Christophe Massina.
Crédit photo : Union européenne de Judo (UEJ)

Rencontré à l’occasion du stage national de Temple-sur-Lot, Christophe Massina, responsable de l’équipe féminine, revient sur l’état de forme de son groupe, la préparation olympique et son expérience d’entraîneur national.

Quel bilan fais-tu à mi-stage ?
Il est très bon. Certes, on sent une fatigue présente avec les nombreuses compétitions du début d’année ou le stage au Japon. Les sélections aussi, qui provoquent beaucoup d’émotions au sein du groupe car s’il existe beaucoup d’affinités, une concurrence très forte est également présente ! Mais sur la production judo, je trouve le groupe élite très engagé, très investi, y compris sur les séances techniques.
Ce matin (lundi 8 avril, NDLR), c’était la séance la plus dure du stage et j’ai vu des attitudes très positives. Enfin, l’attitude des stagiaires et des partenaires (un groupe de cadets masculins issus des pôles espoirs de Toulouse et Bordeaux, NDLR) me plaît beaucoup. Ils mettent de l’ambiance, encouragent, se mettent volontiers à disposition pour préparer au mieux l’équipe de France pour toutes les échéances qui viennent. On évolue dans une ambiance très plaisante.

L’équipe olympique est, désormais, presque officiellement au complet…
Tout à fait, même si l’on doit attendre l’officialisation du CNOSF pour les -78kg (ce vendredi, NDLR). Ce fut un dernier choix difficile à faire, entre deux grandes championnes — comme ce fut le cas en +78kg entre Romane Dicko et Julia Tolofua. Cela nous permet désormais de nous projeter, de pouvoir avancer dans cette préparation olympique. Six sur sept d’entre elles étaient déjà sélectionnées aux JO de Tokyo (en -70kg, Marie-Ève Gahié sera titulaire alors que c’était Margaux Pinot qui l’était au Japon, NDLR). On pourrait donc se dire que cette nouvelle sélection olympique est plus facile à digérer. Mais il faut prendre en considération un paramètre essentiel : ce seront des Jeux olympiques à la maison. Un facteur auquel nous serons très attentifs car on attend de nos judokas féminines quelque chose de très fort. Voilà pourquoi je préfère parler de rêve que d’objectif olympique. Elles ont les moyens de réaliser une performance unique dans le judo tricolore et d’écrire une page exceptionnelle du sport français.

Quel est votre programme de préparation d’ici le début des Jeux ?
Nous allons rentrer dans la préparation terminale au début du mois de juin avec un stage de préparation physique et de cohésion. Ensuite, nous aurons deux stages judo : du 13 au 20 juin à l’Insep et du 4 au 12 juillet au CREPS de Vichy.
Enfin, ça sera de la mise au vert, de l’affutage juste avant l’entrée au village olympique. Pour ce qui concerne les compétitions, et en particulier les championnats du monde (19-24 mai à Abou Dhabi), il y aura, peut-être, des choix faits avant les championnats d’Europe (25-28 avril à Zagreb). De toute façon, les derniers noms pour les championnats du monde seront donnés, quoiqu’il arrive, après cet événement continental.

Être le responsable de cette équipe si performante, cela inspire quel sentiment ?
Plutôt de la fierté ! Accompagner, avec mes collègues, une équipe qui peut marquer l’histoire, cela rend fier. Il faut essayer de rester le plus stable et équilibré, car c’est de cela dont elles auront besoin le jour de la compétition. Depuis quelques mois nous sentons une accélération très nette, tout autour du groupe et de notre sport, par rapport à ces Jeux olympiques à domicile. Justement, notre rôle est de ne pas se faire embarquer par cette accélération, de respecter le cadre et le tempo que nous nous sommes fixés… tout en prenant les informations utiles pour d’éventuelles adaptations. La feuille de route est clairement tracée et, pour l’instant, tous les voyants sont au vert.

Récemment, tu as fêté tes vingt ans en tant qu’entraîneur national. Quels sont tes meilleurs souvenirs ?
Le moment le plus marquant reste la médaille d’or d’Émilie Andéol aux Jeux olympiques Rio. Pas la médaille en elle-même d’ailleurs, mais le chemin pour y arriver. Emilie est rentrée à l’Insep en 2007, j’ai commencé à travailler avec elle en 2009. Il y a eu sept ans d’accompagnement vers l’or olympique. Une durée rare dans ce milieu. Une expérience humaine et professionnelle extraordinaire, qui m’a permis d’apprendre énormément de choses sur moi-même.
L’autre moment très fort, c’est la victoire par équipes aux Jeux olympiques de Tokyo. À ce moment-là, j’étais chez les masculins. Très tôt, je leur ai parlé de cette chance incroyable qu’ils avaient : gagner un titre olympique. J’évoquais souvent deux exemples : 2011 et le titre mondial par équipes à Paris, en leur disant que c’était encore quelque chose d’autre, d’encore plus grand ; et les fleurettistes, qui sont champions olympiques par équipes à Tokyo tout en ayant participé en individuels.
Ils sont se sont rendu compte de l’impact que cela pouvait avoir !
Aussi bien pour Émilie que pour les équipes, toutes les émotions, tous les souvenirs accumulés pendant des mois ou des années se mélangent et t’envahissent.

Quels sont les ressorts de ton management ?
Je suis entêté sur l’aspect collectif (sourire). Il faut, bien sûr, trouver les bons ressorts pour individualiser au maximum, mais des obligations collectives qui doivent être respectées. On parle de l’équipe de France. Les performances individuelles s’inscrivent toujours dans une perspective collective. Cela crée forcément des moments de friction, car il y a de l’égo. Mais un cadre a été mis en place dont on ne doit pas déroger. L’équipe de France est au-dessus de tout. Avec mon expérience, j’ai vu ce qu’une absence de collectif pouvait générer, mais aussi ce qu’un groupe stable et serein pouvait amener comme plus-value à la performance.
Je pense aussi être proche des athlètes. Être le plus humain possible, même si c’est parfois difficile dans ma position puisque je suis aussi sélectionneur. Quand on annonce le choix de l’une au détriment d’une autre, une perte de confiance a parfois lieu, qui doit être reconstruite pas à pas.
Il est nécessaire de savoir rester serein, comprendre les joies et les moments plus difficiles des athlètes, essayer d’avoir un maximum d’empathie… dont on manque parfois dans le haut niveau. Les féminines ont la particularité de savoir très exactement où elles veulent aller chacune, de se donner les moyens de leurs ambitions individuelles et en même temps d’être très collective, impliquées dans le groupe. Cela paraît antinomique, paradoxal, mais c’est, je pense, ce qui fait l’une des particularités de ces judokas féminines.