Akira Sone, très sereine pour son retour sur le circuit international.
Crédit photo Gabriela Sabau (FIJ)

Les chiffres valent parfois plus qu’une longue analyse. Ce dimanche, l’équipe japonaise alignait quatre engagés à parité : Mami Umeki (-78kg) et Akira Sone (+78kg) chez les féminines, Kenta Nagasawa (-90kg) et Kokoro Kageura (+100kg) chez les hommes. Trois sont remplaçants olympiques (Umeki, Nagasawa et Kageura), une titulaire (Sone). Et bien ces quatres judokas ont fait résonner le Kimi Ga Yo (l’hymne japonais). Quatre victoires sur les cinq catégories du jour, sachant qu’aucun Nippon n’était aligné en -100kg ! Impossible de faire mieux pour des un quarté glâné avec la manière et pas mal d’autorité. Certes, Akira Sone, la championne du monde 2019, dont c’était la première sortie internationale depuis le Grand Chelem d’Osaka fin 2019, s’impose en finale aux pénalités face à la Brésilienne Beatrix Souza. Mais cette dernière n’a jamais montré l’envie ni la capacité à faire douter l’ancienne étudiante de l’université IPU. Et sur sa journée, Sone, n°4 mondiale, n’a pas vraiment eu à forcer son talent. Difficile de savoir si un duel avec Romane Dicko aura lieu avant Tokyo fin juillet. Mais cette confrontation est attendue avec de plus en plus d’impatience tant ces deux jeunes femmes (Sone a un an de moins que la championne d’Europe 2020 !) dominent leur catégorie. Et les autres ? Mami Umeki a mis deux séquences à comprendre la stratégie de la Croate Karla Prodan avant de l’étouffer totalement, plaçant un harai-goshi bien suivi au sol. Prodan ? Une jeune judokate européenne qui monte clairement en puissance dans cette catégorie des -78kg : 2e aux championnats d’Europe -23 ans, en bronze aux Europe seniors, 3e à Tel-Aviv et donc en finale ici à Tashkent. Et seconde médaille d’argent d’ailleurs pour la Croatie avec celle de Barbara Matic, hier en -70kg.
Kenta Nagasawa bat lui logiquement le chouchou du public, l’Ouzbek Davlat Bobonov. De plus en plus dominateur alors que la finale avançait dans le temps, le -90kg nippon, ancien capitaine de l’université de Tokai, plaçait un tomoe-nage sur lequel Bobonov, visiblement épuisé, ne cherchait pas à se réchapper. Restait donc Kokoro Kageura. Le tombeur de Teddy Riner il y a maintenant plus d’un an à l’AccorHôtel Arena. Très tranquille sur la phase éliminatoire, le protégé de Kosei Inoue retrouvait le vétéran coréen Kim Sungmin (33 ans) pour la victoire. Très gênée au kumikata, Kageura trouvait finalement la solution sur un eri-seoi-nage à une seconde du gong ! Un waza-ari qui laissait Kim blasé d’avoir sans doute été un poil trop nonchalant sur la fin de combat.
Quatre victoires donc qui s’ajoutent aux cinq des jours précédents pour un total époustouflant de neuf titres, une médaille d’argent (Natsumi Tsunoda en -48kg) et une médaille de bronze (Takanori Nagase en -81kg) et un total de 49 combats gagnés et seulement deux défaites. Vertigineux.

Nikiforov ouvre son compteur en Grand Chelem

La seule catégorie qui échappe au monopole japonais du jour (et d’abord parce qu’il n’y avait aucun engagé) aura donc été les -100kg. Au bonheur de Toma Nikiforov ! Le Belge du Royal Crossing Club de Schaerbeek dont on aura noté avec tendresse les yeux humides, lorsque ce dernier, sur la plus haute marche du podium, écoutait les yeux levés La Brabançonne. Quarantième mondial avant ce Grand Chelem, le sympathique et extraverti judoka belge emporte ce dimanche son premier Grand Chelem ! Blessé en 2019 aux ligaments croisés du genou, cette victoire remet Nikiforov sur les rails, lui le médaillé mondial 2015 et champion d’Europe 2018, qui n’arrivait pas à retrouver le chemin d’un podium depuis la reprise du circuit international en octobre dernier. En finale, il domine nettement un invité surprise, le Bulgare Boris Georgiev, tombeur de la tête de série n°1 ce dimanche, l’Egyptien Ramadan Darwish. Un premier waza-ari sur un contre très inspiré en passant dans le dos de son adversaire. Et un second sur un eri-seoi-nage que le Belge poussait à fond. Avec cette victoire, Nikiforov va faire un énorme bond à la ranking-list, rentrant dans le quota olympique.

