Après la Géorgie, la jeune combattante de 18 ans passe encore un cap

La catégorie la plus attendue du côté français était sans doute celle des -73 kg, avec les deux titulaires du prochain rendez-vous européen, Pierre Duprat, très à son avantage à Zagreb la semaine dernière pour le Grand Prix de Croatie où il avait terminé à la troisième place, et Florent Urani, le titulaire « surprise » de la catégorie, qui devait trouver là une occasion de (se) donner confiance. Ce sera finalement une compétition discrète pour l’un comme pour l’autre.

Duprat tombe dans le piège

L’Américain Nicholas Delpopolo – qui occupe une assez flatteuse 20e place mondiale… juste derrière Duprat et sa 19e place – était le premier adversaire du Français, qui l’abordait avec confiance et le gérait tranquillement aux pénalités. Trop tranquillement. Dans la dernière minute, une attaque de hanche prolongée à plat ventre et relancée d’un lancé de jambe rageur obtenait le yuko pour l’Américain. Un peu tard pour se refaire… le piège s’était refermé sur le Français, qui pourra sans doute en tirer une leçon.

Urani prend le n°2 mondial

Florent Urani, 34e de la catégorie, commençait bien sa journée en dominant par décalage de pénalités le Portugais Jorge Fernandes, 54e. Malheureusement pour lui, le second tour était plus indigeste avec… le n°2 mondial Rustam Orujov, un Azéri en pleine bourre, premier des Grands Prix récents de Géorgie et de Turquie, et futur vainqueur de ce Grand Chelem. Le Français contrôlait pendant une bonne minute, avant d’aller s’enclencher sur l’une des techniques très fortes de de l’Azéri, un ko-soto-gari à gauche en reprise de garde. Ippon, fin de partie frustrante pour le combattant de Sainte-Geneviève, qui sort sans beaucoup d’informations de ce tournoi.

Bellard dans le collimateur ?

Trois féminines étaient sur le pont en ce deuxième jour. Pour deux d’entre elles, la bataille tourna un peu court. Battue rapidement aux pénalités (à peine plus de deux minutes pour prendre la 4e fatidique…), Anne-Laure Bellard, 5e des championnats du monde, mais non classée au Grand Prix d’Allemagne, cherchait sa compétition de référence. C’est raté. Elle était victime d’une triple conjonction sur ce combat d’ouverture : la gestion habile de son adversaire, la Russe Labazina, vice championne d’Europe 2013, qui ne s’affolait pas face à son kumi-kata particulier, un manque d’agressivité qui ne lui permettait pas de déstabiliser la Russe… et un arbitrage très sévère qui laisse à penser que, peut-être, la grande -63 kg de Pontault-Combault est un peu dans le collimateur dans les « debrief » d’arbitrage.

Pinot ne passe pas le tir croisé de l’Autrichienne Graf

La grosse catégorie féminine française était celle des -70 kg, avec non seulement la précoce titulaire pour les Jeux européens (et championnats d’Europe) Marie-Eve Gahié, 18 ans, mais l’une de ses rivales de deux ans et demi son ainée, la toujours très jeune (21 ans) Margaux Pinot. Pinot commençait bien sa journée avec une victoire propre d’un yuko sur Esther Stam, néo-Géorgienne et 35e mondiale, une petite place au-dessus de la Française. En revanche, elle se montrait timide dans la première partie de son combat contre la très rugueuse Autrichienne Graf, 5e mondiale, qui la manœuvrait avec sa garde croisée la faisait pénaliser et marquait un yuko sur sumi-gaeshi. Margaux Pinot se rebellait bien dos au mur, remettait du rythme et équilibrait le combat, mais se faisait contrer sur un ko-uchi-gari ambitieux.

