C’est l’un des enjeux fondamentaux du week-end et des trois dernières compétitions du circuit à venir. En effet, alors qu’il ne reste que deux Grands Chelems (Antalya en Turquie, du 1er au 3 avril, et Kazan en Russie, du 5 au 7 mai), des championnats continentaux (du 16 au 18 avril à Lisbonne pour les combattants européens) et des championnats du monde (du 6 au 13 juin à Budapest) avant le tournoi olympique de Tokyo cet été, L’Esprit du Judo revient sur le mode de qualification mis en place par la Fédération internationale de Judo (FIJ).
Un système de qualification – la fameuse ranking list olympique – relativement complexe et plus que jamais au cœur des attentions de chacun des staffs nationaux, dont la France et son équipe masculine en particulier. Car à l’heure actuelle, la catégorie des -81kg n’est pas qualifiée pour l’évènement tokyoïte. Une problématique qui sera l’un des enjeux du Grand Chelem d’Antalya.

Rappelons, tout d’abord, les grandes lignes du système de la ranking list olympique :

  • La ranking list olympique sera arrêtée au 28 juin 2021
    Pour chacune des quatorze catégories, les dix-huit premiers athlètes de la ranking list olympique à cette date seront directement qualifiés, à raison d’un athlète par comité national olympique.

    Si plusieurs athlètes d’un même pays sont directement qualifiés dans la même catégorie, c’est à son comité olympique de choisir l’athlète qu’il veut envoyer à Tokyo.

  • Une seconde voie de qualification existe via un quota continental. Par exemple, l’Europe s’est vue attribuée treize quotas continentaux masculins et douze quotas continentaux féminins.
    Attention ! Il ne peut y avoir qu’un quota continental par sexe et par pays (et évidemment par catégorie).

    Le système pour déterminer qui bénéficie d’un quota continental est assez simple. Si on prend le cas des combattants masculins européens : il s’agira des treize premiers combattants en termes de points qui ne sont pas qualifiés par un quota direct, et non devancés par une compatriote parmi les douze premières Européennes repêchées par un quota continental.

  • Le pays organisateur possède quatorze qualifiés d’office et, par conséquent, son équipe mixte.

  • Vingt places ou « wild cards » (masculins et féminines confondus) seront attribuées par la commission tripartite de la FIJ.

  • Pour calculer les points de chacun des athlètes, la FIJ a mis en place un système de ranking list olympique pour laquelle :

a) un nombre de points est donné en fonction de son parcours et de la compétition à laquelle on participe (voir ci-dessous).

b) sont prises en compte les six meilleures performances comprises entre les championnats continentaux 2018 (inclus) et les championnats continentaux 2019 (inclus). Ces points sont valorisés à 50 % (voir plus bas).

c) sont valorisés, cette fois-ci à 100 %, les six meilleurs résultats obtenus entre les championnats continentaux 2019 (exclus, puisque pris en compte plus haut) et les championnats du monde 2021.

Deux précisions de taille :
– les championnats du monde 2019 sont valorisés à 100 %.
– la FIJ a décidé que seule serait retenue la meilleure performance entre les championnats continentaux 2020 et les championnats continentaux 2021. Ceci est valable pour les cinq continents.
En clair : les cinq Françaises championnes d’Europe à Prague n’ont aucun intérêt comptable à participer aux Europe à Lisbonne puisqu’ayant marqué le maximum de points avec leur victoire en République Tchèque (soit 700 points, voir ci-dessous).

  • Les choses deviennent encore plus complexes lorsque l’on rentre dans les détails de ces six meilleures performances, puisque l’une correspond obligatoirement à des points obtenus lors d’un Masters ou d’un championnat continental.

Alors comment obtient-on un quota (direct ou olympique) ?
La réponse semble (et est) évidente : en allant le plus loin possible lors d’un évènement, ce qui fait marquer un maximum de points.

Une précision, de taille, doit être pourtant apportée : si vous avez déjà six performances, les points gagnés lors d’un Grand Chelem ne remplaceront pas, purement et simplement, votre moins bon résultat. La subtilité tient en effet dans le fait que le véritable nombre de points gagnés par un athlète est la différence entre les points de la dite compétition et ceux de sa plus mauvaise performance.

