Un chant de glace et de feu

Dans le prolongement de L’Esprit du judo n°53 actuellement en kiosque, retrouvez ici la suite du journal de bord de la Judo Académie nouvelle génération.

L’échelle de Richter de la planète judo n’est pas ressentie de la même façon aux onze points cardinaux de l’Académie. Dix semaines de journal de bord ne seront donc pas de trop pour donner un aperçu des partitions dissonantes qui se jouent à moins de deux ans du Graal carioca.  Si vous avez manqué les épisodes précédents (voir EDJ46 à EDJ52 et ici), l’équipée comprend Amandine Buchard (France, -48 kg), Hedvig Karakas (Hongrie, -57 kg), Yarden Gerbi (Israël, -63 kg), Kayla Harrison (USA, -78 kg) et Idalys Ortiz (Cuba, +78 kg) pour les filles. Yakub Shamilov (Russie, -66 kg), Gideon « Jacques » Van Zyl (Afrique du Sud, -73 kg), Antoine Valois-Fortier (Canada, -81 kg), Tiago Camilo (Brésil, -90 kg), Toma Nikiforov (Belgique, -100 kg) et Islam El Shehaby (Egypte, +100 kg) pour les garçons. 
Saison II, épisode 2, attitude… Ré !

 


Kayla Harrison et sa nièce Kyla dans les rues de Boston © DR/L’Esprit du judo

Vendredi 10 octobre. Une semaine après son stage à l’Insep, Ilias Iliadis est retourné s’entraîner chez ses vieux amis italiens, pendant que Tiago, de retour de quelques jours au Disneyworld d’Orlando en famille pour les un an de sa petite Donatella, fête aussi l’anniversaire des deux ans de la création de l’institut qui porte son nom et l’arrivée d’un nouveau sponsor, l’entreprise de télécommunication Oi. Hedvig s’impose au Kazakhstan et ça fait du bien après la polémique Cuba [cf. EDJ53]. 18 engagées, ippon sur tate-shiho gatame face à la Kazakhe Nishanbayeva, waza-ari à l’Israelienne Minakawa sur un redoublement de balayages, shido à la Serbe Rogic et waza-ari en ne-waza en finale face à Filzmoser. Pour l’anecdote l’Autrichienne réchappe de l’immobilisation sur le gong. D’abord annoncé ippon, puis waza-ari, le point oblige la Hongroise à se battre comme un Rottweiler sur les mains pendant les 56 dernières secondes. Une victoire vécue comme un soulagement par la lauréate. « J’étais malade les jours précédents et je suis arrivée à Astana sans mes bagages. J’ai dû demander des vêtements à des amis et mettre le kimono IJF. Et après la pesée nous avons découvert que rien n’était prévu pour manger. Du coup il a fallu partir en quête d’un magasin ouvert… » Une fois de plus, c’est en streaming que Jacques,  triple champion d’Afrique en titre, devra pour sa part suivre ce Grand Prix. Amandine, elle, se remet d’une visite dans les locaux du Raid à Rennes avec Loïc Pietri. A moins que ce ne soit l’inverse. « J’ai fait un sans-faute au 9 millimètres sur une cinquantaine de tirs allant de trois à vingt mètres. L’instructeur était sur le cul. » Toma, auteur lui aussi d’un sans-faute l’an dernier lors d’un examen de tir à l’armée, appréciera.

Samedi 11 octobre. Alors qu’au tournoi par équipe de Condé-sur-l’Escaut, une certaine Gévrise E. reprend discrètement la compétition par une médaille d’argent obtenue avec une sélection de l’Insep, c’est au Grand Prix d’Astana que Yarden ré-étrenne ce dossard bleu qu’elle n’avait plus porté depuis le 29 août 2013 et son titre carioca. L’Israélienne fête ça en collant ippon sur uchi-mata à la Mongole Tsedevsuren – qu’elle craignait « beaucoup en raison d’un bilan de 3-1 en [sa] défaveur » dans leurs confrontations directes, la dernière remontant à 2011. Hansoku-make ensuite face à la Suédoise Hermansson, waza-ari face à l’Italienne Gwend et un ultime uchim’ face à la Suédoise Bernholm en finale. Elle qui avait confié quelques jours plus tôt « travailler beaucoup pour retrouver la plus haute marche d’un podium » a le sourire jusqu’aux sourcils. Quatorze mois et bien des accessits après son titre mondial, c’est à Astana que la fille de Netanya reprend sa marche en avant. 9 600 km plus au sud, Jacques poursuit le déménagement de son bureau et se prépare à un gros braai – le légendaire barbecue sud-africain – en famille. 13 000 km au nord-ouest, Idalys peaufine sa remontée en puissance sur fond de changements structurels dans l’équipe pédagogique cubaine : les médecins des équipes féminine et masculine échangent leur poste et la quadruple médaillée olympique Driulis González vient désormais encadrer le groupe féminin au QG de La Havane.

Dimanche 12 octobre. Toujours au Kazakhstan, Islam bat le Tadjik Abdurakhmonov alors qu’il était mené jusqu’à douze secondes du terme. Il cède sur le Hongrois Bor puis mène aux pénalités en repêchage sur le Russe Boslanov. Il se plaint alors d’une douleur à l’épaule lors d’un seoi, semble tendre vers l’abandon puis fait repénaliser le Russe d’un troisième shido. Il lance ensuite un sutemi en bordure et se fait gauler en tate-shiho. 7e, l’ancien n°2 mondial semble accuser mille ans à sa sortie du tapis. « Je suis encore loin physiquement, techniquement et tactiquement. Je dois retrouver de la concentration et de la confiance. Je ne veux pas abandonner car je sais que beaucoup d’autres athlètes sont aussi passés par là et ont réussi à surmonter ces difficultés. »

Mardi 14 octobre. Que font les judokas entre deux tournois dans les pays en –stan ? 40 minutes quotidiennes de judo léger, histoire de. « Pour le reste ça rouille un peu » confie Yarden, arrivée hier en provenance d’Astana.

Jeudi 16 octobre. Pendant qu’Amandine s’acquitte sourire aux lèvres d’une conférence de presse à l’Insep relative aux échéances à venir avec les juniors, une question tarabuste les puristes :  le sode enroulé de Rishod Sobirov sur Dmitry Shershan en quarts ce jour chez lui à Tachkent est-il le déclic attendu en -66 kg par l’ancien n°1 mondial des -60 kg ? La victoire de l’ancien Invincible confirme en tout cas le frissonnement aperçu cet été à Chelyabinsk. Sur la troisième marche du podium, l’Espanol Sugoi Uriarte a l’air pensif… Et pour cause : un marathon l’attend.

