L’époustouflante entrée en matière de l’équipe allait-elle servir de rampe de lancement pour le reste des engagés tricolores ?
Ce vendredi, on serait tenté de dire plutôt oui, puisque deux nouvelles médailles – de bronze et féminines – sont encore tombées dans l’escarcelle française avec Manon Deketer et Marie-Ève Gahié. Statistiquement, la France a pour l’instant engrangé une médaille dans chacune des catégories féminines. Une performance remarquable.
L’affirmation de Deketer
Second podium en Grand Chelem pour Manon Deketer.
Crédit photo : Gabriela Sabau/IJF
Passée à côté de son Grand Chelem de Paris, Manon Deketer (-63kg), avec cette seconde médaille à ce niveau après Paris en octobre, confirme son leadership national sur la catégorie. En l’absence de Clarisse Agbegnenou, future maman, la judokate de l’ESBM, prouve qu’elle a bien passé un cap. Des prémisses aperçus lors du Grand Chelem de Düsseldorf 2020 (elle avait fini 5e avec un plateau particulièrement relevé) et que cette saison consolide. Aujourd’hui, elle gagne son bras de fer avec Magdalena Krssakova, vice championne d’Europe 2020, se montrant la plus concentrée et lucide dans ce mano a mano intense. Pour le bronze, son ne-waza, l’une des plus grandes armes, fait la différence face à la Canadienne Catherine Beauchemin-Pinard, médaillée de bronze aux JO l’année dernière. Initié avec Alain Schmitt, perpétué désormais avec Baptiste Leroy, le travail mis en place auprès de la championne de France seniors en titre offre l’image de jolis bourgeons dans leur phase d’éclosion.
Gahié, résilience en marche
Marie-Ève Gahié n’a laissé aucune possibilité à l’Australienne Coughlan.
Crédit photo : Gabriela Sabau/IJF
Impressionnante championne du monde en 2019, Marie-Ève Gahié a finalement vu la sélection olympique aller à Margaux Pinot. Un duel que la nouvelle olympiade a toutes les chances d’offrir à nouveau. Absente à Paris pour cause de Covid-19, Gahié donne une nouvelle preuve de résilience. Après le bronze d’Abou Dhabi fin novembre, la -70kg monte à nouveau sur le podium d’un Grand Chelem, laissant apparaître un retour progressif de ce qui faisait sa force : mobilité, impact terrible, très bon ne-waza. Pour le bronze, elle étouffe l’Australienne Aoife Coughlan. En repêchage, elle pique très malicieusement au sol l’Allemande Miriam Butkereit. Reste sa défaite face à la Nerlandaise Sanne Van Dijke, médaillée mondiale et olympique 2021. Une petite faute de posture (elle se met un peu trop en déséquilibre vers l’avant) dont profite Van Dijke pour tourner les épaules et lancer un uki-otoshi. La dynamique demeure toutefois intéressante et prometteuse.
Également présente, Margaux Pinot, étincelante à Paris il y a deux semaines, tombe d’entrée face à la Japonaise Shiho Tanaka. Les effets indésirables d’un tirage au sort où les Japonais, dont certains combattants sortent peu et sont donc parfois mal classés, viennent faire turbuler un système sans repêchage avant les quarts de finale.
En or ce soir, Tanaka n’est pas n’importe qui : deuxième à Abou Dhabi (elle avait battu Marie-Ève Gahié), elle a marqué les esprits en finissant victorieuse du Kogo Hai (la Coupe de l’Impératrice), le « toute cat’ » féminin, organisé au Kodokan fin décembre. Un huitième qui avait tout d’une finale conclue finalement aux pénalités, l’arbitre donnant un ultime et très sévère shido à la Tricolore pour défense excessive.
Une défaite à sans doute analyser comme une péripétie passagère pour Pinot, dont la présence aux championnats d’Europe (la sélection féminine devrait être donnée d’ici quelques jours, à en croire ce qui a été annoncé par le staff) fait peu de doutes.
Chez les masculins, Nicolas Chilard, cinquième au Grand Prix du Portugal, subit le foudroyant o-soto-gari à droite du Canadien François Gauthier Drapeau. Vingt quatre ans et déjà tout du successeur d’Antoine Valois-Fortier dans cette catégorie des -81kg. Un judoka régulier et qui commence à se faire un nom : en bronze au Grand Chelem de Bakou, cinquième à Paris, le voilà à nouveau sur la boîte.
L’autre Tricolore du jour, Luca Otmane, pourra lui légitimement pester contre l’arbitre russe (mais surtout les superviseurs) après sa défaite contre l’Israélien Tohar Butbul en huitième.
Si un arbitrage « à domicile » constitue un invariant du sport, et donc du judo, que les sportifs intègrent (parfois inconsciemment), le degré atteint par celui-ci, ce vendredi, à la Shlomo Arena a interpellé. Spectateurs et combattants.
Qu’en fût-il ? Le Français se faisait pénaliser par trois fois à contre-courant total du sens du combat. Si le combat au kumikata était rude, tous les kinza et les principales initiatives étaient françaises.
Même sentiment dérangeant face à des décisions discutables – doux euphémisme – lors des deux premiers combats de Sagi Muki, la star locale, face à au Tajdik Rizoev et au Néerlandais Frank De Wit.
Un sentiment malaisant dont il faudra voir s’il ne fut, et on l’espère, qu’une impression un peu subjective de cette journée de vendredi.
Doublé nippon, Casse, c’est la classe
Un vendredi marqué par le sans faute japonais : en -63kg, Megumi Horikawa, terrasse toutes ses adversaires avec ses ashi-waza. Ce soir, elle gagne son second Grand Chelem en carrière après Tokyo en… 2012 !
Absente du circuit depuis 2018, la Nipponne a impressionné. En -70kg, Shiho Tanaka confirme qu’il faudra compter avec elle pour le ticket olympique après la retraite de la championne en titre, Chizuru Arai.
Deux titres pour le Japon qui ne pourra toutefois plus revenir sur la France puisque sans combattantes engagées demain.
Chez les masculins, pas de surprise avec l’Azéri Hidayat Heydarov en or en -73kg et le Belge Mathias Casse en -81kg. Le Flamand reste sur trois victoires consécutives (Abou Dhabi, le Grand Prix du Portugal et donc Tel Aviv), un titre mondial et une médaille olympique. Un combattant qui ne gagne pas contre les combattants nippons (défaite face à Nagase aux JO, Sasaki et Fujiwara à Paris en octobre) mais qui enchante, bluffe, et force le respect pour sa régularité et une intelligence de combat rare. Il sort victorieux d’une énorme finale contre le Turc Vedat Albayrak sur une clé de bras d’exception.
Retrouvez ici les résultats des deux premiers jours de compétition