Mardi 9 août : quatrième journée, le bilan
Khasan Khalmurzaev, champion olympique des -81 kg / Emmanuel Charlot – L’Esprit du Judo
Cette médaille d’or aujourd’hui, tout le monde la voyait pour la France. Bien sûr pour Clarisse Agbegnenou, la championne du monde 2014 en -63 kg. C’était sans compter sur une adversaire trop vite sous-estimée par les commentateurs les plus enthousiastes. Cette Slovène aux émotions contenues – un sourire et un pouce levé vers son coach, on est loin du modèle italien – dont la place de numéro un en 2015 avait été obtenue notamment par une domination de la Française par deux fois (avec un waza-ari et un ippon à la clé), dont une finale mondiale. Personne ne se précipitait pour le dire, mais il était légitime de penser que cette Tina Trstenjak était la favorite de cette catégorie qu’elle avait su mettre au pas, et cela devant Gerbi, devant Agbegnenou, les deux reines post-2012.
Trstenjak, favorite logique
L’enjeu de la finale n’était pas ce qu’allait faire la Slovène, mais ce qu’avait préparé le Française pour contrer ce schéma efficace. Toute cette journée, on avait pu apprécier les évidents progrès de Clarisse dans ses enchaînements au sol et c’était peut-être une partie de la réponse. Mais, sur le plan tactique, elle s’est peut-être un peu précipitée, tâchant d’en finir vite, de mettre la main une bonne fois pour toutes sur cette adversaire fuyante. Une précipitation qui s’est retournée contre elle, comme le judo nous l’enseigne souvent. Battue une troisième fois par la même combattante en 2015 et 2016… le constat est assez clair. C’est Clarisse Agbegnenou qui se montrait finalement la plus philosophe, ayant peut-être analysé ou senti, dans son for intérieur, le rapport de force mieux que les autres : on la sentait heureuse avec cette médaille d’argent, et elle avait bien raison de l’être.
Tout est encore possible…
Pour l’encadrement français, en revanche, la journée est paradoxalement proche de la catastrophe. Le champion de l’olympiade, Loïc Pietri si fiable depuis quatre ans, sorti au premier tour, une médaille d’or « quasi assurée » qui se change en argent, la campagne de Rio s’avère clairement décevante et c’est aujourd’hui qu’on commence à devoir le dire. Bien sûr, il reste six catégories dans lesquelles la France a pour chacune de fermes espoirs. Mais, pour l’instant, il faut le reconnaître, sur les huit précédentes tentatives, et malgré cette belle médaille d’argent aujourd’hui, c’est le scénario négatif qui l’emporte à chaque fois. Il faudrait une inversion complète de cette tendance pour s’en tirer encore avec les honneurs. Si cela devient chaque jour un peu moins probable, personne ne peut dire encore que c’est inaccessible. Dans l’actuelle dispersion des titres, Teddy Riner au bout, il suffirait à la France d’une deuxième médaille d’or pour être dans ses marques habituelles depuis 2000 (deux en 2000 et 2012, zéro en 2004 et 2008), d’une troisième pour que cette grosse équipe pour l’instant en souffrance puisse être satisfaite d’elle-même et à la hauteur de son potentiel.
Gamba, pari déjà gagné ?
Le fait du jour, ce n’est donc pas le retour dans le rush des leaders de la France. De l’argent à l’or, il y a un gouffre que nous n’avons pas franchi. Ce n’est pas non plus l’envolée attendue et toujours reportée de cette équipe japonaise qui tient la gageure de n’avoir raté qu’un podium depuis quatre jours – et c’est aujourd’hui avec Miku Tashiro en -63 kg – mais ne parvient pas, malgré ses sept médailles, à accumuler assez d’or pour faire la différence. L’échec de l’excellent Nagase devant le « lonesome cow-boy » Sergiu Toma risque de se payer cher à la fin, car il faut encore aller chercher les trois finales qui manquent, au moins, sur les six catégories à venir et le spectre de l’unique médaille d’or de Londres (pour quatre finales) se profile. Ce n’est pas non plus un nouvel épisode du magnifique hold up italien, malgré Matteo Marconcini, cinquième en -81kg. Ni la confirmation du Brésil, malgré une nouvelle cinquième place avec Mariana Silva. Le fait du jour, c’est la deuxième médaille d’or pour un combattant russe après quatre catégories. Personne ne croyait réellement que le coach italien Gamba, surtout après les difficultés rencontrées par cette équipe dans sa préparation, puisse gagner son pari de faire une performance comparable à celle de Londres. Avec ces deux médailles d’or, la deuxième obtenue aujourd’hui avec un gamin de 22 ans à la forme de corps déjà exceptionnelle, il est en passe de le faire. Et quoi qu’il se passe dans les trois jours qui viennent, sa campagne de Rio est d’ores et déjà un triomphe. Dans la dispersion actuelle des titres (déjà sept pays médaillés, autant qu’à Athènes, neuf à Pékin, dix à Londres), ces deux médailles d’or sont un bastion. Le Japon n’en a toujours qu’une, l’Italie devrait s’arrêter là normalement, la Corée a raté ses deux finales et n’a toujours pas d’or. La Géorgie n’est plus dans la course. Il est possible que le leadership des nations se joue autour de trois titres comme à Londres 2012 ou Atlanta 1996, voir deux comme à Séoul 1986 ou Barcelone 1992. Dans tous les cas, la Russie est parfaitement placée.
Tina entre dans l’histoire
La Slovénie ne s’invitera pas dans ce débat, malgré les chances de Mihael Zgang demain et surtout celle de la vice championne du monde Anamari Velensek après-demain. Mais, en réussissant, l’étonnante aventure de conserver quatre ans plus tard le premier titre olympique récolté en -63 kg par Urska Zolnir, devenue depuis la responsable de l’entraînement en Slovénie, Tina Trstenjak a marqué l’histoire du judo, comme celui de son pays. Avec une constante qui la rapproche aussi de la blonde Zolnir : elle ne sourit que quand elle devient championne olympique.