Vendredi 17 octobre. Il est presque minuit ce vendredi soir au fin fond de la Bavière lorsque Sugoi Uriarte pose enfin… rien du tout dans la chambre qu’il partage avec son compatriote Kiyoshi Uematsu au troisième étage de l’Altstadthotel Kneitinger à Abensberg. Explications : médaillé la veille en Ouzbékistan, l’Espagnol vient de s’enquiller un interminable voyage de trente heures et cinq escales ponctué par une perte de bagages, un footing à l’aéroport et un bain chaud à l’arrivée pour perdre son poids… En Ouzbékistan, Yarden bisse sa victoire kazakhe. Uchi-mata sur la Suédoise Bernholm, uchi-mata en 14 secondes sur la Brésilienne Silva, un autre en 47 secondes sur l’Espagnole Puche, lourdée après un contrôle en bout de manche. Puis un étranglement terrible en finale sur l’Autrichienne Unterwurzacher, arrachée du cosmos par l’arbitre Vladimer Nutsubidze… Pas de doublé pour Jacques cette année au Prix de l’athlète sud-africain de l’année 2014. Nikola Fliilipov, son coach, repart en revanche avec le précieux trophée.

Samedi 18 octobre. Final Four de la Bundesliga, 60 ans du président d’Abensberg et naissance du deuxième enfant de Zebeda Rekhviashvili. Toma s’incline en finale à Tachkent contre Ramadan Darwish – hors championnats d’Afrique, depuis combien de temps l’hymne égyptien n’avait-il pas retenti sur le circuit ? Le Belge n’est « pas content du tout d’être rentré dans son faux rythme », d’autant qu’il avait battu le même adversaire deux fois cette saison, la dernière sur une jambe deux mois plus tôt à Chelyabinsk. Son entraîneur Damiano Martinuzzi préfère retenir le positif et notamment sa réaction en demie après avoir subi d’entrée un waza-ari de son vieux rival des années juniors, le Portugais Jorge Fonseca. Au Pays-Bas, en marge des championnats nationaux de Rotterdam, la jeune mariée Juul Franssen annonce qu’elle monte en -63 kg. Cela laisse le champ libre à ses compatriotes Sanne Verhagen et Carla Grol pour en découdre d’ici Rio.

Dimanche 19 octobre. Rotterdam encore. L’ancien -90 kg Marvin de la Croes surprend l’archi-favori Roy Meyer en finale des championnats des Pays-Bas des… +100 kg. A sa décharge, le 5e des derniers championnats du monde arrivait tout juste d’Abensberg où il était engagé la veille sur le Final Four avec son club de Grosshadern, et où il fut aperçu dans les gradins dansant à en faire trembler les planches sur le « Let’s Twist Again » de Chubby Checker envoyé par la sono… Amandine, elle, arrive à Miami pendant que Tiago, lui, se prépare à passer quelques jours à Rio pour ses obligations militaires.

Mardi 21 octobre. Deuxième partie du mariage du frère de Yarden, au moment où Hedvig refait surface après quelques tumultes dans sa vie sentimentale…

Mercredi 22 octobre. Kamal Fikri, 5e aux France 1D 2013 en -60 kg, est médaillé de bronze aux championnats du monde juniors de Fort Lauderdale en -55 kg.

Jeudi 23 octobre. La performance du Limougeaud est quelque peu éclipsée par le sacre d’Amandine, médaillée européenne et mondiale senior cette saison en -48 kg et désormais championne du monde juniors en -52 kg [cf. EDJ53 et le site]. Dans la même catégorie, la Belge Nica Antonis se classe 7e. Cela met son camarade de club Toma en joie.

Vendredi 24 octobre. Béatrice Valois-Fortier, sœur cadette d’Antoine, s’incline d’entrée en -63 kg à Fort Lauderdale. Au Brésil, Tiago reprend doucement la préparation physique après le repos complet préconisé pour son épaule et ses cervicales depuis Chelyabinsk.

Dimanche 26 octobre. Trois jours après son sacre floridien, Amandine cède en finale de l’épreuve par équipes des Mondiaux juniors. Sa vainqueur n’est autre qu’Ami Kondo, la championne du monde senior puis junior des -48 kg, ci-devant sa rivale désignée pour Rio 2016, Tokyo 2020 voire au-delà puisque les deux duettistes n’auront que 29 ans lorsque s’amorceront les Jeux… 2024 ! À des milliers de kilomètres de là et des années-lumière de telles spéculations, Jacques bachote chez lui à Johannesburg pour être fin prêt pour ses partiels qui commencent demain.


Antoine Valois-Fortier, un n°2 mondial devenu le n°1 pour beaucoup d’enfants canadiens
©DR/L’Esprit du judo

Mardi 28 octobre. Pendant que la planète judo célèbre l’anniversaire de la naissance de Jigoro Kano, au Burkina Faso un million de Ouagalais descendent la rue de l’Indépendance, non loin de laquelle fut prise la photo d’ouverture d’un mémorable  reportage au Pays des hommes intègres [cf. EDJ23]. À La Havane, Idalys est l’une des têtes d’affiche de la cérémonie de remise solennelle du drapeau cubain aux 543 athlètes qui représenteront la patrie aux prochains Jeux d’Amérique centrale et de la Caraïbe. Ceux-ci se tiendront le mois prochain au Mexique.  

Mercredi 29 octobre. Tomoko Fukumi et « une -70 kg de Tsukuba » viennent s’entraîner à Netanya avec la troupe de Yarden.  « Nous faisons cela de temps à autre, parfois avec des individualités comme l’Américaine Hannah Martin, parfois avec des équipes nationales. Ils apprécient le cadre, l’accueil et les entraînements. Je pense que ce qu’ils trouvent ici et très différent de ce qu’ils peuvent trouver dans d’autres pays. Nous partageons de beaux moments ensemble, sur et en dehors du tapis. »

Jeudi 30 octobre. Tout juste rentrée des Everglades avec un coude et un tibia en feu, Amandine prend part à Saint-Malo à la 9e édition des Journées « Ensemble pour un avenir citoyen », une opération permettant aux pratiquants de judo de venir découvrir les métiers et les formations de la Police nationale.

