Pas de +78kg française aujourd’hui, mais deux -78kg pour tenter leur chance dans une catégorie copieuse à Bakou. Océane Zatchi Bi se faisait surprendre par le tai-otoshi à genoux efficace de la très forte Italienne Alice Bellandi, médaillée mondiale à Doha et n°2 mondiale. Quant à Chloé Buttigieg, après une victoire efficace contre une Kazakhe, elle était victime du très fort travail au sol de l’ancienne championne du monde japonaise Mami Umeki. Il y a encore du travail pour s’élever au niveau d’un top 20 très dense.
La curiosité du public français allait en particulier du côté des garçons, avec de « forts potentiels » aligné en -90kg et en -100kg. En +100kg, notre vainqueur des Jeux de la Franco’, Khamzat Saparbayev était pris d’entrée par un yoko sutemi rudimentaire et efficace d’un combattant azéri 78e mondial, quant à Amadou Meite, il prenait le Russe Tamerlan Bashaev en guise de hors d’œuvre et succombait à son morote-seoi-nage à genoux. Avec deux représentants français en lice pour les Jeux, la bataille des -90kg était excitante, elle se finit tristement, non seulement par l’échec des deux, mais aussi par une blessure manifestement sérieuse récoltée par Maxime-Gael Ngayap-Hambou, opposé au premier tour à un Autrichien proche de la médaille aujourd’hui, Thomas Scharfetter (5e), en pleine progression cette année. Au golden score, l’Autrichien contrait la montée de bras du Français avec un petit ura-nage qui lui donnait waza-ari… et attrapait au passage la jambe de Maxim-Gael, manifestement bien touché. Quant à Alexis Matthieu, notre top 10 mondial depuis sa place de troisième au Master, il sortait lui aussi dès son premier combat, battu au golden score aux pénalités par la Belge Sami Chouchi, médaillé européen en 2022.

Deux doubles champions du monde au tapis

Restait en course le -100kg Aurélien Diesse. Notre ancien champion d’Europe junior des -90kg, longtemps arrêté par de nombreuses blessures, a finalement opté définitivement pour la catégorie au-dessus l’année dernière, et les résultats encourageants se sont vite manifestés, notamment une belle cinquième place au Grand Chelem de Tokyo. Cette fois, il va faire mieux en atteignant le podium, tout en montrant des qualités judo qui autorisent beaucoup d’espoir. Il sortait d’abord le Colombien Franscico Balanta sur sumi-gaeshi, en affichant aussi au passage de nouvelles dispositions au sol – merci Guillaume Fort en équipe de France et Jean-Pierre Gibert au club – et le meilleur venait juste après avec une victoire retentissante contre l’Espagnol Sherazadishvili, double champion du monde, en l’attaquant brillamment au golden score sur son grand o-soto-gari à droite en garde unilatérale. La finale de tableau allait révéler sa petite faiblesse du jour, le corps-à-corps en « prise de l’ours » que lui imposait d’entrée le puissant Aaron Fara, encore un Autrichien à craindre, finaliste de deux Grands Chelems en mars, pour une victoire à Antalya. Mais la commission finissait par changer ce ippon en shido pour saisie directe – car on sait qu’il faut d’abord passer par un point de saisie sur la veste adverse avant d’aller chercher le corps-à-corps – et Aurélien Diesse prenait cette seconde chance à bras le corps lui aussi en plantant dès la séquence suivante l’Autrichien sur un o-soto-makikomi bien conclu au sol. Une passe d’armes belle à suivre et qui allait occasionner sur le tapis et en coulisses des échanges sympa entre les deux hommes, dans le sourire. Adversaires, mais camarades avant tout, c’est le judo, et tout ce qu’on aime.

C’était déjà les quarts de finale, les choses sérieuses. Le Français affrontait le gros chat géorgien Ilia Sulamanidze (à découvrir dans l’Esprit du Judo n°105), un numéro un mondial de vingt-deux ans qui a déjà combattu trois fois pour une médaille mondiale seniors et en a remporté une. Notre représentant faisait un combat d’égal à égal, secouant souvent le Géorgien, mais il se faisait surprendre une nouvelle fois par une saisie au corps-à-corps, cette fois licite selon l’arbitrage. Un waza-ari qui tombait dans les dernières secondes du temps de combat et l’éliminait de la course à l’or.

