Aujourd’hui était un jour très spécial, voire surprenant… par sa banalité.
Nos Français sortis très vite, des catégories que je connais moins bien, j’ai osé penser, dès le départ, que la journée allait me paraître bien longue. Et c’est là que j’ai compris l’intérêt de la « répétition générale » faite la semaine dernière pour tous les bénévoles ! J’avais dû, ce jour-là, rester cinq heures debout à ne… rien faire. Et je dois dire que j’avais eu le temps de m’agacer et regretter tout ce temps perdu… jusqu’à ce que tout se mette en place dans ma tête : en tant que volontaire parmi les quelque 50 000 personnes au moins qui œuvrent pour ces JO, il est normal que je n’aie pas la « vue d’ensemble » et ma seule mission est d’appliquer à la lettre ce que l’on me demande, peu importe ce que j’en pense. Avec cette idée claire, j’avais pu finir l’après-midi heureuse de n’avoir rien fait car j’étais convaincue d’avoir été utile pour quelqu’un ou quelque chose que je ne voyais juste pas.
C’est comme ça que lorsqu’on m’a demandé de quitter la salle de compétition pour changer de poste aujourd’hui, je n’ai pas rechigné. Peut-être que de conduire la voiturette dans la chaleur des allées de ce site aux pieds de la Tour Eiffel ou recharger des bouteilles d’eau depuis le frigo des réserves peut paraître bien moins excitant que d’être au cœur de l’Arena à hurler pour une victoire espérée d’un Français, mais j’ai bien compris, désormais, que ça, ce n’était que mon point de vue à moi, restreint, de celle qui n’a pas la « vue d’ensemble ». Je me suis donc attachée à exécuter, du mieux que je pouvais, chaque tâche que l’on m’a confiée, aussi minime ou, disons-le, inintéressante soit-elle. Je m’inspirais de l’esprit japonais que j’essaie de mieux comprendre au quotidien et à chaque séjour sur place, et je me répétais en boucle cette phrase : « chacun a sa place et si chacun fait de son mieux là où il est, alors tout se retrouve dans l’ordre ».
J’ai regardé les photocopies sortir de la machine dans ce préfabriqué tout silencieux en pensant aux athlètes qui étaient en plein combat à donner le meilleur d’eux-mêmes sur chaque seconde, aux coaches qui étaient uniquement concentrés sur les mots qu’ils devaient prononcer à tel ou tel moment, aux supporters qui s’amusaient en hurlant grâce à ce fameux billet qui les fait rêver depuis des mois, aux photographes qui collaient leur œil dans leur boîtier pour des images qui allaient être partagées dans le monde entier… Je me disais que tout était bien à sa place, logique, parfait.
J’ai accompagné quatre Mongols au site Eiffel en y mettant tout mon cœur et j’ai passé un très bon moment, avec un petit pin’s offert ! J’ai fait de mon mieux pour aider ma nouvelle co-volontaire à nettoyer la bonbonne de café tombée par terre dans la boue. On a beaucoup ri et on prévoit de refaire équipe. Je suis allée récupérer, consciencieusement, des gobelets à l’autre bout du site de la compétition et c’est sur ce chemin que j’ai pu saluer Soichi Hashimoto, l’un de mes judokas préférés et retrouver un super ami vétéran. Comment ai-je pu éventuellement penser qu’être au centre de l’arène était « mieux » qu’ailleurs ? La place la meilleure n’est-elle pas simplement là où l’on y met du cœur ? Le « Kodowari », la quête des Japonais : se dévouer entièrement à ce que l’on fait, avec le souci du détail.
En passant par la salle d’échauffement avec une grosse caisse de 18 bouteilles bien lourdes, mes yeux se sont posés sur nos Français, Madeleine et Aurélien, à quelques mètres des délégations qui se dirigeaient vers les quarts de finale. Je leur souhaite de faire de leur mieux pour digérer ces Jeux manqués. Et au risque de vous choquer : je suis convaincue que tout est parfait. C’est juste que, parmi les presque huit milliards que nous sommes sur terre, nous n’avons pas toujours la vue d’ensemble, mais ce n’est pas important du moment que nous sommes à notre (bonne) place.