Deux filles en or, pour trois hommes en bronze

Avouons-le, malgré un public fourni et prêt à s’enflammer, malgré la présence d’une belle équipe féminine japonaise, ce ne fut pas un très grand tournoi de Paris. D’abord par le manque de nombreux leaders mondiaux, dont, c’est une première, de l’équipe russe tout entière, qui avait fait défaut chez les hommes comme chez les femmes. La plupart des meilleurs Mongols étaient absents et l’équipe masculine d’Azerbaïdjan n’était pas là non plus avec ses médaillés mondiaux et olympiques. Enfin, l’équipe masculine japonaise était « modeste », sans aucun médaillé mondial ou olympique… ce qui ne l’a pas empêché d’empocher quatre titres pour la quatrième année consécutive. On mesurera sans doute dans les années à venir que la position de premier Grand Chelem de l’année pour Paris, et désormais immédiatement suivi du nouveau Grand Chelem d’Allemagne au prestige montant, va être de plus en plus difficile à tenir.

La faute aussi à une équipe de France masculine qui n’a pas donné beaucoup d’occasions au public de s’enflammer, comme c’était prévisible, malgré Cyrille Maret et Axel Clerget. Heureusement, il y avait les « taulières ».

1-Agbegnenou et Tcheumeo gagnent leur pari

C’est la bonne nouvelle de ce rendez-vous parisien. Les deux leaders françaises ne laissent pas filer la concurrence. Clarisse Agbegnenou comme Audrey Tcheumeo avaient été nettement battues par Miku Tashiro pour la première et par Shori Hamada pour la seconde cet hiver. Elles profitent l’une et l’autre de la visite de ces dernières dans leur fief pou remettre les pendules à l’heure, et dans les grandes largeurs. Miku Tashiro, qui avait paru pleine d’autorité au Masters, fut totalement débordée par la vista de la championne du monde. Quant à Shori Hamada, qui avait battu facilement Tcheumeo au sol à Tokyo, elle n’est pas parvenue à placer une seule fois sa main droite et fut surclassée par la médaillée olympique française. Laquelle en profite aussi pour battre la Néerlandaise Karen Stevenson, qui l’avait écartée au Masters et emporte ainsi sa première médaille d’or depuis le championnat d’Europe… et le tournoi de Paris de l’année dernière. Sa finale contre une autre dangereuse Néerlandaise, Gussje Steenhuis, est conclue par une blessure à la cheville de cette dernière, alors que rien n’était fait. Audrey Tcheumeo emporte son second tournoi de Paris de suite, et son quatrième en tout, mais les Néerlandaises, comme d’ailleurs les Japonaises, seront encore sur le chemin d’un titre mondial pour l’Orléanaise, qui ne l’a plus emporté depuis 2011. Quant à Clarisse Agbegnenou, elle donne l’impression qu’elle arrive à la plénitude de son talent et s’affirme en grande favorite pour un titre mondial. C’est là, de toute façon, comme pour Tcheumeo, que le « mano a mano » qu’elle se livre avec la Japonaise, ou sa grande rivale slovène Trstenjak, doit se conclure.
Amandine Buchard (-52kg) a souffert une nouvelle fois —la troisième— devant le plus jeune des prodiges Abe, la petite sœur Uta. Mais elle n’est pas la seule ! Et elle aura tenu jusqu’au golden score, malgré la tempête qui se déchaînait en face en finale, sa première à Paris. C’est malgré tout une confirmation de son potentiel mondial dans cette catégorie des -52kg.
Marie-Eve Gahié (-70kg) atteint son second podium de suite après le Masters, en battant la Néerlandaise Van Dijke qui l’avait écarté du championnat d’Europe, et c’est une bonne nouvelle pour elle. Elle voit poindre en revanche une nouvelle rivale d’envergure, l’Anglaise Sally Conway, libérée par sa médaille olympique et de plus en plus sûre d’elle, notamment au sol. Elle gagne Paris en dominant la Japonaise Chizuru Arai, une sacrée performance qui installe un nouvel obstacle continental et mondial pour les espoirs français.
Astride Gneto (-52kg) avec application, Madeleine Malonga (-78kg) avec un appétit digne de l’année 2015 où elle avait déjà fait ce résultat, atteignent elles aussi le podium. Après le Masters où elle s’est hissée en finale, Malonga affiche clairement son retour.
Hélène Receveaux (-57kg) cinquième, ce qui est une déception pour la médaillée mondiale, troisième du récent Masters, pas de bonne surprise en -48kg où Mélanie Clément n’a plus atteint un podium international depuis le Grand Chelem de Russie en mai dernier, pas de nouvelles venues sur un podium, et un soufflet retombé en +78kg (malgré la belle cinquième place d’Eva Bisseni, 37 ans) où la victoire au championnat de France de Julia Tolofua avait fait naître des espoirs de dynamique générale, c’était tout pour cette fois. C’est donc une performance générale des féminines françaises faible par le nombre de médailles – cinq, c’est le score plancher depuis le début des années 2000 — mais avec deux médailles d’or, ce qui n’a été dépassé que deux fois dans la décennie en 2011 (4) et 2013 (3).
L’information peut-être la plus importante concernant les féminines ? La façon dont la jeune et très grande Ukrainienne Daria Bilodid, championne d’Europe 2017, dix-sept ans depuis octobre dernier, est passée à travers tout le championnat, battant notamment au passage la champione du monde japonaise Funa Tonaki avec un uchi-mata désinvolte. La catégorie s’est trouvé une favorite de classe mondiale. Et dans la foulée de cette démonstration, L’impressionnante démonstration de cette catégorie d’âge : Daria Bilodid, 17 ans, Uta Abe, 17 ans, médaillées d’or en -48kg et -52kg, la Coréenne Kim Jisu, 17 ans, 3e en -57kg ou Akira Sone, 2e en +78kg et 17 ans elle aussi.

2- Les flèches d’argent passent en bronze

Chez les masculins, l’année 2017 avait été marquée par la domination des deux « flèches d’argent » Axel Clerget (-90kg) et Cyrille Maret (-100kg), finalistes à Tokyo, puis Paris, puis aux championnats d’Europe. Cette fois ces deux-là ont débarqué plus tard, absents à Tokyo, non classés au Masters et finalement troisièmes à Paris. C’est une très belle performance encore fois pour un Clerget bluffant, auteur notamment d’un sankaku-jime sur un adversaire debout, le vainqueur de Tokyo qui plus est, le Japonais Nagasawa. Cyrille Maret, vainqueur en 2014, 2015 et 2016, deuxième en 2017, est cette fois troisième. Manifestement pas dans une très grande journée, il a quand même assuré une médaille qui semblait compromise jusqu’à la dernière seconde. Les flèches d’argent passent au bronze, mais tiennent tout de même la baraque. En revanche derrière les deux trentenaires, et malgré la médaille de bronze de l’actif Revol (-60kg), facilitée par la disqualification du Géorgien Papinashvili n°6 mondial, en place de trois, rien ne bouge, sinon encore en -66kg où Kilian Le Blouch, revenu de blessure, se montre une nouvelle fois le plus entreprenant, faisant presque aussi bien qu’en 2016 (3e) avec une cinquième place. On aura aussi une pensée pour Alexandre Iddir, auteur d’un prometteur et majestueux seoi-nage sur le Suédois Martin Pacek… juste avant de prendre un juji-gatame sur un relâchement coupable. Trois médailles, voire deux et demie, c’est le plus modeste résultat depuis dix ans. Passage en revue de ce début d’année, Paris 2018 a confirmé les talents, mais n’a pas lancé de nouvelle dynamique.