Alors que le Grand Chelem de Tokyo a rendu son verdict dimanche, retour à froid sur plusieurs situations d’arbitrage que L’Esprit du Judo a relevé lors de cette événement et qu’il aimerait porter à la connaissance de ses lecteurs et des passionnés. Cinq situations qui pourraient susciter, à première vue, des interrogations quant à leur interprétation par le corps arbitral.
Certaines décisions relèveraient de la non-application de règles qu’on pourrait appeler objectives car elles sont régies par une définition qui s’appuie sur des éléments factuels voulus comme précis et ne donnant pas cours à interprétation. D’autres, plus subjectives, tiennent à une interprétation du corps arbitral (arbitres et superviseurs).
Cinq moments que nous vous présentons, avec pour certaines notre opinion. Un article qui se veut interactif, initiateur d’un débat constructif avec au final peut-être pour certains d’entre nous, une meilleure connaissance des règles arbitrales en vigueur. Votre analyse nous intéresse.

1) Hansokumake ou non ?
Huitième de finale entre la star Hifumi Abe et l’Italien Matteo Piras. Sur une action en bordure, à 2’24 (de la vidéo), Hifumi Abe tente de lancer un tai-otoshi. Sauf que Piras esquive très vite que le champion olympique met son pied en barrage à l’intérieur. Alors hansokumake pour fauchage à l’intérieur ? : https://judotv.com/competitions/gs_jpn2023/contests/gs_jpn2023_0001_m_0066_0050

Voici ci-dessous une photo prise au moment précis.


P.S : selon les premiers retours, l’action divise. Certains arbitres mettraient hansokumake car il y a bien jambe à l’intérieur de la part d’Abe. D’autres n’auraient rien donné car l’action est simultanée, sans intentionnalité et il n’y a pas à proprement parler de fauchage mais plus un blocage.

2) Prise aux jambes
Toujours en -66kg, demi-finale entre le Mongol Bashkuu Yondonperenlei et le Français Daikii Bouba.
Nous sommes au golden score, deux shidos partout entre les deux combattants.
Sur une première action à 6’35, le Mongol s’accroche littéralement à la jambe du Tricolore qui tente de l’arracher au sol. Selon le règlement international (p.122 photo n°3) dont nous mettons le texte en anglais, il aurait sembler logique, à première vue, que le Mongol soit sanctionné d’un troisième shido.

Et voici une photo prise lors de l’action :

Crédit photo : L’Esprit du Judo

P.S : reste qu’il faut voir l’action en entier. En effet, comme on peut le voir et suite à des retours d’arbitres internationaux, sur cette première action, le Mongol passe par une phase furtive mais réelle avec quatre appuis au sol ce qui l’autoriserait à agripper la jambe de Bouba. Il semble donc logique qu’il n’y ait pas de shido.

Sur la seconde action, le Mongol attaque, mais, là, ne semble pas passer par quatre appuis au sol puisque son bras gauche reste accroché au judogi du Français. Avant de repousser clairement avec ses bras sur les jambes de Bouba. L’action débute à 7’30 : https://judotv.com/competitions/gs_jpn2023/contests/gs_jpn2023_0001_m_0066_0064



Le troisième shido ne tombera pas et le Mongol marquera un waza-ari après 6’22 de golden score.

3) Sankaku sur la tête
Combat pour le bronze entre Denis Vieru, le soyeux Moldave et Daikii Bouba en -66kg.
Le combat est équilibré entre les deux combattants. Une action en ne-waza est alors initié par Denis Vieru où il semble placer un sankaku sur la tête (sans un bras donc) au Tricolore, comme la photo ci-dessous aurait tendance à le montrer.


L’action commence à 08’20 de la vidéo : https://judotv.com/competitions/gs_jpn2023/contests/gs_jpn2023_0001_m_0066_0065

Un sankaku engagé sans le contrôle du bras de Bouba au début de l’action qui se finit, finalement, par une immobilisation.
Y aurait-il dû avoir matte ou l’arbitre a-t-il bien fait de laisser l’action se dérouler ? 

Les deux prochaines actions sont celles où entre en jeu l’interprétation arbitral. Elle est donc nécessairement plus sujet à débat.

3) Passivité
C’est un combat pour le bronze entre la Russe Elis Starseva et la Coréenne Saetbyeol Park en +78kg.
Nous sommes au golden score, la Coréenne a un shido, la Russe deux. Après 3’02 de golden score, l’arbitre annonce un shido à chacune des combattantes pour passivité. Or, sur les actions précédentes, Starseva attaque sur ko-uchi-gari deux fois : à 1’23 (du golden score) et juste avant que l’arbitre ne donne matte pour avertir les deux combattantes. Deux tentatives de ko-uchi-gari bien réelles, la première déséquilibrant bien la Coréenne. De vraies attaques selon nous, bien plus en tout cas que nombre d’actions. Car il s’agit là d’un mouvement du gokyo, réalisé proprement, mais auquel il manque quelques ingrédients pour faire tomber. Une analyse visiblement pas partagée par les superviseurs.
Pour voir le combat :
https://judotv.com/competitions/gs_jpn2023/contests/gs_jpn2023_0002_f_0p78_0033

Et selon vous ? Vraies attaques ? Ou actions qui ne peuvent être considérées comme telles et donc troisième shido justifié ? 

4) Activité ou attaque ? 
Quart de finale des -100kg entre le champion olympique Aaron Wolf et l’Italien Gennaro Pirelli, vainqueur l’année dernière.
Au golden score, l’arbitre décide de donner un troisième shido pour passivité au Nippon après une attaque sans préparation de l’Italien.
Un combat qui condense le débat sur la compréhension entre attaques franches et simple activité tactique pour faire monter les pénalités adverses : https://judotv.com/competitions/gs_jpn2023/contests/gs_jpn2023_0001_m_0100_0060
La réaction du public – certes de parti pris – en dit toutefois long sur le flou qui règne désormais entre ces deux notions.
Là aussi, nous attendons votre avis.