfin que des talents d’une telle pureté ne meurt pas. Ils cherchent seulement le nouvel équilibre, l’alchimie disparue par des points nouveaux à prendre en compte, des sensations à intégrer. Pour Sobirov, c’est fait.
Coup de tonnerre magnifique : un uchi-mata gaeshi sublime sur sa majesté Ebinuma, sans doute heureux que cela lui arrive ici plutôt qu’à Rio l’année prochaine. On a pu croire que ce ne serait qu’un éclair, mais à la faveur d’un tirage plutôt favorable, le petit Tamerlan a atteint son podium, enfin. Sur son visage lessivé, la fierté retrouvée. C’était beau à voir.

2- L’équipe coréenne

Deux médailles de bronze hier, une médaille d’or aujourd’hui, la Corée est de retour et séduit, comme souvent, avec des combattants jeunes à la fois physiques, tactiques et techniques. An-Baul a 21 ans, il a été champion du monde junior en 2013 et il est terrible sur ses mouvements d’épaule en seoi-nage ou en kata-guruma. C’est lui qui est sorti vainqueur du « quart de tableau de la mort » (avec Ebinuma, Chibana, Sobirov, Shershan, Khan-Magomedov…) et qui l’emporte à la fin en dominant tactiquement le Russe Pulyaev en finale. La Corée est deuxième nation désormais avec un score déjà meilleur que celui des cinq derniers rendez-vous mondiaux, après deux jours. Il lui reste encore quelques belles cartes à jouer dans les jours à venir… dont celle du fantastique double champion du monde et champion olympique Kim Jae-Bum (-81 kg), sur le retour, ou sur son retour, c’est selon, et c’est à découvrir après-demain !

3- La capacité du Japon a être toujours là… même quand il ne l’est pas vraiment (là)

Hier on avait boudé ses trois médailles sans titre, aujourd’hui on pourrait bouder l’unique médaille du jour pour l’équipe nipponne, sauf qu’elle est en or et que les deux journées mises bout à bout finissent par faire déjà un beau résultat de quatre médailles dont un titre et le statut provisoire de première nation au classement. Bien sûr, il est assez clair que le Japon fait pour l’instant plutôt profil bas, que ses légers font la plus mauvaise prestation depuis 2007. Les garçons ne sont pour l’instant qu’à une médaille de bronze, les filles n’ont « qu’une » médaille d’or, sans trop briller. On les a connu plus flambants, plus dominateurs, plus éclatants… Mais il y a un tel talent en réserve que le Japon a toujours une réponse à la question. Cette fois, c’est une valeur sûre, Misato Nakamura, tout en dignité et en fragilité, sur la corde de son manque de marge sur les autres – une situation qui lui est inhabituelle – qui emporte sans un sourire, comme si son échec des Jeux étaient à jamais ineffaçable, sont troisième titre mondial (voir par ailleurs l’Astanastat du jour). Les poids moyens et lourds, somme toute, sont en bonne position pour creuser l’écart dans les jours à venir… Et en 2014, le Japon avait pris le titre en -73 kg et -57 kg. À suivre ce mercredi !

CE QUI NE NOUS A PAS PLU

 

1- L’échec français (bis)

