Difficile apriori de donner beaucoup de chances de victoire face au Japon à un groupe aussi résolument neuf que cette équipe de France, laquelle proposait, pour faire face au champion du monde et triple médaillé Soichi Hashimoto en -73kg, le vaillant mais inconnu au niveau international Joan-Benjamin Gaba, vingt ans, non classé et vainqueur en tout et pour tout dans sa carrière internationale de deux combats aux championnats d’Europe juniors 2020. Mais il allait à l’affrontement de toute sa volonté, tâchant, sans trop y parvenir de faire déjouer le maesto japonais, lui-même loin de sa plénitude. En multipliant les montées de main, les déplacements, en résistant aux pièges tactiques et aux attaques dangereuses du Japonais, Joan-Benjamin tenait la distance, obligeait son prestigieux adversaire au golden score, où il finissait par s’incliner par une troisième pénalité. Plus équilibré apriori, le combat suivant pouvait permettre à la France de faire douter l’équipe championne du monde en titre. La championne du monde 2019 Marie-Eve Gahié, de fait, déstabilisait d’entrée Saki Niizoe, 21e mondiale et battue en 2020 en finale à Paris par sa compatriote Yoko Ono. Mais Niizoe est une cliente… qui mène 4-3 dans les confrontations directes avec Gahié et a remporté les trois dernières entre 2018 et 2020. La Française croise fort, s’impose physiquement au point d’obtenir deux pénalités d’avance. Mais la Japonaise ne s’affolait pas, laissant le rythme retombé un peu avec la fatigue, sa force technique reprenant alors le dessus, d’autant que malgré tout sa volonté, Gahié se montrait finalement toujours en difficulté pour vraiment mettre en danger son opposante. Et c’est finalement d’un habile uchi-mata de jambe très rotatif que Niizoe enquillait sa quatrième victoire d’affilée sur la Française, amenant ainsi le deuxième point à un Japon conforté dans sa domination de principe par cette importante victoire.
Francis Damier ! Le dynamiteur du jour pouvait-il surprendre ? Amener la victoire de l’espoir ? Difficile tout de même pour un garçon de dix-neuf ans et gratifié pour l’instant de six points au classement international, de prétendre bousculer Kenta Nagasawa, 9e mondial et titulaire individuel sur ce championnat du monde. Le Français lançait pourtant ses longs bras à l’abordage, obtenait des situations chaudes sur des contres dangereux, mais le Japonais était trop stable et trop expérimenté pour lui laisser ce combat. C’était une nouvelle défaite par disqualification au golden score pour la France qui amenait le troisième point du côté du Japon.
Léa Fontaine, Miss « point final » pouvait-elle encore sauver la situation ? Dix-neuf ans comme Damier, championne d’Europe juniors comme lui, mais déjà 40e mondiale et titulaire sur ces championnats du monde, elle devait faire face à Maya Akiba, vingt-trois ans, 54e mondiale, peu sortie jusque là… mais à chaque fois finaliste. Petit gabarit par rapport à la formidable Léa qu’elle ne parvenait absolument pas à « bouger », Maya Akiba se réfugiait dans une tactique résolue de pénalisation, n’hésitant pas trop à se jeter « en dessous » (à plat ventre), en tirant simplement à deux mains sur le revers. Léa Fontaine, dangereuse en contre et quand elle parvenait à poser sa main forte, n’abdiquait rien, mais fatiguait progressivement à mesure que le temps passait, offrant la réaction juste suffisante pour que la Japonaise ne soit pas pénalisée. Au golden score, malgré l’agacement de la jeune Française qui ne se sentait pas au bout de son courage, ni n’était mise en danger, l’arbitre décrétait qu’il s’agissait là du troisième combat gagné par le Japon aux pénalités contre la France.
Défaite « sèche », donc en finale, mais face au désormais quintuple champion du monde par équipes. Loin d’être une humiliation, cette dernière bataille confirme ce qu’on avait senti prendre consistance dans les tours précédents. Non seulement l’équipe de France s’empare d’une belle médaille sous le nez de la Russie, de la Géorgie, de la Mongolie ou de la Corée, pour ne citer que ceux-là — pour l bronze, c’est en effet le Brésil qui s’impose à la Russie par 4-2 et l’Ouzbekistan à la Corée par 4-1 — mais elle a su surtout, peut-être, réussir ce joli pari de la jeunesse, offrant à cette très jeune équipe une accélération au meilleur moment, une perspective forte pour l’avenir, et à nous tous, un bouffée d’optimisme qui donne le sourire. C’est très bien joué.