C’est sa deuxième médaille d’or de suite en Grand Prix

Même si il avait été à la fois très prometteur, et un peu décevant, à Paris en février avec des victoires majeures, mais une septième place et une défaite en repêchage sur le modeste Croate Kumric, la vérité du moment pour Alexandre Iddir, c’est que sur ses trois derniers Grand Prix, il a fait trois fois la finale et qu’il a gagné les deux derniers, Israël en janvier et la Turquie ce week-end. Une vraie montée en puissance pour un combattant qui n’avait jusque-là emporté qu’un seul Grand Prix, en 2014 en Ouzbekistan. Le premier enchaînement significatif récent ? L’Ouzbekistan justement, en novembre dernier, où il avait donné une excellente image de son judo et s’était montré lui-même plus concentré et engagé que jamais. Blessé en finale, on l’avait retrouvé en janvier dans les mêmes dispositions.

La maîtrise de bout en bout

Et en Turquie ? Il est passé à travers le tournoi sans frémir, avec patience quand c’était nécessaire, haussant le niveau face aux plus forts et finissant à chaque fois sur un pion magnifique ! Ses trois premiers adversaires étaient à chaque tour mieux côtés au classement, d’un Géorgien quasi anonyme au premier tour, mais puissant, et qu’il devait gérer jusqu’au golden score avant de le « finir » sur un ko-uchi-gari en réaction tout en finesse qui allait être son arme du jour, jusqu’au champion panaméricain de la catégorie, le Brésilien Léonardo Goncalves, 19e mondial, qui prenait un chirurgical seoi-nage à genoux en deux temps. La demi-finale lui épargnait le « top 10 » peut-être le plus dangereux du plateau, l’Azeri Elmar Gasimov, médaillé olympique et mondial, celui-là même qui l’avait blessé en finale en novembre. Mais l’Egyptien Darwish Ramadan, 6e mondial, 5e des derniers championnats du monde et 3e des derniers Masters n’était pas non plus à négliger ! Le combat face à ce colosse était mental, avec une concentration de tous les instants pour ne pas le laisser dominer avec sa très lourde garde à gauche et ses impérieuses attaques en o-soto-gari et en uchi-mata. Mais au bout d’un long golden score, c’est finalement le Français qui se trouvait en position d’attaque et dispersait le formidable Egyptien sur un o-soto-gari à gauche de grand style. La finale allait être à sens unique. Ce n’était ni l’Azeri, ni le dangereux Belge Toma Nikiforov qui se trouvait là, mais un Brésilien de plus en plus régulier dans les tournois, Rafael Buzacarini, finaliste déjà en Géorgie le week-end précédent, qui avait battu toutes ces références avec un judo technique et mobile, une bonne gestion tactique. Mais face au technicien français, ce type de judo allait se retourner contre lui. Libéré de la pression, Alexandre Iddir le tourmentait avec des ko-uchi-gari diaboliques, gérait à sa main, et parvenait à le jeter à plat dos sur une estocade définitive au golden score.

Le dernier cap décisif

Une performance majeure, qui, avec les précédentes, amène Iddir à la lisière du top 15 mondial, désormais largement devant le leader en panne Cyrille Maret dans cette catégorie des -100kg, et montre surtout qu’ils ne sont plus très nombreux les « cadors » du top 10 à pouvoir prétendre affirmer régulièrement leur supériorité sur lui. Il reste sans doute l’armada japonaise — dont il n’a curieusement rencontré aucun représentant depuis son passage en -100kg — le terrible Géorgien Liparteliani, qui l’a encore dominé à Paris, peut-être le Coréen Cho, champion du monde en titre… mais sur la dimension qu’il a acquise ces derniers mois, Alexandre Iddir ne craint en fait plus personne. Sinon peut-être lui-même… Il lui reste à prouver qu’il peut gagner un Grand Chelem (il a fait deux fois la finale à Paris en 2015 et 2016 en -90kg) et surtout une médaille européenne (quatre participations pour une médaille de bronze) et mondiale (trois participations infructueuses). C’est le bon moment.

Une équipe de France requinquée

Ce tournoi de Turquie 2019 aura eu la singularité – même si c’est l’équipe géorgienne qui sort leader des nations – de couronner d’or quatorze nations différentes, une par catégorie ! De beaux duels à venir. Quant à la séquence Géorgie – Turquie, qu’on annonçait décisive pour les espoirs français chez les masculins, elle est finalement très positive, avec le retour de Walide Khyar en -60kg, la confirmation du potentiel de Guillaume Chaine en -73kg et l’avènement d’Alexandre Iddir en -100kg, sans oublier les capacités d’Alpha Oumar Djalo en -81kg, qu’il lui reste à mieux maîtriser pour monter sur les podiums. Et si on se rappelle qu’en -66kg, Kilian Le Blouch a gagné le Grand Chelem de Russie en mars dernier, qu’Axel Clerget prépare son retour en -90kg… On se dit que l’équipe de France masculine a beaucoup gagné en consistance ces derniers mois. Les Jeux Européens en juin offriront un premier grand test « championnat » qu’on peut désormais attendre avec mesure, mais beaucoup plus d’optimisme.