Vendredi 31 octobre. Citoyenneté toujours. Au Burkina Faso, 24 heures après que l’armée ait ouvert le feu sur les manifestants – occasionnant trente morts et une centaine de blessés selon l’opposition -, la ténacité de la foule pousse le président Compaoré à s’enfuir en Côte d’Ivoire avec l’appui affirmé de l’Élysée. Symboliquement, les habitants de Ouagadougou balaient les rues de leur capitale pour montrer à ceux qui prennent la peine de suivre les circonvolutions de cet Etat où œuvra au mitan des années quatre-vingt l’emblématique capitaine Thomas Sankara, que révolution ne rime pas toujours avec anarchie. De son côté, Hedvig est sans solution à Abou Dhabi sur la Nord-Coréenne Hyo Sun Ri, 56e à la ranking, tombeuse au tour suivant de Marti Malloy et seulement stoppée d’un shido par la quadruple vice-championne du monde Telma Monteiro. « Je l’avais prise une seule fois lors d’un stage. Sur notre combat aujourd’hui j’étais lente et pas vraiment dans le coup. J’ai quand même été surprise que notre combat soit arbitré par un arbitre coréen ! » Mais l’essentiel est ailleurs. « Mon coach ne cesse de m’inciter à ne pas penser mais à faire ce que je peux parce qu’il sait que je peux. Je retrouve petit à petit le plaisir du combat et me rapproche de mon niveau de 2009. Cela me donne beaucoup d’énergie pour les compétitions. » Amandine va faire du karting avec ses camarades de club avant de retourner passer le week-end chez sa maman. Le dossard de Yarden est finalement vendu 3 800 $ à un Israélien.

Dimanche 2 novembre. Grand Chelem d’Abou Dhabi, suite. Pendant qu’à Brugge le -73 kg cadet Matthias Casse remporte à 17 ans les championnats de Belgique senior, Toma colle un sode d’entrée sur le Koweitien Al-Busiri puis l’étrangle calmement. Il est ensuite battu au souffle et d’une pénalité par le médaillé mondial allemand Frey dont les kubi-nage à répétition auront favorablement inspiré les arbitres. Le Belge se rattrape en sortant l’autre médaillé de bronze de Chelyabinsk, l’Émirati Remarenco, sur un coup de patte opportun à trente secondes de la fin. Il termine exténué et cèdera ensuite d’un yuko en place de trois face à Cyrille Maret, incapable sur sa forme du jour de décrocher le terrible verrou col-manche de celui qui poussera Teddy Riner à passer la troisième en toute fin de combat une semaine plus tard en finale des championnats de France +100 kg . 5e place également pour Kayla. L’Américaine en était à 19 podiums consécutifs depuis… Abou Dhabi 2011. À sa décharge, sa contre-performance cette année-là (5e également) intervenait dans la semaine qui avait suivi le pic émotionnel qu’avait constitué la publication de sa confession dans les colonnes d’USA Today quant aux abus subis durant son adolescence [cf. EDJ44]. Rien de tel cette fois puisqu’après avoir contrôlé le triceps de Madeleine Malonga et l’avoir allongée sur o-uchi-gari en reprise de garde, elle se faisait battre coup sur coup par les grandes cannes de la Hongroise Joo (ippon sur uchi-mata ken-ken) puis sur un avant-arrière en confusion de la championne du monde 2013, la Nord-Coréenne Sol. « Je hais la défaite mais elle est mon carburant. Alors c’est retour au dojo et au travail ! » grommelle l’Américaine en sortant du tapis le cou nu. 7e place pour Islam en +100 kg. L’Egyptien s’impose d’abord aux pénalités face au Belge Harmegnies avant de se faire dominer à la garde, à l’initiative et à l’impact par le Roumain Simionescu – le même qu’Islam avait réduit en poudre deux mois plus tôt à Chelyabinsk -, avant de venir s’empaler sur le Néerlandais Meyer qui n’en demandait pas tant pour placer son 1,86 m en uchi-mata.

Mardi 4 novembre. Début du stage de Malaga. La World Judo Academy y est représentée par Antoine. Le Canadien est accompagné de ses coéquipiers Catherine Beauchemin-Pinard et Patrick Gagné. À Budapest, Hedvig lève le pied sur le judo et se consacre à ses cours à l’Université. Dans un coin de sa tête, le secret espoir que dans l’intervalle son coach parvienne à décrocher un financement pour qu’elle puisse aller s’entraîner au Japon en décembre. « Cela fait trop longtemps que je n’y suis plus allée. Je croise les doigts… »

Samedi 8 novembre. Au Brésil, Idalys remporte le Grand Prix national par équipes avec le Minas Gerais et ses coéquipières Erika Miranda, Kethlyn Quadros et Mariana Silva. C’est la troisième fois en neuf éditions que le club de Floriano Almeida s’impose et c’est un record. À Villebon-sur-Yvette, les France 1D démarrent sur fond de la publication d’un article du Parisien dénonçant une remise en cause de l’autorité du Comité de sélection par L’Union des clubs de judo de haut niveau, créée en mai dernier. Tiago ne pourra pas suivre l’événement en direct mais il est curieux de savoir ce que donneront les -90 kg. Yarden regarde quelques combats, Jacques aussi, en même temps que l’Open africain de l’île Maurice où il n’a pu se rendre cette année et où ses compatriotes obtiendront deux médailles de bronze. Son partenaire d’entraînement Marlon August, désormais engagé sous les couleurs du Mozambique, récoltera le bronze lui aussi. « J’aurais beaucoup aimé être là et pouvoir prendre le vainqueur, Nicholas Delpopolo » soupire l’un des-mieux-classé-à-la-ranking-parmi-ceux-qui-suivent-le-circuit-en-streaming.


