Le coup parfait n’est pas passé loin. Sélectionnée pour ces premiers championnats continentaux seniors, Léa Fontaine, 19 ans et junior 3e année a bien failli réaliser un coup de maître ! Si elle termine finalement en argent dans sa catégorie des +78kg, la superbe journée de la judokate génofévaine donne d’ores et déjà envie de la revoir très rapidement sur le circuit mondial. Un dimanche où la France monte deux autres fois sur le podium grâce à Fanny-Estelle Posvite, époustouflante de supériorité mais commettant une « boulette » en 1/4 de finale face à Beata Pacut qui lui coûte sans doute un titre continental. Mais aussi grâce aussi à Alexandre Iddir, transformé depuis sa dernière prestation à Tashkent. Très entreprenant, varié, gestionnaire, le gaucher marseillais s’offre un bronze totalement mérité. Une ultime journée lisboète qui a, comme depuis vendredi, plus que jamais joué les juges de paix entre judokas d’une même nation et rêvant d’un ticket olympique. Et dont sortent vainqueur, ce dimanche, Henk Grol, Lasha Bekauri ou Guusje Steenhuis.

Fontaine sans aucun complexe

Léa Fontaine, vice-championne d’Europe 2021 chez les seniors.
Crédit photo : Carlos Ferreira (UEJ)

En battant d’entrée Irina Kindzerska, n°2 mondiale, on se disait que Léa Fontaine s’ouvrait une voie royale pour réaliser un sacré exploit malgré son inexpérience à ce niveau. Un fait d’arme qui prenait toujours plus de consistance puisque la double championne d’Europe juniors (2019 et 2020) traçait son sillon avec une vraie autorité, profitant parfaitement des erreurs adverses pour retrouver en finale la Turque Kayra Sayit (aka Ketty Mathé), n°5 mondiale et 3e au Masters en janvier.
Une marche turque encore trop haute – pour l’instant – pour la jeune Tricolore. Plus rapide et précise au kumikata, Sayit contrôlait parfaitement la manche droite de Fontaine, qui se faisait sanctionner deux fois pour passivité. Et sur une action similaire, la Turque passait dans le dos de la Française pour la dérouler sur le dos. Reste que la judokate de Sainte Gen’ réalise une prestation bluffante et très prometteuse. Du genre, sans doute, à lui ouvrir les portes d’une sélection mondiale pour Tokyo.
Dans la même catégorie, Anne-Fatoumata M’Bairo conclue sa journée à la septième place, battue par Kayra Sayit et l’Ukrainienne Yelyzaveta Kalanina en repêchages.

Dans la catégorie inférieure, Fanny-Estelle Posvite aura sans doute de gros regrets. Parce que c’était sa dernière participation à une compétition avant de long mois, elle qui n’a pas été sélectionnée sur les Monde en juin (ni même d’ailleurs en tant que remplaçante olympique). Parce qu’aussi, l’erreur commise contre Beata Pacut (qu’elle avait battu une fois en 2019), avec un o-uchi-gari lancé de trop loin, lui coûte de n’aller chercher qu’une médaille de bronze. Rageant, alors que ses prestations les mois précédents (huit médailles sur neuf sorties) et son entrée en matière de patronne, où elle place un juji-gatame dans les premières secondes et en toute décontraction à la Russe Antonina Schmeleva augurait d’un dimanche possiblement gagnant. Pour le bronze, Posvite expédiera la pauvre Kosovare Loriana Kuka en mois de quarante cinq secondes.
Et Audrey Tcheuméo ? Très mobile et sur l’initiative, l’Orléanaise bute en demi-finale également sur Pacut, perdant sur un arbitrage sévère avec une dernière pénalité douteuse. Pour le bronze, la défaite est en revanche indiscutable contre l’Autrichienne Bernadette Graf, qui place un o-uchi-gari bien senti sur lequel la vice-championne olympique de Rio ne peut que constater les dégâts. Nouvelle cinquième place après le Grand Chelem de Tel-Aviv pour la double médaillée olympique.
Une catégorie des -78kg où la France va sans doute finir l’olympiade avec donc trois judokates dans les dix premières mondiales. «Un problème de riches» comme aime le répéter le responsable de la haute performance, Larbi Benboudaoud.

Iddir retrouve son modjo

Alexandre Iddir, désormais double médaillé européen.
Crédit photo : Gabriela Sabau (FIJ)

