Superbe dans son parcours, il ne s’incline qu’en finale
La finale dramatique vécue par Alexandre Iddir était un peu comme une métaphore de la difficulté qu’il y a à sortir de sa zone, à se « réveiller ». Les conditions se conjuguent parfois pour vous faire obstacle. C’est un effet un Alexandre Iddir comme on l’adore, c’est-à-dire membre évident de la caste des très grands techniciens du plateau du haut-niveau, qu’on a pu suivre à Tashkent ce dimanche. Bien installé au revers avec son bras gauche, bien droit et mobile, il a en effet satellisé ses quatre premiers adversaires sur des seoi-nage (ou sode-tsuri-komi-goshi) à gauche « ebinumesque » (c’est à dire aussi magnifiques que les seoi debout du triple champion du monde japonais Ebinuma). Quatre adversaires et non des moindres puisque parmi eux on trouvait l’ancien (2014) médaillé mondial allemand, Karl-Richar Frey et le très solide Egyptien cinquième des champions du monde, champion d’Afrique et tenant du titre ici, Ramadan Darwish, 11e mondial. Mais la finale a été rude et l’envoie sur la touche pour plusieurs semaines.
Passé désormais à l’OM Judo, le triple champion de France en titre – un triplé achevé les doigts dans le nez la semaine dernière ¬ se sent manifestement bien en ce moment et démontre une nouvelle fois qu’il se situe dans une zone intermédiaire, juste en retrait des trois leaders français qui font des résultats en championnats (Clerget, Maret, Riner hors concours), et le niveau général français. Ce médaillé européen 2014 en -90kg à Montpellier, n’est pas parvenu à convertir son talent en grandes médailles mondiales. Depuis les Jeux 2016, il a choisi les -100kg. Il confirme déjà à Tashkent qu’il est désormais parfaitement ajusté à cette catégorie et c’est une excellente nouvelle. Mais en finale, il prenait l’homme fort de la catégorie, le formidable Azerbaidjanais Elmar Gasimov, vice-champion olympique 2016 et médaillé mondial 2017. Un combattant au style spécifique, toujours prêt à convertir un déplacement en tentative de kata-guruma, uki-waza ou sumi-gaeshi. Tranquille pendant la première partie du combat avec son bras bien placé au revers, Alexandre Iddir se montrait moins précis sur une reprise, acceptait un déplacement… et subissait une forte attaque en sumi-gaeshi. Pris dans le mouvement, il tentait une réchappe qui l’amenait directement sur la tête et le haut des épaules. Ippon et défaite, mais surtout probable entorse des cervicales. Son entourage parle officieusement de quelques semaines nécessaires de repos. C’est bien dommage, car à le voir aussi brillant, tout ce qu’on espérait pour lui c’est qu’il puisse récidiver rapidement, corriger les erreurs encore présentes — il est tellement dominant en France qu’ils sont bien peu nombreux ceux qui le poussent à l’entraînement — et enfin s’installer dans le top 10 mondial avec un projet crédible de grand podium à la clé. Il était prévu sur les Grand Prix des Pays-Bas et Grand Chelem de Tokyo en novembre. Le forfait pour le premier rendez-vous est déjà quasiment acté. Pour Tokyo, tout dépend des diagnostics à venir. En tout cas, un vrai retour au premier plan pour un combattant qu’on n’avait plus revu à ce niveau depuis son excellente fin d’année 2014 qui lui avait permis de se hisser après les Juex 2016 à la neuvième place mondiale en -90kg.
Deux cinquièmes places pour base de travail
Si la France n’avait déplacé aucune équipe féminine, Alexandre Iddir était accompagné d’une petite sélection de titulaires français des derniers championnats du monde dans les catégories -60kg avec Luka Mkheidze, -73kg avec Benjamin Axus, -90kg avec Aurélien Diesse, mais aussi deux récents champions de France, Kevin Azema en -66kg et Lucas Otmane en -73kg, ainsi que des membres du groupe olympique et/ou des combattants en vue aux derniers championnats de France. Soit tout de même huit autres combattants représentants le meilleur niveau français. Le résultat est globalement décevant avec aucune médaille à se mettre sous la dent.
