Matvey Kanikovskiy, la perle russe des -100kg.
Crédit photo : Tamara Kulumbegashvili/IJF

Ce matin, s’il n’y en avait qu’un, nul doute que beaucoup auraient parié sur lui. Lui ? Matvey Kanikovskiy. Pour quel pari ? Celui d’aller chercher un titre ce dimanche et ainsi briser l’écœurante hégémonie nippone à domicile. Pourquoi lui ? Parce que ce judoka russe est un combattant exceptionnel au palmarès bluffant : l’année dernière, il l’avait emporté ici même, avec un plateau extrêmement relevé. En finale, il avait battu la nouvelle perle japonaise, Dota Arai, junior troisième année cette saison, mais déjà médaillé mondial seniors à Abou Dhabi en mai dernier ! Un étudiant de Tokai que le Russe bat encore une nouvelle fois ce dimanche, sur un ura-nage limpide que majestueux.
En finale, le Russe de 23 ans, né à Moscou, place un ude-garami imparable au très tactique Italien Gennaro Pirelli, vainqueur ici à Tokyo il y a deux ans. Deuxième victoire de rang à Tokyo pour Kanikovskiy qui empêche le Japon de réaliser le Grand Chelem lors de son Grand Chelem, avec treize victoires sur quatorze catégories.
Un combattant longiligne, impassible, hermétique à tout semblant d’émotion, mais d’une richesse judo qui lui permet de trouver une solution à tout problème posé. Le Moscovite n’a perdu que six combats depuis 2021, lui qui est champion d’Europe en titre, quatre fois en or et trois fois en argent pour sept Grands Chelems disputés. Si cela est désormais derrière nous, on se dit que voir Matvey Kanikovskiy aux Jeux olympiques cet été à Paris aurait été sacrément excitant, vu le niveau exceptionnel auquel plane ce garçon depuis maintenant deux ans.

Une victoire russe qui empêche le Japon de réaliser un week-end parfait mais qui reste irréel : treize titres sur quatorze possibles !
Ce dimanche, le Japon ajoute six titres à sa hotte pour trente-huit médailles au total (neuf d’argent et seize de bronze) et quarante-huit judokas classés sur cinquante-six possibles ! Des statistiques effrayantes et inédites puisque c’est la première fois depuis la mise en place du Grand Chelem que le Japon atteint treize médailles d’or à domicile. Le record précédent remontait à 2022 avec 12 victoires. La moyenne, elle, se situe à onze comme 2010, 2011, 2013, 2015, 2018 et 2019.
Qui retenir alors ce dimanche ? Bien sûr Sanshiro Murao en -90kg. Vice champion olympique à Paris, peut-être le plus élégant des masculins japonais se montre encore une fois emballant, battant son compatriote Goki Tajima, champion du monde en titre, sur un uchi-mata-gaeshi, et le Géorgien Luka Maisuradze, revenu il y a peu de sa suspension pour dopage, en finale. Un ko-soto-gari sur la jambe arrière superbe et l’ancien judoka de Tokai prouve qu’il est bien l’un des meilleurs -90kg mondiaux.
En +100kg, Kenta Nakano n’en finit plus de séduire. Il bat l’Ouzbek Muzzafarbek Turoboyev, médaillé olympique en -100kg et monté de catégorie, sur un o-soto-gari. En finale, son uchi-mata à gauche fait craquer Hyoga Ota. Avec la convalescence de Tatsuru Saito, Nakano prend toujours plus d’épaisseur dans cette catégorie. Vainqueur à Zagreb en septembre, l’ancien capitaine de Tenri marque de beaux points ce dimanche. Chez les féminines, la double championne du monde juniors des +78kg (2022 et 2023),  Mao Arai, en or l’année dernière — elle avait battu Léa Fontaine en finale — bat cette fois-ci une autre étrangère, la très grande Russe Elis Startseva, de plus en plus régulière et solide.
Battue par la Chinoise Xu aux championnats du monde d’Abou Dhabi, cette spécialiste de ne-waza reprend sa marche en avant.

Et les Français dans tout cela ? Florine Soula (Stade Bordelais Judo), désormais double championne de France seniors en -70kg s’incline d’entrée face à la Japonaise Rin Maeda, future troisième alors qu’Arnaud Aregba (US Orléans Loiret JJJ) craque au golden score face aux nombreuses tentatives en ne-waza du Finlandais Eetu Ihanamaki, 23 ans, 89e mondial et en argent sur la coupe européenne d’Espagne début octobre. Un combattant qui a pris toutes les qualités de son coach national, le Slovène Rok Draksic.

Une seule médaille donc pour un groupe français réduit à la portion congrue — cinq athlètes — mais qui comptait dans ses rangs trois champions de France (Anaïs Perrot, Florine Soula et Orlando Cazorla) et deux vice-champions de France (Martha Fawaz et Arnaud Aregba) de Chalon-sur-Saône. Fawaz, si elle ne bat que des combattantes classées au-delà de la soixante-dixième place à la rankinglist, fait — très bien — le boulot pour être sur le podium sur un Grand Chelem où les Japonais n’auront pas laissé grand chose aux autres nations. Perrot termine à la septième place, les trois autres combattants sont sortis dès leur entrée en lice par des combattants moins bien classés qu’eux.
Un résultat qui sonne comme un petit avertissement pour la dynamique collective tricolore en ce début d’olympiade. Rendez-vous à Paris pour remettre les choses en ordre ?