Crédit Photo : Emanuele Di Feliciantonio / IJF

Ce n’est pas seulement 24kg, mais dix ans de moins que Teddy Riner affichait ce mercredi. Comme aux plus beaux jours, ou presque, il a imposé son kumikata de fer, faisant descendre la main droite adverse avec aisance, tout en mobilité et en assurance, et trouvant facilement les ouvertures pour, le plus souvent, des makikomi efficaces à défaut d’être ultra-spectaculaires. Le « grand » avait décidé d’être là, et bien là. Tout le monde a vu.
Et la France termine par un triplé en or, pour faire bonne mesure ! La Marseillaise est le tube à la mode à Doha.

On attendait de voir les effets du dynamisme et des « drop seoi-nage » du Néerlandais Meyer, il s’est fait enrouler sans résistance sur harai-makikomi et sumi-gaeshi. Le corps-à-corps du Géorgien Zaalashvili allait-il être dangereux ? Il est pénalisé deux fois et étranglé comme un cadet en moins de deux minutes. On se murmurait que le petit poids lourd russe vaillant et mobile Tamerlan Bashaev avait le profil avec ses attaques en dessous qui partent des deux côtés. Il a effectivement bien tenté de troubler le jeu et de bouger… mais comme un poisson accroché à l’hameçon et après avoir pris un premier waza-ari en contre de ses attaques à genoux dès les premières secondes. On attendait encore la suite ! Le rival désigné, le Japonais Harasawa, avait fait le voyage. Suspense… Oui, mais il ne se présentait même pas au rendez-vous, battu et blessé deux tours plus tôt par l’Ukrainien Khammo. Celui-là alors ? Teddy Riner l’avait désigné un an plus tôt dans une interview à L’Esprit du Judo comme un des combattants qu’il n’aime pas prendre. Ça ne s’est pas trop vu. Un makikomi dans les deux premières minutes a suffi.

Tasoev encore (bien) trop juste

Et Teddy Riner était en finale, contre un judoka éblouissant, le Russe Inal Tasoev, mais qui avait déjà montré ses limites sur le kumikata imposé par le Français au Grand Chelem de Brasilia en octobre 2019. Privé de sa main droite tout au long du combat, le Russe montrait sa valeur par quelques changements de direction qu’on devinait dangereux, un acharnement à tenir très honorable, mais s’inclinait à quatorze secondes de la fin sur une double pénalité décidée par l’arbitre… et par Riner, qui faisait ce qu’il fallait pour faire baisser la tête à son adversaire. Dommage que l’arbitrage n’ait pas cherché à se faire oublier un peu plus (mais ce n’est pas son genre), on aurait aimé que cela se termine sur un score.
Quoiqu’il en soit, la démonstration est faite, et bien faite. Quand il le décide, Teddy « Marvel » Riner revient comme par magie, pour le plus grand découragement de ceux qui espéraient profiter du chaos actuel pour bousculer le super-héros affaibli et lui voler l’objet de toutes les convoitises, la médaille d’or olympique des +100kg. Affûté comme au meilleur temps, le Français a dissipé aujourd’hui beaucoup d’illusions.
Pas de performance en revanche pour Alexandre Iddir en -100kg, et un « KO » préjudiciable pour Axel Clerget en -90kg, qui le force à l’abandon.

Romane Dicko, toujours plus haut

Et pendant ce temps, comme une implacable machine à engranger les performances (à peine enrayée la veille par la double déception de l’échec de nos -70kg) les Françaises alignaient deux médailles d’or de plus, après celles d’Amandine Buchard en -52kg et de Clarisse Agbegnenou en -63kg, faisant de la France la grande gagnante de ces Masters 2021, devant les trois titres masculins des légers coréens – belle démonstration – les sept finales, mais pour deux titres féminins seulement, des Japonais, et l’impressionnante levée des masculins géorgiens, cinq fois médaillés pour trois finales et deux titres, dont celui aujourd’hui de l’éternel -100kg Varlam Liparteliani, en pleine forme, un patron « en or » pour ce groupe toujours aussi intimidant et qui annonce la couleur avant les Jeux. Un avant-goût du rendez-vous de Tokyo ? C’est à méditer en tout cas pour ceux qui ont manqué d’impact cette fois, Japon et Russie en tête du lot.

Comme on pouvait l’espérer, la championne du monde Madeleine Malonga faisait un parcours en fanfare, après son titre européen de novembre, passant elle aussi à travers l’opposition comme dans du beurre, alors que ses rivales françaises, Audrey Tcheuméo et Fanny-Estelle Posvite cédaient devant la Kosovare Kuka et la Néerlandaise Steenhuis. Pas de limite pour Malonga qui dominait facilement la finaliste du championnat d’Europe Luise Malzahn dès le second tour et retrouvait la sélectionnée olympique japonaise Shori Hamada en finale. Elle la surclassait debout… mais échappait de peu à la sanction au sol. Une médaille d’or, des directions de travail, une tonne de confiance et le moral en berne pour ses rivales, somme toute, une excellente journée pour Madeleine Malonga.
Enfin, et c’est peut-être la meilleure nouvelle du jour : Romane Dicko a explosé la concurrence en +78kg, s’offrant d’entrée, au sol, la légende cubaine Idalys Ortiz. À 21 ans, la jeune Française enchaîne sa quatrième médaille d’or de rang, et non des moindres. Grand Prix de Tel-Aviv en janvier dernier, Grand Chelem de Paris en février, championnats d’Europe en novembre et Masters aujourd’hui ! Ortiz était aussi la dernière à avoir « scoré » contre elle, c’était par étranglement… et cela date déjà de 2017. Comme aux championnats d’Europe, elle retrouvait l’Azerbaïdjanaise Kindzerska en finale et la faisait exploser à l’entrée de la troisième minute. Là encore, la démonstration est faite. La représentante mystère pour la Chine, et surtout la « super-balle » japonaise Sone, que Dicko n’a plus rencontrée depuis les championnats du monde juniors 2017, sont prévenues.

Retrouvez les résultats et tableaux complets ci-dessous : https://lespritdujudo.com/masters-de-doha-2021-resultats-complets/