Quand David Muria rencontre Ilias Iliadis ©Paco Lozano/L’Esprit du judo

Dimanche 9 novembre. Fin du stage de Malaga. Ilias Iliadis, qui vient d’essayer les nouveaux judogis réglementaires pour 2015 et aura eu l’impression « d’enfiler une veste de karaté »,  aura mis du baume au cœur de David Muria, un judoka de 24 ans atteint d’un cancer et venu de Gijon pour rencontrer son idole. Le triple champion du monde lui aura accordé bien plus qu’un autographe et un randori : il lui aura accordé du temps. Espagne toujours, Toma arrive à Lanzarote pour un stage de cohésion avec la future équipe olympique belge. Sa compatriote Charline Van Snick s’y déchirera la capsule du pied gauche en jouant au badminton… À Belo Horizonte, Tiago discute de son futur avec son directeur technique Ney Wilson Pereira pendant que ses coéquipiers s’imposent pour la septième fois au Grand Prix national par équipes. À Villebon-sur-Yvette, la 5e place inédite du +100 kg François Laudrin (JC Monaco) fait un malheureux : lui-même. « J’avais promis à ma femme que ce serait ma dernière compétition, avoue presqu’embêté le père de famille trentenaire, et me voici qualifié d’office pour l’édition 2015… » Amandine est acclamée par le public du stade aux côtés de trois autres médaillés de Chelyabinsk (Clarisse Agbegnenou, Emilie Andeol et Loïc Pietri). L’anneau qu’elle porte au cou ? « C’est celui que mon père avait offert à ma mère ».

Jeudi 13 novembre. En transit pour Sao Paulo où elle et Marti Malloy sont invitées par le père d’une coéquipière brésilienne pour une compétition par équipe et un stage, Kayla en profite pour debriefer en mode hors-sac sur les semaines précédentes, elle qui il y a un an et demi avait tenté un temps l’aventure des -70 kg pour aller y défier les meilleures, et notamment la Néerlandaise Polling. Abou Dhabi ? « La bonne nouvelle c’est qu’il n’y a rien que je ne puisse changer. Les Pedro estiment que je ne suis toujours pas à 100 % et qu’il me faut aller combattre partout où c’est possible. Je manque de partenaires d’entraînement ou de filles donc la compétition est mon entraînement. Je vais donc enchaîner le Brésil, la Corée, le Japon, partout ! »  Sa motivation ? Il y a longtemps qu’elle dépasse le cadre du judo. « Un jour lors d’un speech à l’Université, une fille est venue me voir. Elle m’a dit qu’elle était dépressive jusqu’alors et que mon discours venait de lui redonner l’espoir. Si mon parcours peut changer la vie de quelqu’un comme celui des Pedro a changé la mienne, alors c’est que je suis sur le bon chemin. »

Lundi 17 novembre. 24 heures après que Béatrice Valois-Fortier, la sœur d’Antoine, ait obtenu une médaille à l’Ocean cup de Wollongong en Australie, et alors qu’en France Radio-Vestiaires demande clarté, cohérence et transparence au Comité de sélection quant à ses choix pour la tournée asiatique, un mini-séisme secoue le microcosme. En cause, la publication par l’IJF d’une lettre interdisant aux judokas classés à la ranking de pratiquer en compétition tout sport de combat autre que le judo. Sollicité par l’EDJ en sa qualité de ceinture noire de ju-jitsu brésilien, l’Américain Travis Stevens pondère l’impact attendu : « Telle que je la lis, la lettre parle de « compétitions internationales », analyse le n°5 mondial des -81 kg. Or, aux Etats-Unis, nous entendons par compétition internationale une compétition où un athlète représentant un pays rencontre un autre athlète représentant un autre pays. Cela signifie que le ju-jitsu brésilien ne tombe pas sous le coup de la règle énoncée par l’IJF puisque dans cette discipline nous représentons des clubs et non des pays. J’entends toutefois clarifier rapidement ce que l’IJF entend précisément par « international » et « compétition »… » Une annonce qui suscite a minima l’étonnement des athlètes – pour un Yakub qui n’a même pas entendu parler de la nouvelle ou une Yarden que la décision laisse indifférente puisqu’elle ne fait « que du judo » – , ainsi que l’explique Jacques : « Je ne comprends pas trop où cette décision veut en venir. Je n’ai jamais envisagé ces autres disciplines sous l’angle de la compétition. En revanche j’aime m’entraîner avec eux car ils ont la caisse. Donc tant que l’IJF ne touche pas à la possibilité de s’entraîner avec eux, ça me va. Il n’en demeure pas moins que je pense que ce serait une belle publicité pour le judo si des judokas pouvaient aussi exceller dans d’autres sports… » Même hymne à la liberté du côté de Toma, apôtre du « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » si cher à Nicolas Boileau : « C’est bizarre comme règle. Le judo se professionnalise de plus en plus au niveau international et l’IJF veut garder ses champions et ses vedettes, avoir l’exclusivité à 100%. Maintenant je sais qu’il y a des pays comme la Bulgarie qui participent à des compètes en sambo pour des raisons financières. Champion d’Europe ou du monde rime avec primes. Le judo est une chose, la vie à côté en est une autre. Ça ne doit pas devenir une « secte ». Chacun sa vie, ses résultats, ses décisions. » Pour Tiago, enfin, l’a priori est avant tout sémantique : « Je n’aime pas le mot « interdiction ». Chacun doit être libre de choisir le chemin qui lui convient le mieux. Nous autres athlètes sommes conscients de ce qui est bon ou non pour notre carrière et de ce que le top niveau demande pour être atteint. Je ne pratique pas d’autres arts martiaux car le judo me prend 100 % de mon énergie, mais je ne pense pas qu’une telle interdiction soit bonne pour notre sport. Nous devons respecter les choix des autres athlètes. » Loin de cette ébullition, Amandine et la plupart des médaillés tricolores de Chelyabinsk se livrent à un concours de cuisine avec divers partenaires de la FFJDA, sous la houlette et dans les locaux du centre de formation Cuisine mode d’emploi(s) du chef Thierry Marx [cf. EDJ48].

Mardi 18 novembre. Trois jours après son sacre par équipes, Idalys et son coach Ronaldo Veitia – « Idalita y Rony » comme les appelle affectueusement l’épouse de Ronaldo – quittent le Brésil pour le Mexique, où ils retrouveront le reste de l’équipe nationale à l’occasion des XXIIe Jeux d’Amérique centrale et de la Caraïbe.

Mercredi 19 novembre. Revoilà Yakub ! Cinq mois et demi après sa blessure au genou [cf. EDJ51], le -66 kg réussit une compétition de haute volée au Guoxin Stadium de Quingdao. Cinq victoires en autant de combats, dont une réchappe miraculeuse en demie face au Japonais Rokugo, qui lui permet de briser le cycle de ses trois seules défaites en un an – contre l’Italien Bruno aux Europe -23 ans, le Français Larose à Paris et l’Arménien Varosyan à Samsun, des combats où le Tchétchène fut à chaque fois devant au score avant de lâcher quasiment sur le gong. Ferme sur les mains tout en étant léger sur ses appuis, l’enfant d’Argoune sort quelques coups de volant de grande facture pour repousser, en plus du Japonais, un Mongol, un Belge, un Chinois et un Allemand. « J’ai essayé de ne pas penser à tous ces combats perdus. Juste être dans l’instant. J’ai bien combattu, j’étais bien physiquement mais je dois encore travailler » résume le revenant.