Un podium flatteur

Pour gagner la médaille il fallait battre encore un adversaire… rien de moins que le Portugais Jorge Fonseca, lui aussi double champion du monde. Une bataille dantesque entre deux explosifs dans laquelle le Portugais plantait les premières banderilles avec de très fortes attaques en o-soto-gari et ko-uchi-gari, mais sans marquer. Et le Portugais allait s’épuiser dans ses attaques qui ne mettait pas en défaut la belle posture d’Aurélien Diesse, toujours volontaire pour l’affronter et danser devant lui avec ses petits contacts en ko-soto-gari, ses appels très judo. Après trois minutes au golden score, il allait chercher le Portugais à plat ventre pour une renversement latéral parfait, et l’immobilisait pour le compte. Une médaille de bronze qui le place ici sur un podium « jeune » avec Ilia Sulamanidze en or devant le médaillé mondial junior russe Matvey Kanikovskiy, un garçon qui a aligné après ce championnat du monde jeune (où il avait d’ailleurs déjà été battu par le Géorgien), cinq finales en cinq déplacements en Grands Chelems pour trois victoires ! Troisième à ses côtés, Zelym Kotsoiev, un Azerbaidjanais n°2 mondial et médaillé de bronze sur les deux derniers championnats du monde. Une place chère et précieuse, pour laquelle il aura donc dû écarter deux doubles champions du monde. À confirmer évidemment, c’est le jeu, mais une performance repère.

Le retour de la Walkyrie

Information à retenir du côté français, c’est la grande Allemande Anna-Maria Wagner qui sort victorieuse de ce gros tournoi en -78kg, en dominant Mami Umeki et Alice Bellandi. Un retour à la corde après le flottement post-olympique (3e) et son titre mondial 2021. Et c’est la grande Beatriz Souza qui se replace bien elle aussi pour le Brésil avec de l’or arraché notamment (en demi-finale) à la revenante japonaise Sara Asahina, championne du monde 2018 et 2021.
Chez les hommes, c’est la Russie, cachée sous bannière neutre, qui finit en force avec la victoire très probante du -90kg, désormais vingt-six ans, Mikhail Igolnikov, qui a gagné les trois Grands Chelems sur lesquels il est sorti. En -100kg, on a déjà évoqué le nouveau Russe destiné à faire mal, Matvey Kanikovskiy, en argent en aujourd’hui. Et en lourds, on a assisté à un très gros bras de fer entre les deux Russes, Tamerlan Bashaev (le vainqueur de Teddy Riner aux Jeux), Inal Tasoev, le « co-vainqueur » des championnats du monde (face à Teddy Riner encore, dans les conditions que l’on connaît), et les deux Georgiens Gela Zaalishvili, Guram Tushishvili.

Tamerlan Bashaev se faisait joliment contré par Guram Tushishvili sur un uki-waza que son adversaire lisait bien. Il se faisait lever du sol et proprement jeté sur le dos. Mais le petit Russe tout en mobilité plaçait un magnifique sode-tsuri-komi-goshi à genoux pour le bronze à Gela Zaalishvili. En finale, Guram Tushishvili retrouvait donc Inal Tasoev, superbe toute la journée avec son judo tout en fluidité debout et des enchaînements au sol tranchants. Et c’est le Russe qui l’emportait sur… uchi-mata gaeshi, le mouvement polémique qu’il exécutait cette fois tout en contrôle. Le Géorgien protestait, sortait même du tapis sans saluer avant de revenir… La FIJ peut prendre sa part de culpabilité dans cet agacement mal venu, légitime ou non. La règle suivie pour arbitrer ce mouvement n’est toujours pas éclaircie.
En attendant, la Russie, de façon toute officieuse car les combattants « neutres » ne sont pas classés, finit devant les trois médailles d’or de l’Azerbaidjan avec le même nombre de titres et plus de médailles d’honneur.