Comme hier, on n’aime pas voir une équipe de France sans médaille. À l’heure où les grosses équipes, Corée, Japon, et même la Russie qui emporte une médaille d’argent, se replace dans le peloton de tête, repoussant cette fois les guerriers des steppes (aujourd’hui encore le Kazakhstan avait un demi-finaliste et, c’est une première, l’obscur Turkmenistan avait aussi poussé jusqu’au demi-finale avec une combattante quasi-inconnue exotiquement prénommée Gulbadam), la France reste bredouille et pire, ne sort toujours aucun de ses représentants d’un quart de tableau. Il faut cependant relativiser la frustration. Après deux jours, rien n’est joué pour le résultat final et à Rio par exemple, en 2013, la France deuxième nation le dernier jour n’avait pas fait mieux. Hormis à Paris avec quatre médailles d’or, le judo français récolte un minimum de deux médailles d’or depuis 2007. Il a encore tout à fait les moyens d’y parvenir.
Ce qui est enrageant, c’est la manière. On aimerait que nos représentants puissent aller au bout d’eux-mêmes, aillent buter, ou dépasser, leurs limites, comme il se doit sur une compétition de cette envergure. Mais ce n’est pas le cas. La grande Annabelle Euranie, dont il faut rappeler encore l’incroyable retour au premier plan, a été tout de suite en difficulté physiquement et s’est fait « sécher » par l’agressivité au sol de la future médaille de bronze, l’inattendue Biélorusse Skrypnik, 45e mondiale quand la Française est 9e, une totale outsider qui trouve son graal à Astana. L’histoire aurait été belle si Annabelle, dominant cette adversaire normalement à sa portée, avait fait le même parcours à sa place… On pourra dire que la faiblesse relative au sol qu’elle affiche encore lui aura été fatale, mais il est clair, quelles qu’en soient les raisons, qu’elle n’a pas pu s’exprimer à son meilleur niveau.
Plus frustrant encore l’échec de Loic Korval. Il se montrait pourtant une nouvelle fois présent et efficace malgré le handicap d’une blessure à la cheville qui l’avait privé même de randori pendant toute la phase des stages préparatoires. Il était bon, tenant bien le dangereux Israélien Pollack qui venait de sortir magistralement l’Ukrainien Zantaraia et c’est lui qui avait marqué sur une forte et belle attaque en o-soto-gari. C’est rageant car, comme pour Amandine Buchard, à la fin du compte… il n’y a rien à dire. Loic Korval n’a pas su rester inaccessible dans les dernières secondes, quand son adversaire jouait son va-tout avec l’énergie du désespoir. Il avait trois pénalités au compteur, il en a pris une quatrième, « mécanique », en sortant du tapis, ce qu’il ne fallait pas faire, même si Pollack le poussait dehors, sa dernière chance… Et Korval le sait, il n’a pas de mansuétude à attendre du corps arbitral… qui l’avait suiv quelques dizaines de minute plus tôt, quand il avait réclamé une sanction pour saisie à la jambe de son premier adversaire kazakhstanais.
Là encore, comme dans le cas d’Annabelle Euranie, ce Golan Pollack – que Loic Korval avait largement dominé à Bakou pour le championnat d’Europe – très présent mentalement, est allé gagner un autre combat à la rage pour la place de trois contre le Mongol Davadoorj, en marquant un yuko presque invisible… sur le buzzeur ! C’est le jeu (ma pôve Lucette). Dans quelques mois, moins de 350 jours, ces garçons qui se tiennent dans un mouchoir de poche en termes de niveau, seront encore, pour plupart, présents aux Jeux olympiques. Et cela se jouera encore sur le fil, avec au bout la victoire pour un seul (et la médaille pour trois autres), celui qui forcera son talent et la chance. Injuste ou pas, il n’y a plus rien à dire quand le rideau est tombé, quand les hymnes ont été joués.

2- Le judo qui ne décolle toujours pas…

On ne voudrait pas se répéter, mais tant pis. C’était bien frustrant encore aujourd’hui de voir tous ses talents exceptionnels oublier le judo dans leur projet pour passer le tour. Certains semblent même avoir perdu l’art en route, buttant comme des gros bourdons dans l’opposition adverse, tant il est surtout essentiel désormais de placer une séquence avant l’autre, quelque soit son impact réel sur l’équilibre de l’adversaire. Fautifs ? Les athlètes ne sont que des révélateurs du problème. Pour la plupart d’entre eux – et tous finalement y seront soumis – ce sont les règles qui dictent le chemin à suivre. Mentons droits et regards sérieux de grand chambellan, superbement aveugles comme ceux de l’histoire qui n’osent pas voir que le roi est nu, les arbitres persistent à ne plus faire de différences entre les fausses attaques, innombrables vessies qu’il nous faut subir en spectateurs impuissants, incrédules et agacés, et les vraies rares lanternes qui éclairent encore le judo. Rendez-nous la lumière.