Jeudi 20 novembre. Alors que le président de l’IJF se fend d’un communiqué apportant une explication de texte à la lettre publiée en début de semaine, au Canada l’entraîneur Nicolas Gill devient papa d’un petit Thomas. À Qingdao, Yarden se montre impitoyable en demies avec l’Autrichienne Drexler. Yuko sur sode à droite d’entrée, waza sur uchi-mata à droite, ippon sur seoi à gauche, et entre les trois une pression de tous les instants au sol. Elle gagne d’un yuko sur uchi-mata en finale sur l’autre Autrichienne Unterwurzacher. La sono du stade peut bien faire retentir l’hymne Strong Enough de Cher. Il est appropriéYakub, lui, est déjà rentré en Tchétchénie.


Yarden Gerbi a été désignée cet automne comme l’une des 50 femmes les plus influentes en Israël
© DR/L’Esprit du judo

Samedi 22 novembre. A Vera Cruz, Idalys et ses tresses tricolores remportent le seul or officiel qu’elle n’avait pas encore gagné, tandis que son compatriote le +100 kg Oscar Brayson laisse à 29 ans planer le doute quant à sa volonté de poursuivre sa carrière. Pour l’équipe féminine cubaine, le bilan est de huit médailles d’or et une d’argent.

Dimanche 23 novembre. Étalés sur deux jours, les championnats de Belgique par équipe voient Toma remporter ses quatre combats et son club de Schaerbeek terminer en bronze comme l’an passé. Un étranglement en 10 secondes, un ura-nage en à peine moins de temps, un uchi-mata en 40 secondes et 4 shidos pour écarter un adversaire de 170 kg. « J’avais besoin de faire des combats » commente placidement l’intéressé, pas mécontent d’arriver intact pour cette tournée asiatique qu’il avait manquée l’an dernier du fait de ses obligations militaires. En Egypte, Islam a la douleur de perdre son entraîneur de club. « C’était mon professeur depuis que j’avais 9 ou 10 ans. Il était comme mon second père, toujours à me conseiller et à veiller sur moi… »

Lundi 24 novembre. 25 ans de Jacques qui, à la question « que faut-il te souhaiter pour cette nouvelle année ? » répond en toute franchise « du budget pour la concrétiser ». Départ d’Amandine et de Yarden pour la Corée. L’Israélienne ne combattra finalement pas, ainsi que l’a décidé son entraîneur Shany Hershko après ses deux jours de stage en Chine.

Mardi 25 novembre. Au tour de Toma et de Kayla de s’envoler pour la Corée.

Mercredi 26 novembre. Jim Pedro Sr, le coach de Kayla, est contraint de quitter la Corée à peine arrivé pour rentrer au chevet de sa maman de 91 ans. « C’est terrible car le vol aller de la veille avait déjà été un calvaire pour lui qui venait de se faire opérer du genou… » déplore Kayla. De son côté, l’ancien médaillé européen britannique Densign White est officiellement promu CEO de la Fédération internationale de MMA.

Jeudi 27 novembre. Un mois après son titre mondial junior, Amandine est de retour en senior dans sa catégorie des -48 kg. Coachée par Larbi Benboudaoud, elle s’impose à Jeju. La Française sort le menu Buchardises à Qiu de Taipei, puis manque de se faire surprendre sur seoi inversé à une main en reprise de garde par la Coréenne Jeong, qui pratique un étonnant judo en miroir. Elle règle la question d’un kata enroulé comptabilisé waza-ari qu’elle pousse sur cinq mètres malgré deux sorties de tapis pour saignement de nez. Un sode à genoux à gauche sur l’Israélienne Rishony, puis deux enroulés en finale sur l’une de ses souffre-douleurs de 2014, l’Ukrainienne Cherniak, et voici la double championne de France prête à se faire inviter plus souvent qu’à son tour lors des prochains stages qui arrivent. Sur le tapis d’à côté, la vice-championne du monde des -52 kg Andreea Chitu vit un imbroglio. D’abord annoncée vainqueur de sa demie suite à la sortie sur blessure au coude de l’ancienne championne du monde Yuka Nishida, la Roumaine est ensuite rappelée et… disqualifiée pour la suite de la compétition, au motif que son waki-gatame était apparu dangereux après visionnage. « Même s’il n’y a pas eu de volonté de blesser l’autre, en attendant l’action était dangereuse » justifie Nicolas Messner, le directeur média de l’IJF, déjà témoin d’une action similaire plus tôt dans le tournoi et sanctionnée à l’identique. Conséquence de la décision : une finale sans Nishida (blessée) et une place de trois sans Chitu (disqualifiée). Du pain bénit pour la Russe Kuziutina et la Mauricienne Legentil, leurs adversaires attendues lors de ces combats décisifs.

Vendredi 28 novembreYarden profite de son programme allégé du jour pour aller se promener sur l’île de Jeju.

Samedi 29 novembre. Médaille de bronze pour Toma à Jeju. La flèche wallone échappe à un étranglement du Britannique Fletcher avant de le contrer puis de le terminer sur le même étranglement. Un ippon-ko opportuniste face au Coréen Won lui permet ensuite de filer en demies où l’attend un autre culbuto venu du pays du matin calme, l’ancien +100 kg Guham Cho. Une tentative de contre mal contrôlée de Toma vaut au novice de la catégorie de passer en finale – où il s’imposera au Mongol Naidan, avant de doubler la mise huit jours plus tard au Grand chelem de Tokyo en enchaînant notamment et excusez du peu Sayidov, Reyes, Grol et Maret ! Pour Toma, la satisfaction sera d’avoir su se remobiliser pour aller chercher le bronze face à son tombeur des championnats du monde juniors 2013, le Canadien Kyle Reyes. Deux yuko sur tani-otoshi et sode et une intransigeance sur le bras gauche du Canadien, et le voici récompensé du seul métal international qui lui manquait en 2014 après l’argent de Tachkent et les ors de Prague, Madrid et La Havane. De son côté, coach ou pas coach, Kayla poursuit sa minutieuse reconquête d’elle-même. Surprise d’un yuko par la revenante allemande Kerstin Thiele, elle réagit en plaçant un osae-komi opportuniste dans la dernière minute. Plus appliquée au tour d’après contre la Coréenne Choi, elle la cueille en 18 secondes sur un de-ashi-barai sec en pleine bataille de garde. Battue d’un yuko sur contre en demie par Audrey Tcheuméo, elle s’impose sur un o-uchi en poussant lors de la place de trois sur l’Ukrainienne Moskalyuk. « Les nouvelles règles, c’est simple : tu marques et tu tiens » commente-t-elle à chaud. Au même moment en Italie, Marco Maddaloni réalise une quasi « Sergei Aschwanden », du nom du médaillé olympique suisse qui remporta jadis son titre national quatre ans de suite dans quatre catégories de poids successives. En s’imposant en -81 kg à Asti, le trentenaire napolitain complète un palmarès national débuté en 2002 en -66 kg et complété en 2005 et 2006 en -73 kg.