Un exemple très concret pour y voir clair : la plus mauvaise performance (parmi les six) d’un athlète est à 160 points.
Si ce dernier gagne un Grand Chelem, l’opération est la suivante : 1000 (victoire au GC) – 160 (plus mauvaise performance) = 840 points.
L’athlète en question gagnera donc 840 points après sa victoire lors du Grand Chelem.

Autre cas de figure, un athlète n’a pas six performances. Dans ce cas, les points gagnés en compétition sont pris en compte.
Un exemple avec le Belge Toma Nikiforov : longtemps blessé, le colosse de Schaerbeek n’avait que trois performances sur les six possibles début mars. Avec sa victoire à Tashkent (1000 points) et sa troisième place du week-end dernier à Tbilissi (500 points), Nikoforov vient de marquer 1500 points en quelques semaines. Il lui reste encore une performance vierge, où les éventuels points marqués seront ajoutés sans calcul d’apothicaire.

Appuyons-nous maintenant sur le Grand Chelem à venir et la catégorie des -81kg pour bien en comprendre les enjeux.

Actuellement, le meilleur Français est Alpha Djalo avec 1729 points. À ce jour, le judoka du PSG Judo n’est donc qualifié ni de manière directe, ni par le quota continental (l’ultime ticket européen masculin est détenu par Peter Zilka (-90kg, Slovaquie) avec 1823 points).
Si Nicolas Chilard sera sur le tatami d’Antalya ce week-end, pour Djalo, il ne restera possiblement que les championnats d’Europe et du monde pour aller chercher les points nécessaires à une qualification olympique. Le combattant de Sucy Judo est lui le n°2 français à la ranking list dans cette catégorie, possédant à ce jour 1020 points. Avec une performance la plus faible à 6 points, Chilard gagnera quoi qu’il arrive des points samedi soir (une participation à un Grand Chelem étant valorisé 10 points). Selon certains fins observateurs, la qualification dans cette catégorie pourrait se jouer aux alentours de 2050-2100 points. Ainsi, une victoire en Grand Chelem (il prendrait 994 points d’un coup !) mettrait le Breton dans une position très favorable. Reste Loïc Pietri. L’équation pour le champion du monde 2013 est simple : n’ayant aucun point dans cette catégorie de poids, son pari d’être à nouveau titulaire olympique passe obligatoirement par un excellent parcours ce week-end. Une hypothèse que le Niçois connaît et assume parfaitement.

Et pour les autres catégories ?
En -60kg, Walide Khyar possède 2825 points, contre 2742 à Luka Mkheidze.
Le premier sera titulaire ce week-end en Turquie et sa plus mauvaise performance est à 160 points (contre 200 à Mkheidze). Une septième place au minimum et le judoka de FLAM 91 grappillerait cent points. Pas d’inquiétude en -66kg pour Kilian Le Blouch sur le plan comptable.
En -73kg, Guillaume Chaine n’est pas du voyage en Turquie. Mais le cas du judoka du CO Sartrouville mérite une attention particulière : il est le dernier qualifié de cette catégorie avec le quota direct, ayant à ses trousses le Suisse Nils Stump, 71 points derrière, et le Roumain Alexandru Raicu à 495 points. Même si le Suisse repassait devant le Français, Chaine serait assuré d’un quota continental avec ses 2694 points. L’enjeu pour celui-ci et l’équipe de France masculine est que le -73kg garde son quota direct d’ici le 28 juin, donnant ainsi la possibilité aux -81kg français de passer, au pire, par un quota continental.

En -100kg, Cyrille Maret, de retour sur le circuit après son grave accident de la circulation en octobre, possède 1716 points. Le dernier qualifié, via un quota continental, est le Letton Borodavko est à 2076 points. Le dernier quota direct est lui détenu par l’Estonien Minaskin (2204 points). Or, la plus mauvaise performance du médaillé olympique de Rio est à six points. Ce qui laisse de vraies possibilités de voir Maret grimper à la ranking list dimanche soir.