Igolnikov, Ilyasov puis Tasoev. Trois catégories masculines ce dimanche, pour trois victoires russes et deux doublés en -100kg et +100kg.
Si il ne fallait retenir qu’une chose de ce dimanche, nul doute que ce serait l’impression de domination effrayante laissée par l’équipe masculine d’Ezio Gamba. Il y aurait bien sûr, aussi, la victoire d’Audrey Tcheuméo dans une finale 100% française face à Fanny-Estelle Posvite. Mais aussi la frustration d’Alexandre Iddir, finalement 5e, alors qu’on le sentait capable d’imiter ses copains Mkheidze et Chilard les jours précédents.

Tcheuméo se relance

Audrey Tcheuméo domine Fanny-Estelle Posvite et c’est nouveau.
Crédit photo : Emmanuel Charlot- L’Esprit du Judo

Elle a donné l’impression de mettre plusieurs secondes à bien comprendre qu’elle venait de s’adjuger la victoire ici à Budapest. Restant sur trois défaites consécutives face à Fanny-Estelle Posvite (championnats de France individuels à Amiens, Grand Chelem d’Osaka et Masters 2019), la première réaction de « Tchoumi », lorsque l’arbitre annonce waza-ari sur l’action décisive, fut d’ailleurs de pester, pensant qu’une nouvelle fois elle allait être battue par sa compatriote. Cette dernière laissait d’ailleurs une impression mêlée de facilité et de supériorité très nette depuis le début de la journée. N’ayant pas passé plus de deux minutes sur le tapis pour arriver en finale, la Limougeaude avait gratifié le très maigre public d’un très joli de-ashi-barai contre la Hollandaise Stevenson avant de punir sur la première séquence la Kosovare Kuka sur une liaison debout-sol. Se dirigeait-on donc, encore, vers une victoire de Posvite qu’il lui aurait permis de rappeler, après ces huit mois d’arrêt, son statut d’indéboulonnable n°2 française ? Que nenni. C’est en effet un scénario à sens unique auquel les deux Françaises nous donnèrent d’assister, puisqu’Audrey Tcheuméo étouffa totalement son adversaire. Dominante du début à la fin le combat, imposant systématiquement son kumikata et utilisant son jeu de jambes qu’on lui avait un peu oublié depuis longtemps. La pauvre Posvite essayait désespérement de mettre de l’espace mais sans aucun succès. Magré tout, et de manière assez incompréhensible, les deux Françaises se retrouvaient toutefois à deux shido partout. Une situation qu’Audrey Tcheuméo gérait parfaitement avec un contre sur un sode-tsuri-komi-goshi lancée par sa compatriote. Waza-ari. Une marque décisive que la vice-championne olympique de Rio pensait donc, au départ, avoir subi ! Suivait alors plusieurs cris de rage en forme de libération à la sortie du tapis. Une victoire à chercher dans la capacité retrouvée chez Tcheuméo à rester concentrée, dans son combat, alors que le couperet d’un troisième shido était au-dessus de sa tête. Magré sa défaite, Posvite, de son côté, continue de faire montre d’une remarquable régularité, restant sur un rythme insolent de dix médailles sur ses onze dernières sorties (dont quatre Grands Chelems et un Masters). La dernière Tricolore du jour, Anne-Fatoumama M’Bairo repartira, elle, sans doute très déçue de la capitale magyare puisqu’elle se fait contrer par la Serbe Zabic (41e mondiale) au bout de quatorze secondes, emporté par l’enthousiasme d’une attaque lancée un peu de trop loin.

Iddir, c’est frustrant

Alexandre Iddir, surpris pour le bronze par Jorge Fonseca.
Crédit photo : Emmanuel Charlot – L’Esprit du Judo

Côté masculin, Alexandre Iddir termine au pied du podium. Efficace tout au long de la journée avec son ippon-seoi-nage à droite, le Marseillais se fait surprendre deux fois ce dimanche : en 1/4 de finale par le Belge Nikiforov sur un o-soto-gari à gauche visiblement travaillé pendant le confinement. Mais également lors du combat pour le bronze par le champion du monde en titre, le Portugais Jorge Fonseca. Une rencontre frustrante puisque jusque là le technicien français avait totalement annihilé la stratégie de déstabilisation de son adversaire. Mais une faute de main au golden score et la punition tombait immédiatement. Dommage, car une fois de plus le Français a montré que ses capacités lui donnent la légitimité à viser une médaille, y compris lorsque la catégorie est très relevée. Mais comme (trop) souvent, on aussi assisté à l’incapacité du -100kg à saisir les occasions de tuer un combat, de punir son adversaire lors de ses temps faibles.
Fonseca qui aura d’ailleurs eu le scalp des deux Français de la catégorie puisqu’il venait à bout, non sans mal, de Cédric Olivar au troisième tour. Remportant ses deux premiers combats avec de belles qualités d’engagement, le champion de France en titre menait face au Portugais avant de céder au golden score, poussant le champion du monde derrière ses derniers retranchements. Il ne manquait pas grand chose ! Sans doute un peu d’expérience à ce niveau. Mais le bilan est plutôt positif pour le judoka de SGS Judo. En -90kg, Alexis Mathieu continue lui son apprentissage du très haut niveau international. Il est battu au premier tour par le Mongol Gantulga (25e mondial), non classé sur le circuit depuis le Grand Prix de Tbilissi en 2019 (soit onze compétitions au total) mais qui finira en argent ce dimanche, monté au plafond par l’un des jeunes cracks russes présents ici.