Dimanche 30 novembre. Au stage international qui suit le Grand Prix de Jeju, Kayla – « dont les doigts brûlent trop pour écrire des textos à cause des kumi-katas » – se frotte à Clarisse Agbegnenou. Même si deux catégories de poids les séparent, l’Américaine se fend quand même d’un SMS pour raconter l’expérience ! De son côté Yarden est déjà arrivée au Japon. Pour le judo ? « Et le shopping » précise en riant l’Israélienne. Au Canada, les anglophones font un souper de Thanksgiving, c’est-à-dire « dinde, patates et salade au menu » dixit Antoine. A Sotchi, Yakub checke son sac. Demain débute un nouveau stage.

Mercredi 3 décembre. À Sao Paulo, Tiago poursuit la remise à plat de son judo : « Renforcement du haut, physio, peu de randoris, davantage de technique et de travail sur les postures… » Après une escale à Shangaï, Amandine arrive à Tokyo, six ans et deux jours après la disparition de son père. A Vénissieux dans le Rhône, le chaleureux dojo qui porte désormais son nom se souvient des 17 ans de la disparition de Jean-Marc Gueneley, ce -90 kg prometteur dont la tête avait heurté un banc en s’opposant à une tentative de racket à la sortie du métro. Il aurait eu 35 ans cette année. Salut Jean-Marc.

Jeudi 4 décembre. Tirage au sort du Grand Chelem de Tokyo et avis de gros temps sur les Pays-Bas. Polling-Emane en -70 kg et Elmont-Ono en -73 kg, il faudra se lever du bon pied le samedi matin. Antoine, lui, voit passer Loïc Pietri dans les couloirs de l’hôtel et s’étonne donc « de ne pas le voir inscrit sur le tournoi ». Selon un proche, le Français aurait choisi de privilégier l’entrainement à cette période de la saison… A 20 h 19, l’EDJ divulgue dans sa newsletter hebdomadaire la couv’ du numéro 53, à paraître dans une semaine. À 20 h 41, le médaillé des derniers championnats de France en -100 kg Massamba M’Baye se fend du premier d’une série de SMS amusés pour commenter les conséquences de cette couv’. Puisque c’est son visage qui apparaît, alors son coéquipier et ami Maxime Clément ne va pas le rater (cf. ci-dessous).


Le jeu des 7 erreurs made in Franche-Comté – Une couverture qui habille pour l’hiver
© Maxime Clément/L’Esprit du judo

Vendredi 5 décembre. Un an après la disparition de Nelson Mandela, c’est au tour de Sa Majesté la reine Fabiola de s’éteindre, en Belgique.  À Tokyo, Yarden s’entraîne à l’aube entre 7 h et 9 h avec les juniors japonaises avant de prendre place en tribunes pour assister au Grand Chelem qui débute. Les légers nippons font un festival au sol et le -60 kg Hifume Abe devient le premier cadet masculin de l’Histoire à gagner un Grand Chelem, pendant que Naohisa Takato, le leader de la catégorie, pouponne et médite sur les conséquences de ses retards répétés à l’entraînementToma, lui, a le plaisir d’être rejoint sur ce stage du bout du monde par sa petite amie Nica.

Samedi 6 décembre. Pendant que la journée du Téléthon est prétexte à de nombreux évènements liés au judo aux quatre coins de l’Hexagone, les chocs attendus à Tokyo ont tenu leur promesse, sous les yeux en streaming de glorieux absents comme HedvigJacques ou Tiago. Shohei Ono doit attendre les quinze dernières secondes pour immobiliser Dex Elmont et Gévrise Emane le golden score pour enrouler Kim Polling. La cougar des –70 kg poursuivra sa route jusqu’au titre et le prodige nippon ne cèdera qu’en finale face à son aîné Akimoto. La Levalloisienne confiera ensuite : « Lorsque j’ai vu que Kim Polling et les deux finalistes de Chelyabinsk Alvear et Nun Ira étaient dans mon quart de tableau j’ai dit « elles sont toutes là, c’est top ! » Il me fallait d’abord battre la Canadienne Burgess qui avait été dangereuse en Corée la semaine avant. Puis, comme je n’avais jamais pris Polling, je me suis concentrée sur le kumi-kata et ensuite sur la mobilité. Je la pensais plus statique façon Vargas-Koch, et en fait non… Je suis contente de l’avoir fait tomber au golden score. Je n’avais plus d’avant-bras mais je me suis dit qu’il n’était pas question de s’arrêter là après avoir battue la n°1 ! Je me suis donc mis en mode automatique et ça a payé… » De son côté Antoine termine sa longue saison en queue de poisson : l’homme aux huit podiums internationaux en 2014 – dont une finale mondiale – sort le Moldave Duminica puis se fait étrangler par l’Allemand Wieczerzak. C’est depuis les tribunes qu’il observera la confirmation de l’éclosion du Japonais Takanori Nagase. Vainqueur il y a un an du même tournoi en sortant Avtandil Tchrikishvili et Loïc Pietri – lesquels prendront tous les deux difficilement leur revanche en individuel à Chelyabinsk, avant que le Japonais ne batte à nouveau le Géorgien par équipes -, il double la mise à Tokyo en sortant notamment coup sur coup le Russe Nifontov, le Coréen Kim et à nouveau le n°1 mondial géorgien, dont il est en passe de devenir le cauchemar souriant. Soit cette année, en l’absence du Français Pietri, ni plus ni moins que tous les champions du monde et olympique depuis 2009.

