Quelques réflexions en complément de l’article paru dans le magazine
Vincent Thébault, c’est ce Français, fou du Japon, que vous retrouvez dans notre chronique « Le Judo et moi » paru dans notre dernier magazine (le n°64).
En complément du portrait consacré à ce responsable de haut-niveau dans le monde bancaire (et nouveau 5e dan) voici quelques réflexions qu’il nous a livré sur la place du judo dans sa vie professionnelle et familiale ainsi que sur sa vision de la transmission de notre art martial.
La gestion du stress
« Dans mon métier de salles des marchés, on subit des doses de stress monstrueuses.
Or, l’avantage du judo c’est que sur un tapis on fait le vide! La famille, le travail.
Tout ce qui peut créer du stress, tu le laisses au vestiaire. La phase de « mokuso » (méditation en japonais), c’est une phase de transition entre le monde extérieur et la pratique.
L’autre avantage du judo, c’est que c’est un art martial avec du corps-à-corps, ce qui entraîne une grosse débauche d’énergie et permet donc d’évacuer son stress.
Avec l’expérience et le recul, je me suis rendu compte que si il n’y avait pas un catalyseur aux doses de stress liées à ma vie professionnelle, cela peut poser de gros problèmes.
La France, fille aînée du judo
« Il y a un vrai étonnement des Japonais que je connais quand ils viennent en France. Un petit côté « bizarre ». Souvent, la question qu’ils me posent est la suivante : « comment ça se fait qu’il y a autant de pratiquants de judo en France ? »
Je leur explique alors que le judo, inspiré du bushido (la voie du guerrier, du code d’éthique samouraï) trouve une certaine résonance avec l’image de la chevalerie et qu’en France, comme au Japon, le judo a été introduit par les élites.
Une anecdote toute récente : je suis venu faire le marathon du Médoc et j’étais accompagné par des amis japonais. Ils étaient sidérés de voir le nombre de dojos dans la région et le portrait de Kano accroché dans ces derniers ! Ça impose un certain respect.
D’autant plus quand on leur explique que les parents inscrivent leurs enfants au judo plus pour son image « méthode d’éducation » que comme un sport. »
Le partage d’une passion familiale
« Mes enfants ont commencé le judo au Kodokan. Ils étaient dans la même classe que Mashu Baker, Aaron Wolf et Sara Asahina.
Et quand on voit le parcours de Baker, c’est juste incroyable. Il faut d’ailleurs louer le travail effectué par Mikihiro Mukai, le responsable de la section jeune du Kodokan.
Mais au-delà, j’ai trouvé génial de pouvoir partager une passion avec eux. Le judo leur a beaucoup apporté, notamment pour leur développement corporel.
Ma fille est devenue ceinture noire au Japon et quelque part ce fut un soulagement pour moi, elle devenait une « adulte ». D’ailleurs, elle est revenue en France, car elle est étudiante à HEC où elle continue le judo !
Quant à mon fils, il a changé de sport mais est devenu un sportif de haut-niveau. »
La qualité de l’enseignement
« Au Japon, les parents sont prêts à faire des kilomètres et des sacrifices financiers quand ils jugent que l’enseignement délivré à leur enfant est de qualité. On se déplace naturellement loin pour recevoir l’enseignement d’un bon Maitre.
On voit ça avec le Kodokan ou le Asahi Dojo.
Et à l’inverse, certains professeurs font eux aussi de gros efforts pour enseigner à des élèves qu’ils estiment curieux et travailleurs.
Une anecdote : Matsumura Sensei, lors du kangeiko (entraînement d’hiver) faisait trois heures de transport en commun dont 40 minutes de vélo (!), à 91 ans, pour venir dispenser son savoir en ne-waza, au Kodokan à partir de 5h30 du matin ! »
Le devoir de transmission est aussi une étape importante dans l’évolution d’un gradé. On progresse encore plus en enseignant aux moins gradés. La qualité de cette transmission est aussi la clef du futur de la discipline. Il y a toujours des trésors de connaissances a découvrir en travaillant avec les vieux maitres; et c’est toujours enrichissant, au moins humainement, de s’occuper des plus jeunes. Ils seront le Dojo de demain.