Il termine troisième de ce Grand Chelem avec panache
Six combats, cinq victoires intéressantes, la plupart par ippon, contre des adversaires qui se situent (sauf un) entre la 10e et la 30e place mondiale, c’est un super tournoi « Grand Chelem » que vient de réaliser Axel Clerget, 39e mondial. Bien sûr il n’y a aucun « top 10 » dans ce tableau de chase, mais chaque chose en son temps. Et puis battre Daiki Nishiyama, le n°2 japonais à la loyale – assez ouvert debout pour accepter d’être attaqué par les grands mouvements de jambe élégants et dangereux de son adversaire sans lui donner d’avantage, nettement supérieur au sol pour finir par le piquer au golden score – ce n’est pas donné à tout le monde et c’est un combat référence pour Axel Clerget, battu d’une pénalité injuste par ce même Japonais à Paris. Le héros de Marnaval a retrouvé ce qui lui faisait défaut depuis un moment, depuis son championnat du monde juniors 2006 (3e) il y a dix ans et sa première période faste en senior en -81 kg dans les années qui ont suivi : de la mobilité dans les déplacements et de la variation au kumi-kata, ce qui lui permet d’alterner les séquences fortes en haut avec des séquences par en dessous qui lui ouvre la possibilité de refaire son yoko-tomoe-nage efficace qu’on voyait moins et d’aller vers le sol où il excelle. Surtout, il semble apaisé, plus confiant en ses moyens, moins en surrégime et en tension constante. Plus « judo » donc. Expéditif en yoko-tomoe et travail au sol contre l’Indien Avtar Singh (dont la présence est un événement en soi), combatif contre l’usant Suédois Dvarby, piqué au sol, pertinent contre l’Espagnol Sheradazishvili, qu’il enroulait en makikomi, « judo » contre le Japonais Nishiyama, lui aussi piqué au sol, comme le Suédois sur une varation de sankaku-osaekomi, enfin mal récompensé dans un combat arbitré en dépit du bon sens contre le second Suédois du jour, Marcus Nyman, « l’usure » du moment, un combattant qui met toute son énergie dans un kumikata défensif étouffant et qui ne lance que des sumi-gaeshi sans réelle ambition. Clerget était en train de faire exploser ce dispositif à force d’acharnement quand le corps arbitral a crû bon de lui donner un quatrième shido pour… bras tendus (?). Mais le combattant de Sucy allait retrouver sa vista, ses yoko-tom’ et sa férocité au sol pour prendre le bronze à l’Azeri Medhiyev.
Axel Clerget est bien de retour dans cette catégorie des -90 kg, et sur cette ligne claire, la variation technique et tactique sur la base de son schéma yoko-tome-nage / enchaînement au sol, avec encore plus d’expérience et de solidité au kumikata, il est prêt à faire mal au niveau juste au-dessus, dans le top 10.
Du bronze et du mieux pour Andeol
Axel Clerget, c’était la bonne nouvelle du jour pour les Français, avec aussi le regain relatif d’Emilie Andeol en +78 kg. Même si elle est battue par la Chinoise Yu aux pénalités, son tempérament semble reprendre doucement le dessus sur la fatigue mentale et physique et son o-uchi-gari est de retour. Elle attrape une médaille pour la première fois cette année et engrange des points pour préserver sa place de tête de série, ce qui sera essentiel à Rio.
La tête de série, c’est aussi ce que venait cherchait la jeune Japonaise Kanae Yamabe dans cette catégorie, laquelle a arraché la place pour les Jeux de Rio à Megumi Tachimoto, cinquième mondiale. En l’emportant, elle passe de sa 14e place actuelle à la 5e. Mission accomplie. Mais la Chinoise Yu n’est pas montée contre elle en finale, officiellement pour un mal de dos. Peut-être aussi parce qu’elle ne tenait pas à donner une expérience précieuse pour Rio à cette jeune rivale dangereuse.
Un drôle de Grand Chelem
Au final, ce « Grand Chelem » à Bakou a rassemblé les combattants sur des motivations assez diverses et donne une impression un peu étrange. Rio pèse de tout son poids, déjà, sur les esprits et les attitudes.
Il y a ceux qui étaient là pour faire une expérience… et empêcher les nations étrangères de faire de bonnes opérations stratégiques, comme la -57 kg japonaise Tsukasa Yoshida (celle du uchi-mata magistral sur Hélène Receveaux en finale du Grand Chelem de Tokyo), 15e mondiale et déjà prête à prendre la relève de la championne olympique Kaori Matsumoto, avec, depuis décembre, deux « Grand Chelem » dans sa musette à 20 ans. On peut d’ailleurs remarquer qu’une très belle équipe « bis » du Japon, avec ce dimanche l’atypique -100 kg japonais Aaron Wolf (3e) auteur d’un énorme uchi-mata sur l’Allemand Frey, est en train de se constituer pour préparer d’ores et déjà l’après Jeux.
Il ya surtout ceux qui défendaient eux-mêmes leur statut de tête de série ou, comme Mirali Sharipov (UZB) hier, leur présence dans les vingt qualifiés. Le plus impressionnant dans le genre aura été dimanche le jeune Géorgien de 20 ans, Beka Gviniashvili, qui administre à tout le monde (dont le Japonais Wolf) en -100 kg la même potion à base d’arrachés amers et de mouvements de hanche qui piquent un peu. Encore 25e mondial à l’entrée de ce week-end, il vient de passer aux alentours de la 15e place mondiale, avec la pancarte, pour Rio, « à éviter absolument ». L’équipe géorgienne fait peur, encore une fois.