Le médaillé olympique français des -100kg l’emporte en +100kg

Final en fanfare sur la dernière journée de ce Grand Chelem d’Abou Dhabi 2017 avec de beaux moments, des révélations et une très belle satisfaction du côté de la France.
Révélations ? Après la victoire hier du Néerlandais De Wit, 21 ans, la journée était marquée par la réussite du grand Espagnol Nikoloz Sherazadishvili, 21 ans lui aussi, vice-champion du monde junior 2014, derrière le Hongrois Toth, et 2015, derrière le Géorgien Gviniashvili. C’est justement ce dernier, le jeune « monstre » géorgien qui fait peur à tout le monde, qu’il rencontrait en finale des -90kg et parvenait à battre sur uchi-mata pour waza-ari, puis sur un contre en l’air de ura-nage tellement magique qu’il a même convaincu le corps arbitral. On e souvient qu’il avait fait un combat formidable face au Russe Khusen Khalmurzaev, futur troisième, au championnat d’Europe, le voici qui signe, après sa victoire au Grand Prix de Cancun en juin, le début d’une série probable de belles victoires. Un nouveau « boss » est dans la place. En -100kg ? C’est la Russie qui n’en finit plus d’impressionner. Derrière le champion d’Europe Denisov, médaillé encore aujourd’hui, en bronze pour s’être fait « piquer » au sol par le Hongrois Cirjenics alors qu’il menait de deux waza-ari, derrière Kazbek Zankhishiev, 25 ans, troisième des championnats d’Europe, septième des championnats du monde et huitième mondial, derrière encore Niaz Iliyasov, champion du monde junior 2015 et récent finaliste du Grand Chelem de Russie et du Grand Prix du Kazakhstan, voici Niaz Bilalov, 23 ans tout juste, 81e mondial et pourtant vainqueur de son premier Grand Chelem en dominant notamment en finale le médaillé mondial belge Toma Nikiforov. Et la Russie, qui finit en tête du classement des nations avec quatre finales, trois titres et cinq médailles de bronze, voit arriver aussi, avec sans doute beaucoup d’intérêt, un lourd enfin à la hauteur, ce qui lui faisait défaut depuis longtemps, avec l’avènement progressif chez les seniors d’Anton Krivobokov, champion du monde cadet et junior, désormais bien remis de blessures qui avaient freiné sa marche en avant. Corpulent, mais puissant, vif et technique, il n’est battu, aux pénalités (2-3), que par un certain Cyril Maret, plus expérimenté et discipliné sur l’approche du kumikata, mais il domine entre autres sur son o-soto-makikomi terrible, le colosse brésilien n°1 mondial avant Budapest, Rafael Silva. 

Natalie « power » Powell

Chez les féminines, on est frappé par la victoire musclée de l’Anglaise Natalie Powell, qui passe avec cette victoire numéro un mondial. Un judo résolument axé sur la force physique et la fixation du haut du corps qui s’exprime surtout dans les « temps faibles » c’est-à-dire en dehors des grands championnats, quand les autres (notamment la championne du monde brésilienne Mayra Aguiar, présente sur ce Grand Chelem, mais battue par la finaliste, la Néerlandaise Marhinde Verkerk) sont un ton en dessous. Mais avec deux médailles européenne en 2016 et 2017, ainsi qu’une première médaille mondiale à Budapest, et désormais cette première victoire en Grand Chelem après deux finales en mai et en juin à Ekaterinburg (Grand Chelem) et Cancun (Gran Prix), on ne peut que constater que la Britannique de 27 ans a passé un cap dans sa capacité de nuisance ! Exemplaire ce magistral sasae-tsuri-komi-ashi qu’elle place à la Néerlandaise Stenhuis en demi-finale. Un vrai danger à venir sur cette olympiade pour ses futures adversaires, dont la Française Tcheumeo elle-même, souvent gênée par la puissance de frappe de Powell, et battue par elle en 2015. 
En poids lourds, on remarque sur la troisième place du podium une n°2 brésilienne très convaincante, Beatriz Souza, combattante puissante tout juste sortie du championnat du monde juniors de Zagreb dans lequel elle a récolté une médaille de bronze… et une victoire efficace en par équipes contre la Française Dicko. En or, la Néerlandaise Savelkouls, athlétique et de plus en plus assurée face aux plus lourdes, s’offre son second Grand Chelem après une septième place aux Jeux et une cinquième place au championnat du monde. Là encore, les rivales s’affirment, y compris en Europe. 

Et si c’était Maret l’avenir français ?

Pour la France heureusement ce samedi n’était pas que celui des mauvaises nouvelles. Il restait deux Français en action. Alexandre Iddir en -100kg n’a pas fait mieux que les autres, bien placé au kumikata pourtant, mais surpris par l’impact de son premier adversaire, le combattant des Emirats Ivan Remarenco qui le traversait par deux fois, avant d’aller s’offrir aussi le scalp du champion d’Europe Elkhan Mammadov. Restait Cyrille Maret, dans une catégorie inhabituelle pour lui — bien qu’il aime combattre de temps à autres chez les lourds — celle des +100kg. Il allait faire une prestation formidable, exprimant à la fois son expérience et sa science de la saisie, même si il subissait parfoit la puissance supérieure de ses adversaires, notamment l’homme en forme, le Polonais Maciej Sarnacki, 39e mondial, vainqueur de l’Israélien Sasson en demi-finale, qui lui marquait waza-ari d’entrée de jeu en finale sur une très forte attaque en ko-soto-gari. Jusque là, la discipline sur les mains avait suffi au Français pour sortir le Néerlandais Roy Meyer, 25e mondial, l’Azéri Ushangi Kokauri, 22e mondial (celui-là était joliment fixé au sol sur une initiative très opportuniste), le Russe Anton Krivobokov, 63e mondial. Il fallait sortir le grand jeu contre ce Polonais. Quelques secondes plus tard, celui-ci s’envolait sur un harai-goshi majestueux, tout en touché de jambe. Un très beau geste qui met, à lui seul, en plus de l’or ramené par le chef de fil de l’équipe de France, du baume au cœur du clan français.
La démonstration est belle et significative, même si d’autres hommes forts se dresseront sur sa route, très bientôt, à Marrakech pour les championnats du monde Open ou celui qui avait été pendant 24h « suspendu » pour participation à la grève des athlètes sera l’honneur du judo français. Une finale contre Teddy Riner ? Tout dépendra bien sûr des présents, mais elle est envisageable. Très crédible aussi la possibilité pour que, dans le futur proche, le médaillé olympique des -100kg, trop souvent déçu dans sa quête de grandes médailles dans sa catégorie, prenne l’intérim chez les lourds pour la France en 2018 et 2019 en l’absence éventuelle du patron Riner. C’est peut-être là, contre les « gros », lui qui a en -100kg beaucoup de poids à perdre, qu’il peut encore aller prendre le grand titre qui lui manque. A 30 ans, les années qui viennent seront décisives et il ne faudra pas se tromper. Mais si c’est l’option qu’il prend… qui sera le -100kg français au prochain championnat du monde ?