À Kazan, répétition générale avant les mondiaux de Rio

Répétition générale ! L’épreuve de judo des Universiades 2013 a permis de jauger les forces avant les championnats du monde de Rio : la Corée revient au centre du jeu, le Japon montre sa valeur. La Russie ne brille pas avec ses garçons… mais avec ses filles, et c’est nouveau ! Wang Ki-Chun le Coréen, le Tchèque Krpalek, la Russe Kyuzutina, la Hongroise Joo… des vainqueurs potentiels pour les championnats du monde dans un mois et demi à Rio.

Il en est des Universiades comme de tous ces gros championnats parallèles aux « vrais » événements majeurs. Même si ils sont importants dans leur organisation, ils pêchent parfois par le niveau des engagés si le « timing » ne s’y prête pas. Cette fois, c’était le bon moment pour tester certains grands leaders encore en jachère post-olympique et les générations montantes qui ont besoin d’expérience. Les Universiades 2013 ont intéressantes par le nombre de participants et le niveau, et des éléments de l’avenir proche s’y sont révélés.

Le « show » Krpalek

On savait le grand Tchèque parmi les favoris des championnats du monde depuis sa prestation aux championnats d’Europe. Le moins que’on puisse dire c’est qu’il n’a pas perdu ce statut, bien au contraire. Non seulement il gagne en -100 kg en battant (notamment) le Français Delvert et un adversaire russe en finale, Zafar Makhamadov, qui l’avait dominé par deux fois récemment, mais il se permet même d’emporter avec gourmandise et un peu d’effronterie le tournoi toutes catégories face à des pointures mondiales. Il bat successivement le Brésilien David Silva, son second Français du week-end Jean-Sébastien Bonvoisin, et un peu plus tard en demie, le meilleur Coréen, le redoutable Kim Sung-Min, l’un des prétendants au sceptre de Teddy Riner ce mois d’août. En finale, il dispose du brillant Momose, un technicien qui aurait dû trouver à sa main ce combattant pour une fois d’un gabarit moindre que le sien. S’il n’en fait pas trop et sait se concentrer sur l’événement à venir, Lukasz Krpalek sera bien difficile à battre fin août à Rio.

Dans la famille Russe, je demande les filles

Makhamadov battu, ainsi que  – et c’est plus agaçant pour l’équipe de Gamba devant son public (et un gros paquet d’officiels) – le champion olympique des -60 kg, l’excellent Galstyan, dominé en finale par le Japonais Shinji Kido, vainqueur en Géorgie cette année, qui n’est que le n°3 ou 4 Japonais dans la catégorie. Renat Saidov, toujours plutôt bon en +100 kg, avec une victoire sur le jeune Géorgien Matiashvili et sur le Japonais Ojitani, mais battu par le non moins jeune Coréen Cho Guham… Du coup, l’équipe russe masculine ne fait pas d’étincelle chez elle et termine à une quatrième place un peu trop modeste, même si seul Galstyan était présent de l’équipe olympique. Cinq médailles masculines sans or, loin des cinq médailles japonaises dont trois en or et des six médailles coréennes, dont trois en or – et loin derrière le seul Krpalek pour la Tchéquie, deux titres à lui tout seul. Mais la Russie ne perd pas la face, car son équipe féminine, que l’on n’attendait pas aussi tôt à ce niveau, fait deux médailles d’or, par la championne d’Europe Kuzyutina (-52 kg), désormais une vraie favorite pour Rio, et par la petite Alesya Kuznetsova (-48 kg), tout juste sortie des juniors et que nous avions remarquée pour son style très « ne-waza ». Elle confirme le statut d’outsider que nous lui réservions. Avec quatre médailles dont deux d’or (et deux bronzes, celui de la championne d’Europe -70 kg Labazina et de la lourde qui monte, Mariaa Shekerova) la Russie des filles se classe donc deuxième, juste derrière les trois médailles brésiliennes, deux en or, une en argent. Il est à noter que les Cubaines font cinq médailles et les Françaises quatre, mais avec une seule médaille d’or. Tandis qu’une petite équipe japonaise fait cinq médailles, mais aucun titre.

La Corée devant tout le monde

L’Asie traditionnelle fait fort avec une belle équipe d’anonymes japonais, qui emporte trois titres masculins, par Kido (-60 kg), Takajo (-66 kg) et Nagase (-81 kg). Le seul connu de ces combattants étant Tomofumi Takajo, 2e du Master cette année… mais 4e Japonais de la catégorie derrière Ebinuma, Fukuoka et Morishita. Décidément, le Japon reste le meilleur candidat à sa propre succession. Mais les plus forts encore cette fois sont les Coréens, avec le retour du fantastique et fantasque Wang Ki Chun, qui s’est réglé depuis un tournoi de Dusseldorf raté. Il déjoue tous les pièges du jour à coups de ippon, six tout de même pour ce copieux tournoi, le dernier sur le Français Allardon. Vice champion d’Asie 2013 pour toute référence, Gwak Don-Han est en train de s’imposer comme le nouveau -90 kg de l’équipe coréenne et un danger pour tout le monde. On le verra peut-être à Rio. Cho Guham (+100 kg) fait une très belle impression. La Corée des garçons était restée dans l’ombre, elle sort un peu du bois. Chez les filles, Hwang Ye-Sul (-70 kg) prend du volume. Quatre fois championne d’Asie consécutivement, 5e des Jeux 2012, elle gagne ces Universiades au bon moment. Dans le contexte de cette catégorie en renouvellement, elle est prête pour un podium à Rio.

