Un jour sans. Sans le judo français, battu dans les tours préliminaires, sans représentant masculin japonais non plus, écarté lui aussi très tôt, et qui n’apporte donc pas de nouveau titre olympique au groupe de Kosei Inoue. C’est nouveau. Nous n’avions pas connu ça sur les quatre journées précédentes.
Axel Clerget a donné le maximum et on ne peut que s’attrister pour lui qu’il n’ait pas pu se faire plaisir ici comme il sait si bien le faire, dans la pleine possession de ses moyens. Triste, on peut l’être aussi pour Margaux Pinot, si lucide et forte mentalement habituellement, et qui a subi son premier tour. Une rencontre délicate contre la Grecque Elisavet Teltsidou qui lui a toujours posé des problèmes, un combat qui lui échappe, à coups de pénalités tombées trop vite. Deux échecs secs à mettre en regard du travail accompli par ces deux grands champions français depuis des années. Axel Clerget, qui se battait déjà pour faire les Jeux de Londres en 2012 en -81kg, performant en 2016 en -90kg mais encore une fois non sélectionné, et qui se retrouvait ici après deux médailles mondiales, à trente-quatre ans, pour sa première compétition olympique. Margaux Pinot, qui se bagarre dans la catégorie de Clarisse Agbegnenou en 2016, dans celle de Marie-Eve Gahié en 2020, et n’en a pas moins gagné sa place au soleil avec une constance, une intelligence de très grande championne, et faisait aussi son premier tournoi olympique… Mais il n’y a rien à dire, sinon souhaiter que toute cette énergie non dépensée sur le tapis, cette frustration de la médaille rêvée et évanouie, puisse se convertir en efficacité lors de la compétition par équipes. Terminer bien ce qui a été mal commencé, ce serait une grande consolation.

Le Japon six sur cinq

Sans Japonais pour le brider – pas de mauvais jeu de mots ici — Lasha Bekauri est donc allé faire ce que ses camarades d’équipe n’avaient pas obtenu les jours précédents, un titre olympique (le troisième du siècle dans cette catégorie, après Zurab Zviadauri en 2004 et Irakli Tsirekidze en 2008). Malgré la blessure récoltée très bêtement face au Français Cédric Olivar au championnat du monde par équipes – où il avait été engagé par erreur en +90kg — il a tenu les espoirs placés en lui. Et quels espoirs ! Ce Lasha Bekauri est un monstre. Champion du monde juniors en octobre 2019 pour la seconde fois, il emporte le Master senior un an plus tard, et n’a plus guère perdu depuis, sinon devant le Russe Igolnikov dont le style ne lui convient pas, mais qu’il domine ici en demi-finale. Il a vingt-et-un an et il est champion olympique. À Paris, il aura 24 ans. Si il est piqué du même virus que son compatriote Lasha Shavdatuashvili, trois fois médaillé, dont le titre en 2012, il pourrait faire encore mieux que lui. En attendant cette perspective, il réussit surtout à faire émerger, comme Clarisse Agbegnenou l’avait fait la veille pour les Françaises, les combattants masculins géorgiens de sous la ligne de flottaison où ils restaient encore. Avec trois finales, dont un titre désormais, la Géorgie apparaît pour ce qu’elle est, le pays des colosses seuls capables d’exister encore face aux samouraïs japonais. Derrière ils ont le patron Varlam Liparteliani en -100kg, et le terrible Guram Tushishvili en +100kg. Ça promet dans le débat japono – géorgien chez les hommes, qui n’a jamais paru aussi exclusif. La Géorgie monte en puissance depuis une olympiade, avec une équipe construite par Lasha Gujejiani dès 2017 chez les juniors. Et cela se voit. Tous les autres sont éclipsés, notamment les Russes qui étaient pressentis pour être les rivaux désignés.

Chez les féminines, les terribles Kosovares ont brouillé le jeu dans les trois premiers jours, avec la victoire de Distria Krasniqi en -48kg devant la Japonaise Funa Tonaki, et cette préjudiciable finale emportée par Nora Gjakova en -57kg, par disqualification de la Française Cysique. Mais sur la durée, on commence à le voir, c’est la bataille franco-japonaise qui va dominer, avec le beau titre de Clarisse hier, la belle confirmation de Chizuru Arai aujourd’hui. Le Japon passe donc devant chez les féminines, avec trois finales et deux titres, comme leurs camarades masculins avec leurs quatre titres. Les féminines japonaises qui semblaient un peu éclipsées, à la fois par la réussite vertigineuse de leurs homologues masculins et par la force de leurs rivales… ont en fait marqué des points et emporter la médaille quatre fois sur cinq journées, laissant la France un peu en retrait pour l’instant. Hamada contre Malonga, Sone contre Dicko… tout se jouera dans les deux jours qui viennent.
Géorgie, France, les rivaux sont puissants, mais le Japon ne craint plus rien. Cette nouvelle victoire aujourd’hui affole encore un peu plus les compteurs. Avec six titres en cinq jours, un par jour au minimum, le Japon est sur une table de marche fabuleuse. La légende s’écrit à Tokyo, avec ou sans covid.