Le staff français pourra néanmoins s’appuyer, outre l’excellente prestation d’Alexandre Iddir, sur deux cinquièmes places pour continuer le travail. Celle de Benjamin Axus en -73kg, lequel domine trois adversaires loin des trente meilleurs mondiaux, mais subit aussi deux défaites, par un Tadjik en progrès, Khikmatillokh Turaev, 43e mondial, et en place de trois, au moment où il doit convertir son parcours en médaille (et en points), par Oleg Babgoev, le quatorzième Russe d’une catégorie où ils sont pourtant plutôt faibles. C’est d’autant plus dommage que Benjamin Axus était en passe d’obtenir la dernière pénalité, celle de la victoire et de la médaille, avant que son adversaire ne parvienne à dégager sa jambe au sol.
L’autre médaille qui s’échappe, et celle de Luka Mkheidze, l’un des combattants français les plus en vue depuis sa sélection surprise au championnat du monde. Premier à l’Open d’Espagne en juin deuxième à l’Open de Biélorussie en août – le tournoi qui a tout déclenché –, deuxième au Grand Prix du Mexique en octobre. Il n’est pas cette fois sur le podium, mais le parcours reste très intéressant. Il bat en effet l’un des « top 10 » mondiaux, une étape qu’on ne croyait pas le voir franchir si vite, le très acrobatique Ouzbek Sharafuddin Lutfillaev, 8e mondial, sur un mouvement d’épaule que son adversaire tente de contrer sans y parvenir. Toujours sur l’attaque et relâché, le jeune Français affiche une belle confiance et l’attitude qui convient. Malheureusement il ne convertissait pas non plus. Derrière l’exploit, une défaite frustrante sur le Mongol Boldbaatar Ganbat. Un combattant médaillé mondial encore en 2017, mais un peu en roue libre depuis, 21e mondial, et en difficulté à maîtriser le rythme du Français, qu’il mystifiait pourtant joliment sur un uki-waza au golden score. Et surtout une autre défaite en suivant, pour la médaille de bronze, sur un homme plus à portée, mais membre d’un groupe allemand en forme, Moritz Plafky, 29e mondial, soit dix places au-dessus du classement du Français à ce moment-là.
L’Azerbaïdjan, deux titres masculins
L’Allemagne réussit chez les garçons le tir groupé qui aurait conforté la sélection masculine. Pas de titre, mais quatre médailles pour Plafky (-60kg), Frey (-100kg), le jeune Trippel (-90kg) l’ancien rival d’Aurélien Diesse en junior, qu’Axel Clerget bat pour le bronze au championnat du monde, et Igor Wandtke, qui se hisse en finale en -73kg. Les Mongols sont en or avec Ganbat (-60kg) et en argent avec le -81kg Nyamsuren. Le Kazakh Didar Khamza gagne cette catégorie et continue sa montée vers les sommets. Premier des Jeux d’Asie, troisième du Grand Chelem à Abou Dhabi, cet ancien médaillé mondial junior 2017 est déjà quatorzième mondial en seniors. Les Russes confortent la place de leur sixième poids lourd dans la hiérarchie mondial. Soslan Bostanov en or gagne trente-six places pour monter à la quarantième. Les Ouzbeks chez eux installent trois hommes en finale, avec le titre pour Khikmatillokh Turaev. Mais ce sont les Azerbaidjanais qui font l’opération la plus fructueuse avec deux titres en -90kg et -100kg pour Mammadli Medhiyev et Elmar Gasimov.
Le Kosovo, une affaire qui tourne
L’Azerbaïdjan renforce sa domination avec un titre chez les féminines pour la +78kg Iryna Kindzerska. La Mongolie suit de près avec Mungunchimeg Baldorj en -63kg et l’Allemagne remporte quatre médailles de plus, dont un titre en -57kg avec Theresa Stoll, en or devant Nora Gjakova pour le Kosovo… Pays de plus en plus irrésistible chez les féminines puisque, sur quatre finales obtenues, il en gagne trois pour la -48kg Distria Krasniqi, la -52kg Majlinda Kelmendi, décidément de retour aux affaires, et une nouvelle venue en -78kg, Loriana Kuka – tout juste sortie des juniors et toute récente championne d’Europe -23 ans ! Ces quatre finales pour trois titres permettent au Kosovo de sortir en tête du classement des nations sur ce Grand Prix. À noter aussi la finale de deux jeunes Européennes qui prennent des points en -70kg, l’Autrichienne Michaela Polleres – elle aussi récente championne d’Europe -23 ans — en or et l’Allemande Giovanna Scoccimaro en argent.