Après 38 années passées comme CTR en PACA, l’heure de la retraite a sonné
Quand le 28 Juin 2014, le président de la FFJDA Jean-Luc Rougé prit congé des participants au traditionnel stage des haut-gradés de La Londe-les-Maures, dans le Var, il fit, sur son chemin de retour vers Paris, une halte dans la bonne ville d’Aix-en- Provence. Il ne cédait pas pour autant en cela à la grande tradition des vacanciers de jadis, de retour de villégiature sur la Côte d’Azur. Loin d’aller admirer la célèbre fontaine du cours Mirabeau, il s’agissait en effet pour lui d’honorer de sa présence une manifestation organisée par la ligue Provence Alpes Côte d’Azur en faveur d’un autre « monument ». Le président Marc Colombo et toute son équipe célébraient en effet le départ à la retraite de Robert Carles, leur CTR, après….38 années de bons et loyaux services. Une page se tournait, sous l’ombre tutélaire de Louis Mazzi, son professeur, évidemment présent au premier rang des invités.
© Ligue PACA – L’Esprit du Judo / Robert Carles, entouré de Jean-Luc Rougé et Marc Colombo lors de son départ à la retraite.
À l’ombre du Garlaban
Né en 1952 à Marseille, le petit Robert, vite devenu Aubagnais, a grandi à l’ombre du Garlaban, la célèbre « montagne » qui domine tout le pays et symbolise, avec les santons, la bonne ville de Marcel Pagnol. Difficile quand on était un jeune, à Aubagne, ces années la, et quand on passait du côté de l’avenue Loulou Delfieu, d’éviter le dojo installé en 1953 par Louis Mazzi au dessus du cinéma Le Palace. Sur les tatamis du deuxième étage, le jeune Robert Carles fait la connaissance d’un blond teigneux déjà ceinture verte, qui va devenir son « frère » en arts martiaux, Alain Chaudesseigne. Tous les deux dans la même catégorie de poids (à l’époque les mi-moyens), et d’âge, vont s’affronter souvent sur les tatamis et devenir inséparables en dehors. Les titres régionaux, l’équipe du club, les Championnats de France à Paris, tout ça va très vite rythmer leurs vies, jusqu’à des sélections internationales en cadets puis en juniors.
Le haut niveau est tout proche, avec le Bataillon de Joinville en 1971 (ah, cette fameuse photo du BJ 1971 avec tous les « grands »…), puis trois ans d’INSEP au cours desquels un premier voyage au Japon, à Tenri, en 1973, avec le copain Chaudesseigne. Robert Carles commence à se faire remarquer en seniors. « Après avoir été vice-champion du monde militaire à Vienne, je talonne les têtes de liste de l’époque (le trio Vial, Gautier, Landart), explique-t-il. Je suis sur le podium des France 1975, suis sélectionné en équipe de France. Après un nouveau stage au Japon, je gagne un tournoi en Hollande, dans lequel il y avait Nevzorov… En ligne de mire des JO de Montréal, je bats Patrick Vial, mais c’est lui qui sera sélectionné, et il sera médaille de bronze. » C’est la grande époque du Judo Club d’Aubagne, mais son étoile, sa chance à lui de se faire un palmarès XXL comme ses glorieux compères marseillais Coche et Tchoullouyan, sont peut-être passées…
© Ligue PACA – L’Esprit du Judo
38 années au service de la Provence
En 1976, Henri Courtine, le DTN, lui propose le poste de CTR pour la Provence…sa Provence, où il a ses racines, et où il choisit de revenir. Se doute-t-il alors qu’il en prend pour près de 40 ans ? Très vite, ses qualités humaines vont s’imposer. Son copain Chaudesseigne témoigne : « Robert est un organisateur en même temps qu’un fédérateur. Il sait s’entourer et s’imposer sans heurter les gens. C’est un diplomate…efficace. » Henri Courtine, qui ne tarit pas d’éloges sur le cadre qu’il avait nommé, précise : « Il a rempli sa mission de manière extraordinaire. Un caractère affable, tout en rondeur certes, qui l’a peut-être un peu desservi en tant que combattant ; mais dans son rôle de cadre, il a su s’imposer. Et quand il le fallait, non, c’était non ! » Lui en a-t-il fallu cependant de la psychologie pour se faire admettre par tous ces cadres techniques, s’adapter à ces dirigeants départementaux, ces présidents de Ligue successifs arrivant avec leurs idées et leur tempérament…
Très orienté sportif au départ, il va progressivement évoluer vers l’aspect formation, au sein d’une ligue qui deviendra énorme sur les dix dernières années de sa mission, après le regroupement avec la Côte d’Azur. Au moment du bilan, les regrets ne sont que pour les bons et beaux aspects de sa carrière. « J’ai eu la chance de faire un métier merveilleux, enrichissant, avec le suivi de ces élèves tout au long de leurs parcours. Je me souviens de ces stages à Digne, avec des centaines de participants, des entrainements de masse dans le dojo régional de Bougainville… » Sûr que son épouse Gisèle et leur fille Gayané ne l’ont pas vu souvent les week-ends, durant toutes ces années !