Un dimanche à oublier pour les Français

Un journée noire, par contre, pour les deux engagés tricolores. Julia Tolofua, 19e mondiale ce matin en +78kg, rentrait bien dans son combat face à la Russe Anzhelina Gasparian. La dominant nettement en puissance et en allonge, la Française de l’USO cherchait le coup dur sur uchi-mata. Mais sur une action en bordure, la Tricolore sentait son ischio de la jambe gauche claquer. Une douleur très vive qui empêchait Tolofua de continuer à être sur l’attaque. Pénaliser une troisième fois, cette dernière sortait du tapis en boîtant bas et grimaçant. Une blessure dont la gravité exacte sera connue dès le retour en France de la +78kg française.
Alexandre Iddir, lui, avait ce dimanche le projet de se relancer, d’engranger de la confiance et de précieux points en vue de Tokyo. Tête de série n°2 du jour, il héritait de Toma Nikiforov dans son quart de tableau. Du lourd certes, dès les 1/8e de finale. Mais après, la route se dégageait sensiblement vers le bloc final. Bien sûr, il fallait d’abord battre lors du premier combat l’Allemand Dario Kurbjeweit Garcia, 133e mondial, dont la seule référence dans la catégorie est une victoire à la Coupe d’Europe de Bratislava en 2019. Un adversaire complètement dans les moyens d’Iddir et largement. Le judoka allemand ne posait pas mille questions, jouant son va-tout avec ses sode-tsuri-komi-goshi bas qui inquiétèrent par deux fois le judoka du FLAM 91. En face Iddir, hormis la première attaque du combat en seoi-nage debout, ne domina pas du tout les débats et, pire, se fit contrer sur une attaque mal préparée en ippon-seoi-nage à droite. Une offrande que Kurbjeweit Garcia ne laissa pas passer : ura-nage victorieux. Nouvelle désillusion donc pour le Marseillais. Si il est pour l’instant 13e à la ranking list, le Français ne trouve plus le chemin du podium depuis sa victoire à l’Open de Perth (Australie) fin 2019. Pire, Iddir, dont le bagage technique est sûrement l’un des plus complets du circuit, donne l’impression depuis les championnats d’Europe de subir les évènements plus que de les maîtriser ou de les initier.
La France reste donc à une médaille de bronze, récoltée par un épatant Luka Mkheidze vendredi dernier. Une satisfaction à laquelle il faut tout de même ajouter la cinquième place de Guillaume Chaine, auteur d’une journée positive par sa victoire sur l’Italien Basile notamment, mais où il s’incline tout de même par deux fois devant des adversaires moins bien classés que lui. Statu quo clairement négatif pour les -81kg (puisqu’aucun point n’est marqué ni par Alpha Djalo, ni par Nicolas Chilard) dans une catégorie où le ticket olympique est loin d’être acquis.

Une Asie gargantuesque

Un Grand Chelem d’Ouzbékistan que l’Asie aura donc outrageusement dominé, cannibalisant la très grande majorité des titres et médailles, Japon largement en tête. La Mongolie prend la deuxième place des nations, devant la Corée du Sud et son leader An Baul, intraitable depuis début 2020 (il en est à quatre titres consécutifs sur le circuit). Le vice-champion olympique impressionne toujours autant avec ses mouvements d’épaule à gauche qui perforent toutes les défenses. Le pays organisateur, au pied du podium, termine tout de même à six médailles. Un résultat qui démontre l’excellent travail réalisé depuis son arrivée à la tête du staff par Ilias Iliadis, avec notamment l’émergence de jeunes pousses comme le -100kg, Muzzafarbek Turuboyev, 20 ans et médaillé aujourd’hui, ou même le -73kg Obidkhon Monomov, 22 ans, tombeur non seulement de Guillaume, mais aussi de l’ancien champion d’Europe suédois Tommy Macias, cinquième au final. Encourageant pour tout le monde.