C’est entendu, le Japon a survolé « ses » Jeux, et il ne s’agira pas, dans les commentaires, de leur voler cette formidable, cette fabuleuse réussite. D’ailleurs la magnifique émotion finale, celle que vous n’aurez pas vu à la télévision, à la descente du podium, quand le grand Kosei Inoue est allé enlacer chacun des siens, avec un Shohei Ono la larme à l’œil, et que Teddy Riner, Clarisse Agbegnenou, en leaders naturels du groupe France, sont venus eux aussi donner leur très sincère accolade à « l’homme des Jeux », montrait bien le respect et la reconnaissance de tous pour l’immense réussite de l’équipe japonaise cette semaine à Tokyo.
Il n’empêche. Si la France fut globalement dominée par l’invincible team nippone… elle allait profiter de cette dernière journée pour donner une ultime leçon à ce formidable groupe, qui en avait tant donné les jours précédents. Car sur la journée, c’est la France qui se montra la plus forte dans l’envie collective, dans la capacité de dépassement et de transcendance. Sur la cohésion, la volonté de réussir ensemble, la France fut au-dessus dans l’ultime combat, et mérita d’arracher au Japon, quatre fois consécutivement champion du monde par équipes mixtes, ce premier, et à jamais historique, titre olympique par équipes.
Ils sont vraiment… phénoménaux !
Pour obtenir cette précieuse médaille d’or olympique collective, personne ne manqua à l’appel côté français. Même les plus mal en point pourront se dire qu’ils ont donné tout ce qu’ils avaient et apporté, au moment où ils le devaient, le point nécessaire. Invaincu Guillaume Chaine sur la journée. Superbe Romane Dicko, en parfait duo avec Teddy Riner. Même au plus mal, Margaux Pinot apporta le point de la victoire contre Israël au tirage au sort, après avoir perdu son premier combat contre Gili Sharir. Sans sa capacité de dépassement, tout aurait pu s’arrêter là. Exceptionnel Axel Clerget. Pourtant loin de son meilleur état de forme et à la rue sur le premier tour contre l’Israélien Kochman, il explosa en suivant, par son impact mental et technico-tactique, rien de moins que l’ancien champion du monde néerlandais Noël Van’ T End – qui l’avait battu en individuel — et le Japonais Mukai en finale. Une victoire stratégique qu’il allait chercher aux forceps et qui, à elle seule, avait valeur de démonstration de ce qui faisait aujourd’hui la différence entre le groupe France et la team Japon… Incroyable Sarah-Léonie Cysique, qui prend à chaque événement une envergure nouvelle ! Son autorité sur Yoshida, une nouvelle fois, fut stupéfiante et sa victoire elle aussi cruciale puisqu’elle scellait la rencontre, alors que, jusque-là, le Japon pouvait revenir, l’emporter sur le fil…
Enfin la France est menée aujourd’hui par des leaders étourdissants d’autorité. Teddy Riner, déçu la veille, privé de son grand rêve, emmenant tout le monde le lendemain en donnant de la voix, souriant, rassurant, intouchable sur le tapis. Son rival Hisayoshi Harasawa de son côté n’était même pas en judogi. Clarisse Agbegnenou ! Ce qu’elle fit à la Néerlandaise Sanne Van Dijke, médaillée olympique en -70kg, et avec plus d’aisance encore à la championne olympique japonaise des -70kg, Chizuru Arai, surclassée techniquement, fut confondant. Et au passage, assez parlant sur la hiérarchie entre ces grandes championnes. Si la Française se lasse un jour des régimes, elle a une idée de ce qu’elle pourrait faire dans la catégorie supérieure.
Elle peut aussi partir en vacances avec le sentiment du devoir accompli. Avec un titre mondial et un titre olympique obtenu en juin et en juillet, elle était déjà la seule à avoir fait cet impensable doublé. Et la voici double championne olympique quatre jours plus tard ! De quoi donner le vertige.
Comment le Japon aux neuf médailles d’or a-t-il cependant pu perdre contre la France, qui n’en avait récolté qu’une en individuel ? Le format à six catégories équilibrait légèrement les chances, éliminant certains des plus forts de l’équipe japonaise pour faire peser la responsabilité de la victoire ou de l’échec sur les épaules a priori moins solides des catégories plus élevées. Le tirage au sort fut aussi une bonne opportunité pour la France qui put ainsi fondre sur cette finale en laissant Shohei Ono sur le banc. Dans cette configuration, le Japon n’avait tout simplement pas l’équivalent d’un duo aussi puissant, aussi charismatique et intimidant que Teddy Riner et Clarisse Agbegnenou. La France était clairement la plus forte ce 31 juillet. Il fallait le prouver. Partie ce matin dans les mêmes conditions que sa rivale japonaise, l’équipe de France s’est montrée la plus capable de défendre ses chances sans être intimidée par l’aura adverse, refusant la fatigue et le doute, d’une façon que le groupe japonais n’est parvenu à atteindre. Une très grande victoire française, dont l’impact positif retentira longtemps.