Frustrant. Cet après-midi, lors d’un bloc final à l’organisation originale – toutes les places de troisièmes puis les six finales sur le tapis n°3 -, Léa Fontaine toucha du doigt la victoire dans sa catégorie des +78kg. Elle y était presque. Deux séquences d’initiative – « à aller la chercher » comme lui conseillait Christophe Massina – et le troisième shido allait tomber contre Mao Arai, Japonaise de vingt ans double championne du monde juniors qui fut au supplice lors des premières séquences. L’impact de Léa Fontaine, sa puissance au début du combat, laissait en effet penser que la Génovéfaine avait les armes pour aller chercher cette si prestigieuse victoire, ici à Tokyo. Mais plus le combat avançait et plus Arai trouvait la solution pour gérer le bras droit de la Tricolore et l’amener au sol pour du travail un ne-waza. Une tactique claire qui malheureusement paya, au coup de la troisième tentative. Un travail sur le coude de Fontaine pour une immobilisation qui faisait vibrer les spectateurs du Tokyo Metropolitan Gymnasium. Arai, étudiante de Nittai Dai, avait le droit aux chants de ses copains/copines du club de judo, venus en force.
Fontaine était toute proche de succéder à Amandine Buchard, victorieuse de ce Grand Chelem japonais – c’était à Osaka – en 2019.
Déçue, Fontaine l’était logiquement sur le podium. Sa journée fut presque parfaite avec trois premiers combats remportés de manière à la fois rapide et nette. Du bel ouvrage.
Une médaille d’argent pour Fontaine et une cinquième place, frustrante par essence, pour Axel Clerget. Mais une frustration au carré à cause d’un arbitrage, une nouvelle fois, incapable de sanctionner au moment opportun. Une absence de pertinence dont était victime le double médaillé mondial 2018 et 2019, sanctionné une troisième fois face à l’Italien Christian Parlati en total décalage avec l’histoire de ce duel franco/italien. Un agacement dont le -90kg français n’était pas la seule victime : la Russe Elis Startseva, 22 ans, 43e mondiale en +78kg subissait elle-aussi cette lecture difficilement partageable en se faisant sanctionner une troisième fois pour non-combativité contre la Coréenne Park, alors que c’était elle qui était sur l’initiative avec de belles tentatives de ko-uchi-gari. Pas assez nettes pour le corps arbitral.
Un bloc final dont le Japon ne sort vainqueur que deux fois grâce à Mao Arai donc et à Sanshiro Murao, son titulaire olympique des -90kg. Brillantissime toute la journée – avec une victoire de prestige face au Russe Mikhail Igolnikov sur un mangnifique o-soto-gari -, le gaucher de Tokai rend totalement impuissant le champion du monde en titre géorgien, Luka Maisuradze. Chirurgical au kumikata – sa précision sur les mains est un modèle du genre -, le Nippon n’aura jamais été en danger ou presque et trouve la solution sur un uchi-mata latéral lancé à la volée avec un kumikata parfait. Du grand art.
Les quatres autres titres du jour se répartissent entre trois continents : l’Amérique du Nord, avec la Canadienne Christa Deguchi qui aura montré son meilleur visage en -57kg, elle qui est en concurrence avec Jessica Klimkait depuis maintenant plus de quatre ans. La Japonaise de naissance était tout simplement trop forte pour la Brésilienne Jessica Lima, 15e mondiale et troisième à Abou Dhabi. Une judoka de 26 ans qui monte, monte, monte et pourrait bien coiffer sur le poteau l’inusable Rafaela Silva dans cette catégorie.
L’Europe avec Sanne Van Dijke en -70kg, qui bat Shiho Tanaka sur un ura-nage après deux minutes de golden score. Cinquième podium en six compétitions pour la Batave, n°2 mondiale ce matin.
L’Europe avec aussi Hidayat Heydarov, le champion d’Europe 2023 azerbaidjanais des -73kg. Troisième victoire consécutive pour lui, après le Grand Chelem de Bakou, à domicile et les Europe de Montpellier. Sa victime en finale ? Soichi Hashimoto, pourtant moins tacticien et plus judo qu’à l’accoutumée. Numéro un mondial, Heydarov prend une consistance inquiétante pour ses adversaires à quelques mois des JO.
L’Asie enfin, avec le Coréen Joonhwan Lee qui mystifie Mathias Casse en finale des -81kg. Le Belge qui montra ce samedi plus de choses qu’à Montpellier mais qui ne put absolument rien sur la furia coréenne : un ko-uchi-makiomi qui marquait waza-ari, des tentatives de seoi-nage ou de kata-guruma du n°4 mondiale asiatique qui déboussolait totalement le pourtant très lucide Belge.
Un samedi où une majorité des cadors ont serré le jeu : pour prendre de précieux points à la ranking-list alors la règle des dix-sept premiers sélectionnés doit commencer à en angoisser certains ; pour avoir peut-être une dernière fois certains adversaires dans les mains, avant le grand rendez-vous estival parisien. L’idée ? Prendre des informations et mieux, gagner, pour rester sur une bonne note face à la concurrence avant les JO.
Rarement le Japon n’aura aussi peu dominé son Grand Chelem lors d’une première journée, alors que certains de ses leaders étaient là comme Takanori Nagase, champion olympique en -81kg et titulaire pour Paris, mais qui ne voit pas le bloc final ou Soichi Hashimoto, indéniablement fort mais qui n’a pas la marge qu’avait Shohei Ono – présent dans les través avant de partir en Écosse – face à l’adversité. Chez les féminines, Haruka Funakubo, vice championne du monde 2023 et Saki Niizoe et Akira Sone, championnes du monde en -70kg et +78kg, elles, étaient absentes.
Un Grand Chelem étrange donc à bien des égards (six catégories un jour, huit un autre, un bloc final organisé de manière originale mais intéressante) mais dont la densité très forte rend le suivi excitant.