Dimanche 7 décembre. Même si les Coréens finissent en trombe en cette troisième journée tokyoïte avec l’or en -90 kg et en -100 kg, c’est peut-être le Japonais Mashu Baker qui effectue l’un des combats de l’année en repêchage des -90 kg sur le n°1 mondial Liparteliani, sous les yeux de Toma qui soigne une douleur à l’épaule avant de lâcher les chevaux au stage. Un yuko sur le gong pour revenir à égalité et un juji victorieux après 3’10 de golden score et d’attaques en tous sens, voilà de quoi repartir le katana entre les dents en 2015 pour l’un des héros de l’improbable remontée nippone en finale des championnats du monde par équipe en août dernier à Chelyabinsk – menés 2-0 par la Russie après les défaites surprise des atouts maîtres Ebinuma et Ono, les combattants de Kosei Inoue l’avaient finalement emporté grâce à Nagase, Baker et Shishinohe. Face à une équipe russe bis, certes, mais à Chelyabinsk et sous les yeux du Président Poutine tout de même… Des considérations martiales qui ne font pas sourciller Kayla. Sankaku d’entrée sur la gigantesque Slovène Apotekar, puis tout le tableau à la Japonaise Ogata pour leurs retrouvailles après près de trois ans : bataille de hanches et gros o-goshi à la volée pour un waza-ari ramené yuko, avant une petite frayeur au sol puisqu’elle ne devra sa survie qu’au contrôle massif de ses jambes. Elle termine par un nouveau waza-ari sur o-goshi enchaîné en immobilisation sur le gong. Nouvelle leçon d’efficacité au sol en demies face à une autre Japonaise, Shori Hamada, après une séquence ne-waza débutée en Uke et terminée en Tori presque comme si de rien n’était. En finale, c’est au tour de Ruika Sato de subir un waza-ari d’entrée sur harai-maki-komi et de courir en vain après pendant 3’30. « En fait t’as gagné les championnats du Japon », résumera une coéquipière de l’Américaine… Plus Ugo Legrand que jamais dans le distingo qu’elle opère de plus en plus clairement entre tournois et grands championnats, Idalys se classe 5e. Elle cède aux pénalités sur les Japonaises Inami et Tachimoto mais se rappelle au bon souvenir des photographes en envoyant dans les cintres l’Allemande Konitz sur un seoi debout lancé quasiment en marchant. En Hongrie, Hedvig et son club remportent le championnat national par équipes.

Lundi 8 décembre. 22 000 $ pour Maljinda Kelmendi et 18 500 $ pour Avtandil Tchrikishvili. Ces chiffres ont été publiés la veille par le site Judo Inside. Ils représentent les gains accumulés en 2014 sur le circuit IJF par les deux judokas les mieux récompensés cette année. Ils font doucement rigoler Ronda Rousey. L’ancienne médaillée olympique et mondiale américaine, passée depuis avec succès au MMA, avait déjà sorti l’AK47 sur les réseaux sociaux le 17 novembre dernier à la suite de la publication de la lettre de l’IJF interdisant aux judokas classés à la ranking de participer à des compétitions autres que celles de judo. Cette fois, elle dégaine l’ironie cinglante : « Donc vous dîtes que les meilleurs judokas du circuit ont gagné l’équivalent du SMIC en 2014 ? Et ils s’étonnent que les judokas veulent aller combattre en ju-jitsu brésilien ? » Comme souvent chez les natifs de ce côté-là de l’Atlantique, l’apostrophe est cash dans la forme mais loin d’être dépourvue de bon sens sur le fond. Islam, lui, est présent au stage de Tokyo. Cela lui fait momentanément oublier ses soucis… même s’il casse l’écran de son téléphone.

Mardi 9 décembre. L’équipe du Kosovo sera autorisée à combattre sous ses propres couleurs aux Jeux de 2016. La nouvelle est tombée à l’occasion du congrès du Comité international olympique à Monaco. « Maljinda Kelmendi sera notre porte-drapeau à Rio » se réjouit d’avance Hashim Thaci, Premier ministre du 205e Etat à être reconnu pour le CIO. Coéquipière de la n°1 mondiale des -52 kg au sein du Galatasaray Istanbul, Yarden se prépare à rentrer en Israël le lendemain. Un programme copieux l’attend.

Jeudi 11 décembre. Retour du Japon pour Amandine qui ne pourra se rendre aux Étoiles du sport ni au stage de neige… sans neige organisé dans le Jura pour le groupe féminin français. « Je dois me reposer afin d’être prête pour Samara » explique la jeune sage. Noël approchant, l’IJF récompense chaque n°1 à la ranking d’une prime de 10 000 dollars. Cette prime s’élève à 50 000 dollars pour la Kosovare Kelmendi et le Géorgien Tchirikishvili, chacun ayant cumulé le plus de points chez les féminines et les masculins. Enfin une prime de 40 000 dollars est remise à Teddy Riner et Ilias Iliadis pour l’ensemble de leur carrière et leur contribution à la diffusion du judo.

Dimanche 15 décembre. Au Brésil, Tiago se rend à Bastos pour visiter sa famille et faire un coucou à l’académie où il a commencé le judo. En Israël, Yarden est élue athlète de l’année pour la seconde année d’affilée, et son inséparable Shany Hershko conserve son titre d’entraîneur de l’année. Le même jour, son ancienne rivale Alice Schlesinger s’impose aux championnats de Grande-Bretagne sous sa nouvelle nationalité. L’épilogue d’une longue errance entamée après les JO de Londres qu’elle avait disputé ? « Cela ne m’affecte pas » commente sobrement Yarden. À Cuba, Idalys est élue pour la troisième année de rang athlète cubaine de l’année.

Mercredi 17 décembre. Pendant que Mansur Isaev et Tagir Khaybulaev s’envolent pour l’Allemagne pour faire soigner leurs bobos respectifs – le ménisque pour le -73 kg et le dos pour le -100 kg -, Amandine et Toma rentrent du Japon. De son côté, Ronaldo Veitia fait paraître une tribune dans la presse cubaine pour commenter le réchauffement des relations diplomatiques entre Cuba et les Etats-Unis : « Être cubain n’est pas une obligation. C’est une bénédiction » écrit en exergue l’entraîneur d’Idalys.