Le Brésil prépare Rio

C’est le Brésil qui fait la plus belle prestation chez les féminines avec des n°2 intenables. On connaissait Ketleyn Quadros en -57 kg, repoussée à la seconde place par le retour de Rafaela Silva, mais c’est surtout la lourde Rochele Nunes qui étonne. Deux fois, elle se hisse en finale (+78 kg et Open) et deux fois y retrouve la championne olympique cubaine Idaly Ortiz Bocourt… qu’elle se permet de battre en +78 kg ! Le Brésil fait feu de tout bois et prépare Rio… 2016.

Joo

Chez les féminines, la Hongroise Abigel Joo se fait décidément remarquer. Troisième des championnats d’Europe, victorieuse du Grand Chelem de Bakou, deuxième du Master, elle s’affiche comme la plus dangereuse rôdeuse devant le seuil des -78 kg. Attention les Françaises, elle est dangereuse !

La France, les garçons du futur

Aucun n°1 chez les Français, sauf Alexandre Iddir (-90 kg), qui peut prétendre encore aller à Rio si il gagne la poule de sélection dans quelques jours. Pas de chance pour lui, il menait contre le Russe Voprosov d’un waza-ari, avant de tomber sur l’épaule et de devoir déclarer forfait pour ce combat et la suite de la compétition. Verdict des médecins : contusion du supra-épineux. De quoi handicaper le jeune prétendant (à la sélection pour Rio) qui devra être prêt le 24 de ce mois à faire face à un mini championnat de France, qualificatif pour la grande aventure.
Jean-Seb’ Bonvoisin (+100 kg), peut être déçu. Il ne gagne aucun combat sur les deux catégories où il est engagé, et se fait littéralement transpercé par le -100 kg Lukasz Krpalek. C’est meilleur pour Clément Delvert (-100 kg), qui a le temps de gagner deux combats avant d’être arrêté par Kpralek et repris de volée par le Russe Minaskin. C’est plutôt bien aussi pour le champion de France 2011 Guillaume Riou (-81 kg), qui passe deux tours, perd de peu sur l’atypique (il fait bien le judo) international ouzbek Imamov, avant une petite faute de goût : une défaite par ippon sur le Chinois Gao en repêchage. C’est très bien pour Vincent Vallée (-66 kg), battu d’entrée par l’Ouzbek Sobirov, mais remonté en trois combats gagnés (dont un contre le Polonais Zagrodnik) jusqu’au combat pour le bronze, malheureusement perdu face au Russe Yakub Shamilov. Adrien Raymond (-60 kg) gagne lui aussi deux combats et c’est un bon début pour ce néo-international. Mais celui qui casse la baraque, c’est l’excellent Jonathan Allardon, champion de France 2009 et 2010, souvent sélectionné en seniors tant son judo est plaisant et son potentiel manifeste. Il lui fallait une compétition de référence à ce niveau, ce sera sans doute celle-ci : il passe à travers cinq combattants au niveau « crescendo », pour finir par le solide Portugais Andre Alves, qui venait tout juste de battre le Japonais Yuki Nishiyama. En finale, il a le plaisir et l’avantage de rencontrer le Coréen Wang Ki Chun qui lui marque ippon. Une belle journée tout de même.

La France, les filles pour très bientôt

On commence à y être habitué, la France brille chez les filles. Si Hélène Receveaux (-57 kg), 3e l’année dernière ne doit pas être satisfaite de sa 7e place, ni l’ancienne championne d’Europe Pénélope Bonna (-52 kg),  de sa 5e place, si la lourde Anne-Fatoumata M’Bairo faisait ses premières armes seniors, c’est meilleure pour les autres. Titulaire à venir en -70 kg, Fanny Estelle Posvite fait une belle troisième place, en battant notamment la championne du Japon, Karen Nunira, pour la place de trois, après avoir été battue par une Chinoise. Mais la bonne surprise vient des deux finalistes Scarlett Gabrielli (-48 kg) qui parvient à battre par ippon alors qu’elle était menée waza-ari, l’espoir turque Ebru Sahin, troisième des championnats d’Europe… avant d’être battue en finale par celle qui l’avait emporté contre elle déjà en finale des championnats d’Europe juniors 2010, la Russe Kuznetsova. Une compétition qui va lui donner des repères sur elle-même, sa première vraie perf’ internationale en seniors. C’est la même chose pour Madeleine Malonga (-78 kg), encore plus jeune, puisqu’elle médaillée européenne juniors 2011 et 2012, sans beaucoup de référence seniors, y compris au niveau national. Elle marque quatre ippons avant de céder en finale à la Hongroise Joo. Mais la seule en or, c’est Maëlle Di Cintio (-63 kg), championne de France 2011, qui s’affiche doucement, mais assez clairement en futur challenger de Clarisse Agbegnenou dans les années à venir. Un tableau à sa main contre des espoirs de bon niveau international et une victoire courte en finale contre la Japonaise Kayoko Sano. Grâce à elle, la France termine sixième nation avec cinq médailles dont une en or, derrière la Corée (8 médailles dont 4 en or), le Japon (10 médailles dont trois en or), la Russie (9 médailles dont 2 en or), le Brésil (5 médailles dont deux en or) et la Tchéquie (quatre médailles dont deux en or).

Emmanuel Charlot

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