Heureusement qu’il y avait un peu de répit l’été, le bateau…Porquerolles… Derrière son sourire malicieux surplombé de son éternelle moustache noire, l’homme est avisé. De la ferme agricole des ses parents, au cœur d’Aubagne, il a fait, dès 1982, un poney-club qui, au fil des années, a pris de l’importance et a connu un succès grandissant dans une structure bien organisée. De quoi améliorer l’ordinaire, et aussi donner de l’occupation pour plus tard. Et ce « plus tard » est arrivé, sans qu’il ait vu, comme tant d’autres, passer ces décennies…
© Ligue PACA – L’Esprit du Judo
En 2008, il a accédé au grade de 7e dan : la ceinture lui est remise à Paris par Louis Mazzi, en même temps qu’à son complice de toujours Alain Chaudesseigne. Le vieux professeur n’est pas peu fier de remettre un tel grade à deux de ses élèves en même temps, devant le gotha du Judo français : une première historique ! La « légende » Shozo Awazu est peut-être le seul à ne pas s’étonner de cette simultanéité, lui qui demandait toujours à l’un des nouvelles de l’autre…
Tant que chanteront les grillons
Tel le grand gong du Kodokan envoyant le signal de la fin des randori, la réunion de la grande famille du judo provençal et national, en présence de Jean-Luc Rougé, Henri Courtine, Paule et Louis Mazzi, de nombreux dirigeants, professeurs et athlètes a ainsi permis de tourner cette belle et grande page de l’histoire du judo régional. Depuis les glorieux anciens, Jean Zin et Roméo Carrega, accueillant en 1948 Maitre Kawaishi à Marseille, jusqu’aux grands professeurs marseillais et azuréens, de Guy Magnana à José Allari, des gloires sportives, Jean-Paul Coche, Bernard Tchoullouyan, Richard Melillo, aux présidents de ligue successifs, Robert Guille, Jean-Claude Brun, Sylviane Mege-Lebigre, Jean-Marc Villanueva, Hervé Liberman, Michel Saltzman et Marc Colombo, l’évocation de tous ces noms, absents ou présents, formait un bien grand cortège de figures, enveloppées par le souffle enchanté des souvenirs, dans l’allocution du petit Aubagnais, au moment de tirer sa révérence et de souhaiter bonne chance à son successeur Laurent Del Colombo.
Conscient de ne pouvoir les citer tous, et s’en excusant à l’avance, il avait tenu tout de même à ajouter à Louis Mazzi et Alain Chaudesseigne, les « deux hommes de sa vie », deux autres personnages croisés dans son parcours : Bernard Midan, un homme qui a marqué tous ceux qui l’ont approché, et Philippe Pradayrol, un judoka exceptionnel. Comme le précise le président Colombo, Robert Carles restera « l’invité permanent » de la Ligue Provence Alpes Côte d’Azur. Et comme son cher et vénéré professeur Louis Mazzi, il continuera de fouler les tatamis aussi longtemps que chanteront les grillons de sa belle Provence…