Jeudi 18 décembre. Pour la septième fois Yarden gagne le championnat national devant 2 000 spectateurs en transe. Quatre combats avec des filles qui mettent les vérins, quatre victoires et un final podium-interviews-autographes-selfies avalé sur les coups de 20 h avant de courir à l’aéroport avec son coach pour attraper le vol de nuit pour Moscou puis Samara ! « Nous sommes arrivés à 13 h le vendredi, j’ai fait un footing de 10 minutes pour être au poids et ensuite direction la pesée ! » Un rendez-vous de Golden League que sera contraint de sécher le champion du monde des -100 kg Lukas Krpalek. « Je me suis blessé lors d’un entraînement au Japon et dois subir une arthroscopie au ménisque demain. »


Tiago Camilo (3e en partant de la gauche) a refait le plein de bonnes vibrations en novembre à Belo Horizonte
© DR/L’Esprit du judo

Samedi 20 décembre. À Bruxelles, Toma va s’entraîner alors qu’il n’y est pas obligé avant d’arpenter les rues marchandes de la ville avec Nica et son vieux compère Aymerick « Zdedededex » Glowacki puis de jeter un œil aux compétitions européennes du week-end avec une préférence pour les Pays-Bas au plateau « plus intéressant ».  Sur place justement : à Hoofddorp, Hedvig s’impose avec ses copines du club allemand du JSV Speyer de Nadine Lautenschläger. « J’y combats depuis quelques années car c’est Ferenc Nemeth, un ancien entraîneur hongrois qui dirige l’équipe, qui m’avait sollicité il y a trois ans. J’y combats peu car le calendrier est rarement compatible avec mon programme personnel. L’objectif reste tout de même Rio ! » confirme celle que son coach aura encouragé à s’aligner en -63 kg pour s’éviter un régime. Chez les hommes la victoire revient aux Géorgiens de Tbilissi face aux locaux du Kenamju, où Dex Elmont n’eut pas son rendement habituel et pour cause – « sa grand-mère est décédée la veille » expliquera son entraîneur Maarten Arens. A Samara, Amandine s’aligne sans complexe en -52 kg avec ses copines du RSC Champigny. Opposée au Galatasaray d’Istanbul, elle espérait prendre la double championne du monde Kelmendi mais celle-ci sera tactiquement décalée en -57 kg – où elle viendra à bout de Lola Bennarroche au golden score. Pas bégueule, Amandine prend ce qui vient et colle tout de même un pion sur o-soto-gari à la Turque Sahin, médaillée européenne 2013. A l’arrivée ce sont les Turques qui passent 3-2 avec une victoire cruciale de Yarden sur Alexia Caillon, qui eut le toupet de la mener d’un yuko avant d’en prendre deux à son tour, un waza-ari et trois shidos… Amandine bat ensuite la Russe Lotfullina sur sode et harai avant de s’incliner d’un shido sur la n°1 russe Kuziutina. « Il me manque encore un peu d’agressivité » poursuit la perfectionniste. De son côté Yarden ira au bout après avoir stratégiquement été remplacée en demies par la Britannique Sally Conway face à Pontault-Combault alors qu’elle aurait « aimé reprendre Anne-Laure Bellard », puis mettra un waza-ari et trois shidos à l’Italienne Edwige Gwend en finale. « Je combats avec cette équipe depuis trois ans, commente celle qui vient de remporter 20 de ses 21 derniers combats alors que beaucoup l’avaient enterrée en juillet. Il y a vraiment une bonne entente entre nous toutes et surtout notre coach a la délicatesse de ne pas mélanger le sport et la politique. » Kayla, elle, roucoule en Angleterre avec son petit ami pour un stage qu’elle anime puis pour une soirée déguisée. « Nous avons joué à Sandy et Danny du film Grease, c’était trop bon… »

Dimanche 21 décembre. « Winter is coming… » comme le répètent à l’envi les personnages d’une saga qui sert de sous-titre au présent article. Amandine rentre à Champigny quelques heures avant de s’en aller retrouver sa mère et sa sœur pour les fêtes. Hedvig digère les agapes de la victoire de la veille et Idalys, qui n’a pas remporté de tournoi « autres » que des championnats officiels depuis la World Cup de Miami en mai 2012, boucle mine de rien sa troisième année d’affilée au premier rang mondial des +78 kg. À Montreal, Antoine vient de clore son semestre universitaire. Il a pris un verre avec les copains « pour souligner la fin de l’année », avant que chacun ne rentre dans sa famille aux quatre coins de l’immense pays. « Pour moi ce sera demain » se réjouit le n°2 mondial des -81 kg. Plus au sud, Tiago s’entraîne encore jusqu’à mercredi avant de passer les fêtes dans la famille de son épouse. En Tchétchénie, Yakub se console de n’avoir pu suivre le sacre de ses amis russes la veille à Samara faute de connexion Internet. Il accompagne son neveu à une compétition minime où le minot « se classe 3e ! » Yarden, à nouveau élue athlète israélienne de l’année tout comme Shany Hershko dans la catégorie entraîneur, se voit généreusement accorder par ce dernier « huit jours de repos avant de repartir sur Mittersill, le Brésil et Düsseldorf. » À Bruxelles, Toma fait un saut au bar où travaille sa copine avant de rentrer préparer l’anniversaire de sa maman « dont le meilleur ami vient de décéder ». Plus au sud, à George en Afrique du Sud, Jacques passe le week-end dans la famille de sa petite amie. « Un braai, du golf et des bons moments en attendant de remettre les bouchées doubles en judo à la rentrée ! » Au Caire Islam consent à lâcher le morceau quant à l’accident de voiture dans lequel a été impliqué son frère sur lequel il restait évasif depuis plusieurs semaines. « Mon frère a tué un piéton avec sa voiture. Il venait me récupérer à l’aéroport. La personne était au milieu de la chaussée. Il n’est pas incarcéré mais j’essaie de résoudre le problème avec la famille du défunt. Si la famille nous pardonne alors nous pourrons avancer, Inch’Allah… » Avant-dernier entraînement avant la coupure de Noël pour Kayla, qui remettra le kim quelques jours avant le réveillon du jour de l’An qu’elle compte fêter dans l’Ohio. Comme elle l’écrivait le 7 octobre dernier lors de sa reprise post-Chelyabinsk : « J’ai repris l’entraînement à fond et je me régale. Je trouve le judo de plus en plus ludique. Peut-être parce que je sais que la fin est proche et que j’ai peur que tout cela me manque lorsque ce sera terminé. »

 

La suite est à lire dans L’Esprit du judo n°53 actuellement en kiosque… et dans les numéros suivants.