Gahié, la révélation de Bakou

Restait donc la « gamine » de FLAM91, Marie-Eve Gahié, 18 ans depuis le mois de novembre, sélectionnée pour le grand rendez-vous européen de Bakou et déjà « révélée » par sa troisième place gonflée au Grand Prix de Géorgie, tournoi dans lequel elle s’était permise de battre Graf, justement, trois semaines plus tôt. Elle confirme, et elle signe sur ce Grand Chelem de Bakou une compétition très révélatrice de sa courbe ascensionnelle actuelle. Elle fait en effet un parcours enthousiasmant non seulement de fraîcheur, mais aussi par ce qu’il révèle de nouveaux acquis technico-tactiques, de confiance et d’autorité nouvelle attrapés pendant ces quelques jours de travail, depuis cette étape déjà significative de la Géorgie. D’entrée, elle prenait la « tueuse de Françaises », le pieu polonais Katarzyna Klys, tombeuse de Gévrise Emane au dernier championnat d’Europe, de Margaux Pinot au Grand Chelem de Bakou 2014, de Fanny-Estelle Posvite au Grand Prix de Croatie la semaine dernière. Mais cette fois c’est le o-soto-gari plongeant avec une courte prise d’appui de Gahié qui « trouait » la Polonaise de 29 ans, laquelle était à deux doigts de revenir par un mouvement d’épaule efficace, mais les pénalités désignaient la Française vainqueur. Montée après son exploit géorgien à la 48e place mondiale, la junior Gahié venait de battre la 11e mondiale. La Brésilienne Timo, 24e mondiale, n’allait pas faire long feu. Une attaque à genoux bien esquivée et la combattante de FLAM91 lançaient un contre en sutemi, un geste nouveau bienvenu dans son répertoire. Clouée au sol, la Brésilienne avait tenu une vingtaine de secondes avant d’être écartée.

Une demi-finale perdue… mais réussie contre Kim Polling

La demi-finale à venir était plus que copieuse, puisque c’était le grand retour de la fière Néerlandaise Kim Polling, immense et puissante « arracheuse » au judo varié. Un morceau sans aucun doute trop massif pour les 18 ans de Gahié… Mais le combat allait être néanmoins impressionnant d’engagement de part et d’autre, abordé sans crainte et avec une volonté d’aller au charbon tout à fait réjouissante par la jeune Francilienne. Et c’est sur son contre de mouvement d’épaule à genoux que Gahié marquait la première un beau yuko. Bras de fer et combat de boxe à la fois, le combat était franc du collier. Polling allait finir par mettre les derniers uppercuts avec son arraché de face et son mouvement d’épaule, mais l’affrontement avait été surtout révélateur de la détermination de la nouvelle venue. Encore un peu tôt pour elle, mais il faudra voir dans les mois à venir…

Portela surclassée pour le bronze

Pour bien finir, il fallait prendre la médaille, ce qu’elle faisait parfaitement bien en surclassant la Brésilienne Maria Portela, 19e mondiale, qui subissait son o-soto-gari et se faisait écraser au sol en tentant un ura-nage raté. Troisième une nouvelle fois, et cette fois d’un Grand Chelem, Marie-Eve « junior » Gahié a répondu aux interrogations éventuelles sur sa sélection senior à un âge aussi tendre, et marqué beaucoup de points qui préparent l’avenir. Même si, à cette âge et avec l’expérience limitée dont elle dispose encore, elle peut sans aucun doute perdre encore des combats par inadvertance, on peut vraiment parler sur ce Grand Chelem de Bakou de révélation Gahié ! Et d’ores et déjà, la bataille pour la titularisation aux Jeux en 2016 est engagée.

Les gauchers Khalmurzaev et Maruyama

Nouvelle performance anglaise féminine avec la victoire un peu inattendue de Sally Conway en -70 kg, qui transperce sur un beau o-uchi-gari une Polling trop gestionnaire à dix secondes de la fin d’une finale où elle était menée d’un yuko. Affirmations du jour en -81 kg, deux exceptionnels gauchers, le Russe Khasan Khalmurzaev, qui l’emporte dans cette catégorie à 21 ans et a le profil d’un futur titulaire pour les Jeux, et le Japonais Goki Maruyama, troisième et encore très tendre physiquement, mais ébourriffant de style et de vivacité. Une victoire kazakhe, deux victoires azéries, une victoire russe… les voyages à Bakou (Azerbaïdjan), puis à Astana (Kazakhstan) ne seront pas des promenades de santé.