Nettement plus entreprenant qu’en Ouzbékistan ou au Masters, Alexandre Iddir s’offre aujourd’hui sa seconde médaille européenne, après le bronze de Montpellier en 2014 (et en -90kg). Transformé, le styliste marseillais est la grande satisfaction masculine du jour. Jamais attentiste, lucide sur la gestion de ses combats, varié techniquement avec un ko-uchi-gari à l’arrêt qui est un vrai régal pour les puristes, le judoka du FLAM 91 rend impuissant le jeune et très prometteur -100kg géorgien Ilia Sulamanidze (double champion d’Europe juniors 2019 et 2020, 3e Tel-Aviv et 2e à Tbilissi), constamment en retard sur le Français lors du combat pour le bronze. Avec un o-soto-gari au golden score, Iddir conclue ses sixièmes championnats d’Europe au niveau auquel on attend constamment, au vu de ses qualités, ce très spectaculaire judoka.
L’autre -100kg engagé, Cyrille Maret, réalise également une intéressante performance, lui qui a connu un grave accident de la circulation il y a seulement six mois. Bien rentré dans sa journée, le Bourguignon médaillé olympique à Rio, au deuxième tour, place rapidement ses mains sur l’Israélien Peter Paltchik, n°2 mondial, tombé brièvement dans les pommes sur étranglement sans que l’arbitre du centre ne le voit. Heureusement la table n’a rien manqué du koshi-jime du Français.
Alors certes, Toma Nikiforov (futur champion d’Europe) puis Zelym Kotsoiev (troisième) auront eu raison de l’envie de Maret, finalement septième. Mais la montée en puissance, le retour des sensations est évident. Le staff continuera-t-il à sortir les deux amis jusqu’aux championnats du monde ? La médaille d’Iddir scelle-t-elle la sélection olympique ? Réponse sans doute dans les prochains jours.
Le troisième masculin du jour, le jeune Alexis Mathieu, 21 ans et 3e des championnats d’Europe -23 ans 2020, avait tiré le gros lot au tirage, affrontant dès le premier combat le Géorgien Lasha Bekauri, encore plus jeune que lui (20 ans) mais vainqueur du Grand Chelem de Tel-Aviv et 3e au Masters 2021. Un monstre de puissance (et de sympathie) qui ne laissait aucune chance au judoka de Sucy Judo.

Bekauri, plus fort que Gviniashvili

Lasha Bekauri, avec cette victoire contientale, s’offre le ticket géorgien pour Tokyo en -90kg.
Crédit photo : Carlos Ferreira (UEJ)

Bekauri justement. Un garçon dont nous vous parlons depuis quelques années et dont la montée en puissance semble inarrêtable. Double champion du monde juniors (2018 et 2019), vainqueur du Masters 2020, ce garçon au sourire accroché aux lèvres en dehors du tatami aura été fidèle à son ADN : engagement incroyable, agilité, opportunisme. En course pour le ticket olympique en -90kg avec Beka Gviniashvili, les deux monstres Géorgiens se retrouvaient d’ailleurs en finale. Une configuration rêvée ! Maître du jeu, Lasha Bekauri se montre le plus dynamique et l’emporte logiquement. Tout en self-contrôle face à son compatriote dans les secondes qui suivent cette victoire, le nouveau champion d’Europe sera un candidat particulièrement redoutable pour le titre olympique fin juillet.

Assez décevante jusque-là, la Russie glâne son unique titre en +100kg grâce à Inal Tasoev, auteur en finale d’une souplesse arrière fulgurante contre le Hollandais Henk Grol. Numéro 3 mondial, rien ne dit encore qu’il sera pourtant le titulaire russe tant Tamerlan Bashaev collectionne aussi les performances (champion d’Europe 2020 contre Tasoev justement, vainqueur à Antalya). Un dilemme cornélien s’offre donc aux sélectionneurs du pays des Tsars, qui auront aussi à choisir, en -100kg, entre Nyaz Ilyasov (cinquième ce dimanche) et Arman Adamian (3e à Antalya). Mikhail Igolnokov, magnifique champion continental en fin d’année dernière chez les -90kg termine troisième cet après-midi, battu en demi-finale par un sublime ko-uchi-gari de Beka Gviniashvili.
Côté hollandais, Grol, avec cette médaille d’argent, a sans aucun doute fait définitivement la différence avec Roy Meyer (3e aux championnats du monde 2019 et 5e à Tel-Aviv), qui finit au pied du podium. Les deux Bataves se sont d’ailleurs rencontrés en quart de finale lors d’un combat sous très haute tension. Une rencontre que le premier, 3e au Masters, gagne facilement. Chez les féminines du même pays, Guusje Steenhuis, en -78kg, tue tout suspens en arrivant en finale (battue aux pénalités par Pacut) alors que Marhinde Verkerk se classe septième.
Le dernier vainqueur du jour, le Belge Toma Nikiforov, n’a à craindre ni concurrence, ni désormais le risque de ne pas avoir de quota olympique. Vainqueur à Tashkent, 3e à Tbilissi, le judoka du Sporting Club de Schaerbeek à Bruxelles piège magnifiquement Varlam Liparteliani lors de la finale, passant très vite dans le dos du Géorgien alors que ce dernier amorçait un makikomi. Un mouvement visiblement bien préparé, qui fait rouler Lipo sur la barre d’épaules et offre à Nikiforov son second titre européen après 2018. Une séquence qui voit le Belge revenir comme une fusée dans la liste des noms à cocher pour la victoire finale à Tokyo.
Quatre médailles géorgiennes ce dimanche. Les masculins du pays à la Croix de Saint Georges auront été les grands animateurs de bloc final avec outre le doublé en -90kg et l’argent de Liparteliani, le bronze de Guram Tushishvili en +100kg (mais battu nettement par Tasoev en 1/4).

À l’issue cette ultime journée, le titre de Sayit fait grimper la Turquie à la deuxième place avec deux titres. Mais derrière, et c’est historique, le Kosovo, sacrée meilleure nation sur cet évènement ! Un résultat sensationnel obtenu sans sa méga-star Majlinda Kelmendi. L’équipe de Driton Kuka s’adjuge deux titres, tout comme la Turquie. Mais une médaille de bronze fait toute la différence. La France termine elle troisième avec huit médailles (un titre, trois médailles d’argent et quatre de bronze) alors que la Russie conclut ces championnats d’Europe a une très inhabituelle sixième place, loin de la deuxième de Prague. Un championnat où les titres auront été remarquablement dispatchés puisque douze pays sont titrés ! Ils étaient seulement huit en République Tchèque avec une France qui avait cannibalisé à elle seule cinq titres.

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