Igolnikov, Ilyasov, Tasoev, tsars de Budapest

Mikhail Igolnikov, prodigieux ce dimanche.
Crédit photo : Emmanuel Charlot – L’Esprit du Judo

Rare sur le circuit mondial, Mikhail Igolnikov restait sur une défaite en tableau à Düsseldorf fin février. Le genre de contre-performance qu’on compte sur les doigts d’une main pour ce judoka à la trajectoire météorique depuis les cadets. Champion d’Europe 2018, ce gaucher au système d’attaque basé uniquement sur des ashi-waza restera comme l’auteur du plus beau mouvement de ces finales avec un uchi-mata en deux-temps : enclanchant sa jambe gauche, il replace sa jambe droite dans l’axe de projection, prend un appui surpuissant qui envoie le Mongol Gantulga totalement à la verticale. Impérial toute la journée, Igolnikov apportait ainsi le premier des trois titres russes du jour. Une démonstration collective étourdissante avec les victoires de Niyaz Ilyasov (vice-champion du monde 2019) en -100kg et d’Inal Tasoev (vainqueur du Grand Chelem d’Osaka fin 2019 et 3e à Paris en février) en +100kg. Trois titres obtenus avec la manière toute la journée, entre étalage de puissance, travail décisif en ne-waza ou judo tout en feeling, comme ce ko-soto-gari d’Igolnikov contre le Hongrois Toth. S’y ajoute le fait qu’en -100kg et +100kg, les finales sont 100% russes !
Pour résumer : cinq combattants masculins ce dimanche, trois titres, deux médailles d’argent. Un résultat insolent de réussite pour les protégés d’Ezio Gamba et intimidant pour leurs adversaires.
Le dernier titre du jour va à la Turque Kayra Sayit (ex Ketty Mathé) qui s’impose au golden score et aux pénalités à la Tunisienne Cheikh Rouhou. Si les outisders ont été moins à la noce ce dimanche on notera tout de même la prmeière médaille en Grand Chelem de la Hollandaise Ausma, 24 ans et 35e mondiale, en -78kg.

La Russie impériale, la France dans le tempo

Avec la razzia du jour, la Russie termine donc à la première place de ce Grand Chelem de reprise. Une compétition sans Japonais, Coréens, Italiens mais dont le niveau restait tout de même très élevé dans certaines catégories, en particulier masculines.  Dix médailles dont cinq titres pour l’équipe russe, qui fait une différence définitive ce dimanche avec tous ses n°1 et 2 (il ne manquait que Denis Iartcev en -73kg). Chez les masculins, le pays des Tsars réalisent quatre doublés (-60kg, -66kg, -100kg, +100kg) pour cinq titres.
La France termine elle deuxième avec sept médailles dont deux titres (Amandine Buchard et Audrey Tcheuméo) avec une petite majorité de son équipe-type (manquaient à l’appel Mélanie Clément, Clarisse Agbegnenou, Madeleine Malonga, Romane Dicko, Axel Clerget et Teddy Riner).
Des médailles qui s’inscrivent dans le droit fil de ce qu’on a pas apercevoir à Brest et/ou lors des poules de sélection comme ce fut le cas avec Amandine Buchard et Margaux Pinot, qui ont survolé les CF 1re division par équipes, ou Nicolas Chilard qui restera comme la principale satisfaction masculine de cet évènement avec une vraie capacité à monter son niveau et à se mettre à la hauteur de l’adversité. Il bat les deux Russes de sa catégorie. Et quand on voit la démonstration réalisée par les masculins de ce pays, on se dit que la performance a une vrai signification. La Turquie finit troisième avec deux titres.
Russie et France devant ? À vrai dire rien d’étonnant puisque le confinement a sans doute favorisé les « grands » pays, capable d’avoir une structuration et une densité suffisantes pour pouvoir s’entraîner sans sortir de ses frontières, au contraire des « petits » pays, principaux bénéficiaires des stages internationaux organisés par les fédérations européenne et internationale. Il y a bien sûr des contre-exemples avec la belle réussite suisse des deux premiers jours (avec les finales de Kocher en -52kg et de Stump en -73kg), le Moldave Pelivan, la Serbe Stojadinov ou la Kosovare Kuka mais si la situation sanitaire européenne et mondiale continue tel quel, on se dit que cette hypothèse pourrait continuer à prendre de l’épaisseur. Les championnats d’Europe, dernier rendez-vous international avant la fin de cette année 2020, seront à analyser notamment à travers ce prisme.

Retrouvez les résultats et tableaux complets ci-dessous :
https://lespritdujudo.com/grand-chelem-de-budapest-2020-tableaux-resultats/